Critique de film
Le film
Affiche du film

L'Année prochaine si tout va bien

L'histoire

Jeune cadre à l’INSEE, Isabelle (Isabelle Adjani) vit avec Maxime (Thierry Lhermitte), auteur de bandes dessinées qui n’arrive pas encore à s’assumer financièrement. Ils vivent une harmonieuse histoire d’amour jusqu’à ce qu’Isabelle lui fasse part de sa volonté d’avoir un enfant, envie qu’il ne partage pas pour le moment, déjà un peu mal à l’aise d’être entretenu par sa compagne. Après avoir longtemps caché cette liaison à des parents un peu à cheval sur les principes, Isabelle finit néanmoins par amener son amoureux en province pour les rencontrer. Maxime se laisse entraîner dans des projets de mariage dont il ne voulait pas entendre parler. La perspective à la fois de la paternité et du mariage occasionne trop de pression d’un coup pour Maxime. S’ensuit une vie conjugale chaotique faite d’infidélités mutuelles…

Analyse et critique


Malgré un pitch et un casting alléchant, je dois dire avoir eu une certaine appréhension au moment de lancer le visionnage de L’année prochaine si tout va bien. En effet, je n’ai jamais eu aucune affinité avec les films suivants du réalisateur, et ce dès La Smala, y englobant même son titre le plus connu, Le Grand chemin, pourtant formidable succès populaire. Plutôt que d’exprimer mes griefs à l’encontre d’une filmographie qui ne m’a jamais touché, je me contenterai donc d’exprimer mon enthousiasme à l’égard de ce coup d’essai absolument charmant, qui me fait quand même regretter que le réalisateur n’ait pas poursuivi dans cette veine. Dans l’ensemble, pas spécialement non plus amateur du jeu d’Isabelle Adjani, je dois reconnaître également avoir révisé ma copie à son encontre après l’avoir vu à plusieurs reprises dans un registre de films qui, de mon point de vue, lui convient à la perfection, celui de la comédie de mœurs contemporaine : alors que la comédienne me laisse souvent de marbre, elle m’a au contraire totalement conquis dans Violette et François de Jacques Rouffio, Clara et les chics types de Jacques Monnet ainsi que dans le film qui nous concerne ici, trois œuvres possédant d’ailleurs beaucoup de points communs. Elle y est vive, spontanée, pétillante, émouvante… toujours juste y compris dans les séquences du film de Jean-Loup Hubert dans lesquelles elle doit exprimer la tristesse, la colère ou jouer une scène d’ébriété, là où habituellement elle aurait souvent tendance à en faire un peu trop…toujours à mon humble avis.


Comme Jean-Loup Hubert nous l’explique dans le supplément présent sur le Blu-ray édité par Tamasa, son film est presque entièrement autobiographique, le cinéaste ayant vécu quasiment toutes les situations décrites au cours de ce récit. Plus de 40 ans après, il n’en revient toujours pas de la chance qu’il a eu de pouvoir tourner dès son premier film avec une star comme Isabelle Adjani, qui incarne ici sa compagne et épouse. Le couple qu’elle forme avec Thierry Lhermitte (ils avaient déjà tourné ensemble dans le délicieux Clara et les chics types, autre essai réussi signé Jacques Monnet) fonctionne à merveille, et ce dès la première séquence qui nous rassure d’emblée : les personnages, les situations, les dialogues, les détails et le ton sonnent tout à fait justes. Et dès lors, l’on se dit que c’est gagné, que nous allons passer 90 minutes de pur plaisir auprès de ces deux jeunes protagonistes et leur entourage Malgré quelques passages à vide, surtout en seconde partie lorsque Isabelle et Maxime vivent chacun des aventures de leurs côtés (ou plutôt lorsque les deux comédiens ne sont pas réunis, faisant ainsi perdre un peu de leur alchimie au film), l’ensemble demeure extrêmement plaisant tout du long.


Outre sa réussite, cette chronique de mœurs narrant les errements et les débuts dans la vie professionnelle d’un jeune couple moderne, nostalgie oblige, est également à posteriori un très intéressant document sociologique sur les trentenaires du début des années 80, sur les nouveaux rapports amoureux de la génération post-68. Où l’on constate d’abord un changement à 360° dans le couple, à savoir en l’occurrence une femme dynamique avec une belle situation professionnelle et son compagnon qui galère un peu dans le domaine de la bande dessinée, se faisant en quelque sorte entretenir, se sentant néanmoins un peu gêné par cette situation de dépendance financière, les mentalités commençant seulement à bouger de ce point de vue. Au sein du couple d’amis, c’est également presque exclusivement le père qui s’occupe des enfants. Quant à la description cocasse et savoureusement ironique, mais tellement vraie, que Jean-Loup Hubert fait de la belle-famille de Maxime, bourgeoise et catholique, aux idées encore très réactionnaires, elle vaut son pesant de cacahuètes. Le film brosse également le portrait de l’hypocrisie qui entoure la libération sexuelle, cette liberté un peu battue en brèche par la jalousie présente chez les deux membres du couple : ils vont tous deux voir ailleurs, mais chacun a du mal à accepter les infidélités de la part de l’autre. Hubert et ses scénaristes, Josiane Balasko et Gérard Zingg brocardent aussi le machisme et se moquent avec délectation de l’hypocondrie de Maxime (inoubliable séquence de la soi-disant crise cardiaque).


Tout ceci sans exagération, racolage, ni trop de stéréotypes, donne des séquences souvent réjouissantes, parfois très amusantes, d’autre fois assez émouvantes, toujours pertinentes, écrites avec soin, et surtout constamment d’une grande justesse d’observation des détails et des sentiments. Mine de rien, cette chronique dépeint, sous des apparences légères et fantaisistes, un tableau réaliste sur les façons de vivre pour les jeunes adultes de cette époque. Si les deux comédiens principaux emportent le morceau, le reste du casting n’est pas en reste, Marie-Anne Chazel et Michel Dussarat formant un couple inénarrable, celui des copains d’Isabelle et Maxime, la toute jeune Maïwenn se fait déjà remarquer en petite chipie tout comme Matthieu Kassovitz (tout juste 13 ans) qui est de la séquence la plus drôle du film, celle au cours de laquelle, casquette Pif Gadget enfoncée sur la tête, au festival de la BD d’Angoulême il demande à Maxime de lui dessiner Goldorak, se voit subir un refus catégorique mais ne se démonte pas et rembarre le dessinateur avec un beau bras d’honneur accompagné d’une réplique hilarante.


Ajoutez à tout ça une sympathique musique signée Vladimir Cosma, une jolie chanson finale interprétée par Sofie Kremen dont la voix ressemble beaucoup à celle d’Adjani, une mise en scène plutôt alerte et non dénuée de fantaisie (l’astucieuse voix off faisant se prendre Maxime pour son héros de BD et réagir en conséquence). Beaucoup d’humour, d’émotion et de charme dans cette comédie dramatique dont nous aurions aimé qu’elle s’éternise un peu plus. Petit succès d’estime pour un film tendre et nonchalant qui capte à merveille l’air du temps. Encore peu connue, cette œuvre attachante mérite d’être redécouverte ; ne boudez pas votre plaisir car il y a peu de chances que vous ne soyez pas emporté par son rythme vif, son atmosphère chaleureuse, son ton décontracté et son charme irrésistible.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 2 décembre 2024