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Critique de film
Le film
Affiche du film

Hurlements

(The Howling)

L'histoire

Karen White, une présentatrice TV, fait une pause dans sa carrière à la suite d'un incident traumatisant avec un tueur en série. La police a pu la sauver en tuant le dangereux individu. Mais Karen est-elle réellement en sécurité ? Sur les conseils du Dr George Waggner, elle rejoindra "La Colonie", un centre de repos où vivent toutes sortes d'énergumènes. Ses cauchemars lui rappellent sa rencontre avec le tueur... jusqu'à ce que celui-ci réapparaisse à la pleine Lune et attaque les résidents de la Colonie.

Analyse et critique

Joe Dante avait fait sensation avec son premier film Piranhas (1978), la meilleure relecture du classique de Steven Spielberg, Les Dents de la mer (1975), et qui témoignait déjà du savoir-faire du réalisateur (qui fit des miracles en un mois de tournage et avec le budget pingre attribué par Roger Corman) mais aussi de son amour du genre à travers une tonalité référentielle qui aurait cours durant toute sa filmographie (notamment par la présence de la légendaire Barbara Steele au casting). Avant le triomphe de Gremlins (1984), Dante allait cependant revenir à l'horreur pure et dépoussiérer brillamment le mythe du loup-garou avec ce second film. Hurlements adapte, sur un scénario de John Sayles, le roman Howling de Gary Brandner. On y suit Karen White (Dee Wallace), une journaliste de Los Angeles jouant un jeu dangereux avec un tueur en série qu'elle séduit et provoque dans le cadre d'un reportage tout en étant suivie par la police. La traque va pourtant mal tourner lorsqu'elle va se retrouver seule, nez à nez avec le tueur ; mais alors qu'il est tapi dans la pénombre, l'impensable se produit en le voyant se transformer en quelque chose de sauvage et innommable qui sera abattu avant que l'on ait pu saisir sa nature.

Dès cette saisissante introduction qui lorgne sur les slashers urbains sordides façon Maniac (1980) de William Lustig, tous les indices sont là : que ce soit l'aisance et la confiance en lui du tueur en dépit de la nature "autre" que l'on devine chez lui, et en parallèle les tirades du psychologue joué par Patrick Macnee dépeignant la nécessité de libérer la part sauvage qui sommeille en nous. Karen, traumatisée par les évènements, est envoyée en traitement dans un centre de repos isolé nommé la "Colonie" qui offrira un cadre symbolique à cette opposition entre civilisation et animalité. Une enquête en parallèle déploie de manière amusée tout le folklore associé au loup-garou (balle d'argent, pleine Lune et compagnie) tandis que Joe Dante amorce plus subtilement le thème dans cet environnement rural. Ce combat humain / animal s'illustre ainsi par les mœurs citadines assez triviales de Karen et son époux (leur mesure face à l'exubérance des autochtones, l'incrédulité lorsque l'époux avouera être végétarien) confrontées à la bonhomie et à l'aisance des résidents locaux.

Le désir vient ensuite s'en mêler lorsque la croqueuse d'hommes Marsha (Elisabeth Brooks) cherchera à séduire l'époux de Karen, sa nature bestiale et son désir lui incitant à céder tandis que sa part humaine lui intime de résister et de rester fidèle. C'est bien sûr la première qui dominera après qu'une morsure a fait gagner l'instinct animal, et c'est seulement là que Dante déploie la première transformation, le coït furieux se faisant sur fond de pleine Lune et de hurlements de plaisir de ceux désormais révélés à leur nature de bête. Les maquillages de Rob Bottin ne sont qu'entraperçus pour privilégier un trucage en stop-motion des loups-garous, la composition de plan avec cet effet donnant à la séquence une allure de tableau de rite ancestral. La suite déroule une trame d'horreur plus classique à coups d'apparitions effrayantes et de courses-poursuites, mais l'audace de Dante est constante. Contrairement au mythe du vampire auquel on peut attribuer une certaine dimension de noblesse et de séduction, celui du loup-garou était jusque-là purement associé à une forme de malédiction et de souffrance, notamment dans le classique The Wolf Man (1941) de George Waggner.

Les lycanthropes s'oubliaient en cédant à leur instinct sauvage et commettaient l'irréparable, subissant cette seconde nature par le phénomène naturel de la pleine Lune. C'est tout l'inverse dans Hurlements où l'état de loup-garou est libérateur, le seul qui soit finalement normal pour les concernés, celui où s'épanouissent le plaisir et le goût de la chair, qu'elle soit à dévorer ou dans laquelle on peut s'ébattre. La civilisation et l'humanité (et par extension la psychanalyse, comme on l'apprendra à la fin) sont une entrave à l'expression d'une animalité qui constitue le seul état qui vaille d'être vécu. Dès lors, la très spectaculaire et détaillée transformation constituant un sommet du film est autant une démonstration de force de Rob Bottin aux effets spéciaux qu'une manière d'appuyer cette thématique en déployant cette métamorphose (voulue et consciente) dans toute sa splendeur. Rob Bottin, tout jeune et nouveau venu dans le milieu, avait obtenu le job car son mentor Rick Baker avait dû choisir l'autre grand film de loup-garou de l'époque, Le Loup-garou de Londres (1981) de John Landis. Finalement, on peut préférer l’approche thématique de Joe Dante tandis que les effets de Bottin (même si ceux de Baker restent très impressionnants) le placent désormais à égalité de son ami et désormais concurrent. Cela se fait en tout cas pour le meilleur dans Hurlements, où Dante nous offre l'une des relectures les plus brillantes du mythe tout en en retrouvant sa facette classique dans la stupéfiante scène finale où le côté maudit du lycanthrope reprend ses droits.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 15 décembre 2021