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Critique de film
Le film
Affiche du film

L'Enfant sauvage

L'histoire

L'Enfant sauvage est l'histoire d'un enfant, capturé comme un animal par des paysans et amené au Docteur Itard, à Paris. L'enfant sauvage semble être sourd et muet. Le monde scientifique le considère, très majoritairement, comme un attardé qui a, pour cette raison, été abandonné. Toutefois, le Docteur Itard pense que ce qui apparaît comme un retard mental est le résultat de l'absence de contact avec les hommes. Il va lui apprendre le quotidien d'une vie d'enfant civilisé et le faire émerger de sa primitive animalité en lui enseignant ce qu'est le langage.

Analyse et critique

François Truffaut signe un captivant récit anthropologique avec cet Enfant sauvage. Le film narre le destin de "Victor de l'Aveyron", un cas d'enfant sauvage dans la France de la fin du XVIIIe siècle et adapte les Mémoires du Docteur Jean Itard qui tenta de civiliser l'enfant. La mise en scène et la narration de Truffaut évoluent progressivement au fil de cette éducation. Le film s'ouvre ainsi dans une tonalité naturaliste extrême où nous découvrons l'enfant, hirsute, véloce et aux réactions tout en instincts dans son environnement sauvage. Truffaut joue totalement sur l'absence de repères du spectateur qu’il associe aux quidams en quête de sensations qui viendront, curieux, observer l'enfant une fois capturé. Pour eux comme pour nous, celui-ci est une énigme aux pensées et au monde intérieur insaisissables et dont on met l'intelligence en doute.


Le film ne prend un tour plus construit qu'à partir du moment où le docteur Itard (François Truffaut) s'intéresse à son cas. En effet, passé l'attraction initiale, l'attention retombe sur la nature finalement commune de cet enfant sauvage simplement vu comme simple d'esprit. Le docteur Itard a une autre opinion et pense que l'absence de parole et les limites de l'enfant sont uniquement dues à son existence sauvage et à l'absence de contact avec la civilisation. Il va donc l'emmener dans sa demeure à la campagne où, avec sa domestique Mme Guérin (Françoise Seigner), il va peu à peu l'éduquer. Après avoir adopté le ton chaotique propre à l'état d'esprit de l'enfant qui ne comprend pas ce qui lui arrive ni où il se trouve (si ce n'est qu'il est privé de sa liberté), l'histoire prend un tour plus construit. Cette construction se fait autant sur la méthode et la voix off d'Itard, qui expérimente et tâtonne de satisfactions en frustrations au cours du traitement, que sur l'intellect progressivement éveillé de l'enfant à travers cet apprentissage. C'est une approche judicieuse de la part de Truffaut, qui aurait pu tomber dans la froideur et la distance scientifiques et qui en exploitant sa fibre littéraire rend le tout captivant et précis. On peut largement y voir en sous-texte une réflexion plus intime sur la compréhension que Truffaut, jeune chien fou flirtant avec la délinquance, rencontra auprès d'André Bazin, figure de père de substitution pour lui. Cette manière de saisir la patience et la minutie dans "l'apprivoisement" de l'enfant tient sans doute beaucoup à l'empathie du réalisateur qui fut aussi en son temps du côté de l'incompris.


L'émotion a toute sa place dans la manière qu'a la caméra de s'attarder sur la moindre attitude, le moindre regard et le le moindre geste signifiant cette intelligence mais aussi sur l'affection naissante de l'enfant, symbolisé par l'acquisition d'une réelle identité avec ce prénom de Victor. Les quelques écarts effectués avec les vrais évènements vont dans ce sens, comme la présence de Mme Guérin (qui prit en fait en charge l'enfant bien après le traitement du Docteur Itard) à laquelle Françoise Seigner confère une belle présence maternelle. Visuellement cet équilibre fonctionne également avec un ton austère et quasi documentaire alternant avec une atmosphère rurale envoûtante, à laquelle la magnifique photo de Nestor Almendros confère une belle imagerie pastorale. Passionnant.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Analyse de L'enfant sauvage par Jean Douchet au Centre des Arts d'Enghien les bains

Par Justin Kwedi - le 21 décembre 2020