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Critique de film
Le film
Affiche du film

Dis-moi que tu m'aimes

L'histoire

Bernard (Daniel Ceccaldi) et Richard (Jean-Pierre Marielle) sont deux dirigeants d’une agence de publicité. Tout comme leur principal client et ami Lucien (Jean-Pierre Darras), ils ont actuellement des problèmes de couple, minés par de fréquentes disputes. Il faut dire que ces machos ne font guère de cadeaux à leurs épouses respectives, Victoire (Mireille Darc), Charlotte (Marie-Josée Nat) et Pascaline (Geneviève Fontanel) qui décident de "se rebeller". Les deux premières chassent leur mari de la maison après qu’ils ont poussé le bouchon un peu trop loin alors que Pascaline s’enfuit avec un professeur d’équitation. Les trois hommes vont essayer de récupérer leurs épouses après avoir cohabité... sur leur lieu de travail.

Analyse et critique

Michel Boisrond fut tout d’abord assistant de René Clair sur ses plus beaux films des années 50 (La Beauté du diable, Les Belles de nuit, Les Grandes manœuvres) puis réalisateur de quelques oeuvrettes pas désagréables durant les années 50/60 comme Le Chemin des écoliers d’après Marcel Aymé avec Bourvil, Lino Ventura, Alain Delon. Il signa aussi le plus regardable des OSS 117 de l’époque - je ne parle évidemment pas des parodies jubilatoires du duo Hazanavicius/Dujardin -, A tout cœur à Tokyo, autrement moins bâclé que les films d’André Hunebelle, ou encore une version du Petit Poucet avec Jean-Pierre Marielle dans le rôle de l’ogre qui a marqué quelques cinquantenaires que nous sommes devenus à l’époque de sa diffusion à la télévision à la fin des années 70. Dis-moi que tu m’aimes est son avant-dernier film, puisqu'il travaillera ensuite exclusivement pour la petite lucarne. Il scénarisa cette comédie piquante en collaboration avec Annette Wademmant, qui avait commencé son cursus cinématographique par écrire des dialogues et des scénarios pour Jacques Becker (Edouard et Caroline, Casque d’or) et Max Ophuls (Madame de, Lola Montes) : on a connu bancs d'écoles moins prestigieux !


Dis-moi que tu m’aimes n’est certes pas une grande comédie - loin s’en faut - mais elle se révèle néanmoins fort sympathique et surtout souvent formidablement réjouissante grâce avant tout à l’inénarrable duo formé par Jean-Pierre Marielle et Daniel Ceccaldi. En en faisant des tonnes pour notre plus grand plaisir, Ils incarnent ici des phallocrates un peu excessifs dans leurs actes et leurs propos qui se voient mettre à la porte de leurs propre maison par leurs épouses - soumises pour certaines - qui en ont marre de se faire prendre pour des "bobonnes" ou des objets. Par exemple, Bernard n’hésite pas à violer Victoire en pleine partie de golf devant les yeux de ses potes qui trouvent à peu près ça normal "puisqu’ils sont mariés quand même" ! Vous imaginez bien, au vu de cette description, que ce film fera de nos jours se dresser les cheveux sur la tête de certains d’autant qu’au final les couples finiront par oublier leurs "mésententes" et se retrouveront tous réunis avec gaieté et en chanson, notre quatuor finissant par entonner le sympathique thème principal de Claude Bolling façon comédie musicale ; une  idée assez savoureuse d'ailleurs et pas si fréquente que ça.


Rien évidemment de bien sérieux dans tout ceci d’autant que le plus gros problème que semble poser la séparation entre Daniel Ceccaldi et Mireille Darc est la garde de leur chien ! Mais la piètre condition de la femme est néanmoins évoquée, avec certes bien plus d’amusement et de fantaisie que de gravité ; parmi ces femmes malmenées ayant retrouvé une certaine liberté, l'une s'accomplira encore plus dans son travail, l'autre aura enfin le droit d'entrer dans la vie active tandis que la plus riche partira élever des moutons plus au sud de la France. Puisqu'on sait que l'on ne se trouve pas devant un pamphlet social, on pourra vraiment y prendre beaucoup de plaisir. Et puis la situation de cohabitation forcée de ces machos obligés de reprendre une vie de célibataire et de camper sur leur lieu de travail dans le bureau de l’un d’entre eux est vraiment cocasse. Il faut dire qu’outre les deux grands comédiens déjà évoqués qui ont à de multiples reprises joué ce genre de personnages durant les années 70, leurs partenaires ne sont pas en reste, Jean-Pierre Darras se révélant très drôle en troisième larron. Surtout lorsqu’il se met dans la deuxième heure à nous offrir une prestation pré-Cage aux folles qui fera également grincer quelques dents mais qui, il faut l’avouer, fait beaucoup rire surtout grâce aux réactions provoquées chez Marielle qui sursaute à chaque fois que son ami commence à le frôler depuis qu’il a subitement éprouvé une grande attirance à son égard. Ses pleurs en plein bistrot après avoir appris être cocu sont également assez mémorables. Il est certain que ce n’est pas la finesse qui prime - on s’en rend d'ailleurs compte dès le générique avec nos deux comédiens jouant les jolis-cœurs face caméra avec force clins d’yeux - mais si l’on sait ce qu’on va voir, cela ne pose aucun problème.


Quant à leurs partenaires féminines, il est toujours aussi agréable de croiser une Mireille Darc en pleine forme ainsi que les trop rares Marie-Josée Nat (décédée voici quelques jours) et Geneviève Fontanel. A signaler également au sein du casting un délicieux Georges "Arsène Lupin" Descrières. A condition de ne pas en attendre monts et merveilles, et en sachant que l'ensemble ne va pas sans lourdeurs, clichés ni caricatures à gros sabots, on se souviendra d'une une comédie amusante, bien enlevée, truculente et joyeuse - à l’image de la musique de Claude Bolling - sur les relations de couple chez les cadres supérieurs durant les années 70, sur les inégalités femmes/hommes et enfin sur l’émancipation des femmes au début de la décennie évoquée. Michel Boisrond n’est certes pas Yves Robert mais il nous aura cependant fait passer un très agréable moment.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 15 octobre 2019