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Critique de film
Le film
Affiche du film

L'Ultime chevauchée

(Raiders of Old California)

L'histoire

1847, alors que la guerre entre le Mexique et les USA touche à sa fin, certains soldats américains commandés par le général McKane (Jim Davis) font du zèle et contraignent le commandant d’un fort mexicain, Don Miguel Sebastian (Lawrence Dobkin), à capituler après avoir tué tous ses hommes. Par une transaction frauduleuse, McKane oblige même le vaincu à lui céder ses nombreux hectares de terres. Dans les années qui suivent, riche des territoires salement acquis, McKane règne sur la région de McKaneville (sic !) et commence à exproprier les paysans mexicains à qui il avait alloué des parcelles de terrain. Son homme de main, le vicieux Pardee (Lee Van Cleef), a beau faire régner la terreur sur la contrée, ses exactions parviennent aux oreilles d’hommes de loi et peu de temps après un vieux juge (Louis Jean Heydt) et un jeune Marshall (Faron Young) - père et fils - arrivent sur place pour enquêter et remettre de l’ordre dans la région. C’est le début de la fin pour le règne des escrocs meurtriers d’autant que Sebastian, laissé pour mort à la fin de la guerre, est au contraire encore bien vivant pour témoigner. Encore faut-il le retrouver avant que les crapules de McKane ne mettent fin à ses jours...

Analyse et critique

Raiders of Old California est le quatrième des dix films réalisés par l’homme d’affaires Albert C. Gannaway, époux de la comédienne Corinne Calvet (le garçon manqué au bonnet rouge dans Je suis un aventurier - The Far Country d’Anthony Mann) ; un film de série d’à peine 70 minutes qui comme les précédents a vraisemblablement été tourné pour concrétiser un rêve, celui de s’amuser à faire un film de cow-boys le temps de quelques jours. Car au départ Gannaway est surtout connu aux USA pour avoir produit dans les années 50 la version télévisée du plus grand show radiophonique de musique country, The Grand Ole Opry. Lui-même auteur de chansons, lorsqu’il décide de s’essayer à la réalisation de westerns à tout petit budget, Gannaway a dans l’idée d’y faire participer certains des countrymen qu’il avait appréciés dans l’émission. Il crée ainsi sa propre société de production dont les films seront distribués - tout du moins les premiers - par le studio Republic qui vivait alors ses derniers jours. En 1957, il tourne deux westerns dans la foulée, The Badge of Marshal Brennan, ainsi que celui qui nous concerne ici, Raiders of Old California. Les deux films possèdent quasiment la même distribution (de Jim Davis à Lee Van Cleef en passant par Arleen Wheelan, Lawrence Dobkin, Louis Jean Heydt, le scénariste, le chef-opérateur...), sont tournés au même endroit et, pour faire des économies, Gannaway réutilise carrément certaines séquences mouvementées dans leur intégralité. En plus de Marty Robbins déjà présent dans le western précédent, le cinéaste fait de nouveau appel à un autre chanteur/compositeur de country qu’il a déjà fait tourner dans ses deux premiers films, Faron Young. Ce jeune homme qui fait physiquement penser à Bobby Darin, s'il ne se révèle pas trop mauvais est cependant loin de faire des étincelles, manquant notamment de charisme ; sa carrière cinématographique s’arrêtera quasiment après ces quelques essais. Chose assez cocasse, Gannaway donnera aux personnages campés par le chanteur son véritable nom, Deputy ou Marshall Faron Young.

Compensant le très faible budget et la figuration quasi inexistante, Gannaway semble parfois s’amuser comme un petit fou avec sa caméra, témoin la séquence initiale de l’attaque de la forteresse mexicaine au cours de laquelle, pensant ainsi lui donner du rythme et de l'ampleur, il multiplie jusqu’à plus soif des panoramiques horizontaux sur les soldats en train de tirer de part et d’autre. Cette figure de style est maladroitement utilisée mais elle a le mérite d’être bien voyante et de conférer à ce préambule une certaine originalité. Il faut d’ailleurs mettre également à l’actif du cinéaste/producteur l'idée d’avoir embauché des cascadeurs chevronnés qui savent parfaitement bien chevaucher, tomber avec crédibilité et se battre avec hargne, apportant aux scènes d’action une fougue qui fait par ailleurs défaut à la mise en scène. Du coup, aidé par un montage hasardeux mais nerveux, ces séquences mouvementées se laissent regarder avec plaisir comme par exemple celles des westerns Monogram des années 30 avec John Wayne ; le film de Gannaway se révèle d’ailleurs assez anachronique, semblant avoir été tourné cette même décennie, ce qui fait une partie de son charme. Des anachronismes tout aussi flagrants sur le fond également : alors que le début du film est censé se dérouler en 1847, les uniformes des soldats sont ceux bien connus des Tuniques Bleues durant la guerre de Sécession et les guerres indiennes. Tout ceci ne porte évidemment guère à conséquence puisque le film n’a eu d’autre ambition que de divertir le public sans que celui-ci n’ait une seule seconde à réfléchir ; et malgré la médiocrité d'ensemble de leur film, Gannaway et son équipe arrivent à faire passer un agréable moment... à condition de savoir à quoi s’attendre.

Il ne faut certes pas songer à tomber sur de beaux moments de mise en scène, à de quelconques qualités cinématographiques, à la moindre surprise au sein d’une intrigue conventionnelle au possible et déjà vue des centaines de fois (l’histoire bien connue de la spoliation des terres de pauvres paysans - ici, des Mexicains - par des escrocs et des assassins sans scrupules). Mais la direction d’acteurs est suffisamment efficace, l’action suffisamment présente pour que l'on parvienne à suivre le film jusqu’au bout sans trop d’ennui. Des méchants très méchants (excellents Jim Davis - le futur patriarche dans la série Dallas - et surtout Lee Van Cleef en teigneux sadique qui ne tient pas en place), des Indiens faméliques et grimaçants qui n’arrivent cependant pas à dépasser quelques secondes de présence, dézingués qu’ils sont en deux temps trois mouvements par le redresseur de torts sans peur et sans reproches, des bagarres et des poursuites en veux-tu en voilà... Voici le programme très traditionnel de ce western de série qui n’en comporte pas moins quelques petites surprises de type serial comme cet ancien haut gradé devenu moine ou ce duo d’hommes de loi père-fils travaillant ensemble, le juge et le shérif. Ceux qui ne souffrent pas les films avec Gene Autry ou Roy Rogers - auxquels le western de Gannaway peut également faire penser - du fait que les héros se mettent à pousser la chansonnette se rassurent, ce n’est pas le cas de Faron Young qui n’ouvre ici la bouche que pour parler. Pas non plus ici de romance encombrante malgré la présence de la jolie Arleen Whelan dans le rôle de l’épouse de Harry Lauter, l’un des hommes de Jim Davis qui ne supporte plus les exactions de ce dernier.

Raiders of Old California est un western de double programme aux modestes moyens, objectivement médiocre et ne s’encombrant guère de véracité historique. Mais comportant peu de temps morts, il pourra ainsi plaire aux amateurs purs et durs de films de série C (voire Z), à ceux qui ne crachent pas devant un bon serial ou qui dévoraient avec délectation dans les années 60/70 les histoires de Buck Jones ou Tex Tone dans les publications hebdomadaires en kiosque de Mon Journal. Aussitôt vu aussitôt oublié, mais ces 70 minutes de plaisant divertissement au charme populaire ne sont pas forcément désagréables.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 10 septembre 2016