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Critique de film
Le film
Affiche du film

Claudine

L'histoire

La vie de Claudine Price, une mère célibataire vivant à Harlem en compagnie de ses six enfants dans un petit appartement. Un jour, elle rencontre et tombe amoureuse d'un éboueur, mais cette liaison va se compliquer, car pour toucher le maximum d'allocations sociales auxquelles elle a droit, elle ne peut pas avoir de cadeaux, ni avoir un petit emploi ainsi qu'un mari, car elle n'aurait plus droit à aucune aide. Cependant, elle travaille de manière non-déclarée comme femme de ménage afin de pouvoir joindre les deux bouts pour sa famille.

Analyse et critique

Claudine raconte la vie de Claudine Price, une mère célibataire vivant à Harlem en compagnie de ses six enfants dans un petit appartement. Un jour, elle rencontre et tombe amoureuse d'un éboueur, mais cette liaison va se compliquer, car pour toucher le maximum d'allocations sociales auxquelles elle a droit, elle ne peut pas avoir de cadeaux, ni avoir un petit emploi ainsi qu'un mari, car elle n'aurait plus droit à aucune aide. Cependant, elle travaille de manière non-déclarée comme femme de ménage afin de pouvoir joindre les deux bouts pour sa famille.


Durant les années 1970, le cinéma interprété par des acteurs de couleur commençait à se manifester, libéré du joug de la Ségrégation. Pour la majorité des personnes, les acteurs et actrices afro-américains jouaient surtout dans les films de la Blaxploitation, qui voulait mettre en avant ces personnes ostracisées ou le plus souvent considérées comme des faire-valoir, si on excepte bien entendu Sidney Poitier, la plus grande vedette de couleur de son époque. C'est en 1972 que va être créée la société de production Third World Cinema, avec à sa tête Ossie Davis, dont le credo sera de produire des films avec en grande majorité des acteurs afro-américains, mais sans forcément de revendication sociale, des histoires qui pourraient être également appréciés par tous les publics. Si l'existence de cette société sera assez brève, elle sera surtout connue pour ses deux seuls succès, Greased Lightning (un biopic sur le premier champion afro-américain de Nascar), et Claudine, sorti en 1974.


A l'origine, Claudine est un scénario écrit par le couple Lester et Tina Pine, qui s'était surtout illustré dans des séries télévisées, comme I Spy (avec Bill Cosby), Columbo, et au cinéma avec A Man Called Adam, réalisé par Leo Penn. Ce film marque également le retour de John Berry sur le territoire américain, plus de vingt ans après avoir été victime de la Liste noire. Le choix d'écrire et de faire réaliser Claudine par des personnes blanches, alors qu'il s'agit d'une histoire constituée en grande majorité d'acteurs afro-américains, a de quoi étonner mais cela se fond très bien dans le film, car le parti pris est de parler d'une histoire qui pourrait se passer pour n'importe qui, peu importe la couleur. Car il s'agit avant tout de l'impossibilité de s'aimer, au nom des aides sociales, car une liaison ou un mariage pourraient très bien empêcher Claudine de toucher quoi que ce soit. Il s'agit d'une histoire d'amour très forte entre Claudine, interprétée par l'excellente Diahann Carroll, et Rupert Marshall, surnommé Roop, incarné par James Earl Jones. Le contraste entre leurs corps, elle si mince et lui si imposant, et leurs caractères, forte pour l'une et prenant les choses à la légère pour l'autre, fait aussi une des belles qualités d'un film très touchant. Même si le sujet social n'est pas forcément mis en avant quand on parle de Claudine, on évoque aussi bien le bien-être de cette femme qui vit dans cet appartement exigu situé à Harlem avec ses six enfants, la peur de s'engager pour un homme qui tombe amoureux d'une femme et surtout d'une mère, mais aussi les inégalités occasionnées par leur relation : Claudine doit cacher auprès de son assistante sociale qui vient la voir régulièrement qu'un homme est dans sa vie et qu'elle en est amoureuse. D'ailleurs, le fils ainé de Claudine, Charles, joué par Lawrence Hilton-Jacobs, sera si outré par le sort de sa mère qu'il va s'engager dans un groupe qui lutte pour l'accessibilité des emplois pour les Noirs.


Concernant le casting, Claudine devait être interprétée par Diana Sands, mais au bout d'une semaine de tournage, le cancer dont elle souffrait l'empêcha de continuer, et pour la remplacer elle suggéra à John Berry que son amie Diahann Carroll puisse prendre sa place. Quant à James Earl Jones, c'est un de ses seuls rôles principaux, et pourtant, il crève l'écran de par son charisme, sa voix bien entendu (ce qui le fera connaître réellement au public en 1977...) mais aussi par ses zones d'ombres qui le rendent plus intéressant qu'un simple amour pour Claudine. Il est fanfaron, donne l'impression de très bien vivre malgré son métier d'éboueur, mais il cache quelques secrets qui vont le faire hésiter à s'engager pour de bon. Ce couple occulte peut-être le reste des autres acteurs, mais il faut également souligner l'importance des enfants de Claudine, en particulier sa fille et son fils ainé (Charlene et Charles), qui vont griller les étapes de l'adolescence pour affronter de manière anticipée la vie d'adulte.


Quant à la musique, celle-ci est composée par Curtis Mayfield et a largement participé au succès du film, notamment avec la chanson On & On, la chanson-thème, qui sera classée au classement des ventes des disques en 1974. D'une manière générale, Claudine, une production extrêmement modeste, sera un succès en remportant trois fois son budget de départ, et Diahann Carroll obtiendra une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice, remporté cette année-là par Ellen Burstyn pour Alice n'est plus ici de Martin Scorsese.


Bien que le film soit oublié aujourd'hui, il n'est d'ailleurs jamais sorti en France sur quelque support que ce soit, Claudine est un très beau film qui parle de l'impossibilité de s'aimer à cause d'éléments extérieurs, et de la difficulté de s'engager pour l'une et pour l'autre sur des différences fondamentales. Gageons que la ressortie du film par Criterion en 2020 lui donne un coup de projecteur mérité.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Remy Foppolo - le 13 octobre 2021