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Critique de film
Le film
Affiche du film

Au-delà de demain

(Beyond Tomorrow)

L'histoire

Un soir de réveillon, trois hommes d'affaires décident d'inviter trois étrangers à leur table. Seuls James et Jean acceptent. Cette soirée va changer le cours de leur vie : ils tombent amoureux l'un de l'autre... et James devient crooner à succès !

Analyse et critique

Noël est un thème scénaristique porteur : A Christmas Carol (Edwin L. Marin, 1938), La Vie est belle (Frank Capra, 1946), Scrooge (Brian Desmond Hurst, 1951), White Christmas (Michael Curtiz, 1954). Ou, de manière différente, Gremlins (Joe Dante, 1984), Maman j’ai raté l’avion (Chris Colombus, 1990) et Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1991). Inégaux, les films ayant pour cadre les fêtes de fin d’année savent s’appuyer sur une pléiade de bons sentiments et de situations incitant à la rédemption. Recommandé par W. C. Fields, A. Edward Sutherland, pourtant habitué aux comédies burlesques (Un conte d’apothicaire (1926), The Saturday Night Kid (1929), Fifi peau de pêche (1937)…), est engagé par l’avide RKO pour tourner la comédie hivernale que ces studios recherchent.


Le cadre est tout trouvé : au réveillon de Noël, trois associés se retrouvent à réveillonner seuls. Les caractères sont classiques : un gai luron, un conformiste et un pessimiste. Pour égayer leur veillée de Noël, ils décident d’inviter des inconnus à leur table. Par un tour de passe-passe, les voilà qui dînent avec un pauvre originaire du Texas et une fille sans le sou. Ces deux derniers, jeunes et beaux, tombent (évidemment) amoureux. Un peu plus tard, James, crooner à la voix d’or, trouve le succès à la radio. Nos trois anges gardiens, devenus fantômes, trouvent la mort en avion et se verront chargés de veiller sur le destin tragique de nos deux tourtereaux. Scénario cousu de fil blanc, bien que tiré par les cheveux, et qui n’aura pour unique fonction que d’exacerber un moralisme suranné et surfait. Car ce qui pèche, en premier lieu, c’est le côté inabouti des personnages : James est totalement insipide, Jean est débile... et les trois camarades sont caricaturaux. Chacun des acteurs, sans doute à cause d’une direction inexistante, est enfermé dans un insupportable cliché. L’histoire, quant à elle, ne permet aucune transcendance : elle oblige chacun à rester dans sa partie. Si l’utilisation des spectres, en tant que motif scénaristique, n’est pas sans intérêt, leur utilisation souligne la vacuité des vivants. Leurs réflexions sont riches d’enseignement, et la mise en scène est intelligente. Que dire alors des atermoiements, des péripéties et des réflexions des vivants ?


Sans caricaturer, nous avons droit à une pénible collection de poncifs réactionnaires : le gentil campagnard détourné du droit chemin marital par une perverse et diabolique libertine. La pauvre et sensible épouse, figure de l’abnégation, sauvée par la Foi et par l’Espoir. Ridicule. Complètement ridicule. Si la première demi-heure nous promettait une petite comédie honnête et conventionnelle, la seconde sombre dans l’idiotie la plus crasse. Attendue, sans aucun charme, la conclusion est impardonnable : les hommes, malgré des comportements malhonnêtes, accèdent au Pardon tandis que les femmes doivent expier. Ce qui aurait pu relever du mélodrame gentiment conservateur devient alors une agaçante leçon censée nous élever. Si le cinéma, par la force des choses, a acquis une fonction politique et exemplaire, il doit, par un travail honnête des psychologies et des péripéties, proposer un certain nombre de propositions. Ici, nul dialogue avec le spectateur : juste une enfilade de mièvreries.


Mal joué, mal filmé, mal construit, Au-delà de demain est un incroyable raté, qui aligne tout ce qu’il ne faut pas faire au cinéma. Ridicule et niais, il n’a même pas l’excuse de son époque, les États-Unis ayant quand même sorti des choses aussi formidables que la Screwball Comedy (sans parler de ce qui se profile : l’indépassable La Vie est belle !). Le pauvre critique chargé de cette revue pourra quand même se consoler en se disant qu’un (très) mauvais film reste une expérience intellectuelle intéressante...

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La fiche IMDb du film

Par Florian Bezaud - le 8 février 2018