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Critique de film
Le film
Affiche du film

Amanda

(Carefree)

Analyse et critique

Paradoxalement, alors que seuls les numéros musicaux me rendent aujourd’hui regardables les films du tandem Fred Astaire / Ginger Rogers tournés pour la RKO, Amanda me semble être de loin le plus réussi de la série alors que sa partie musicale est réduite à une portion congrue ! Pourtant ne nous y trompons pas, le sujet n’est pas plus ambitieux ou intéressant que celui des films précédents et le raconter ne prendrait pas bien plus de temps. Jugez plutôt : un brillant avocat est amoureux d’une chanteuse mais cette dernière n’arrive pas à se décider à l’épouser. Le juriste demande alors à un ami psychiatre de lui venir en aide. Pas de chance, la jeune femme s’éprend du médecin qui, dans un premier temps, la pousse à aimer son futur époux ! Fred Astaire étant le médecin, il n’est pas très difficile de deviner, sans rien déflorer de l’intrigue, qu’au final il tombera dans les bras de la chanteuse. Mais alors, en quoi Amanda est-il différent de Roberta, Shall We Dance, Swing Time et les autres ?

Déjà le très beau générique nous le fait pressentir : exit les caractères et les enluminures Art déco assez guindés, cette fois c’est une main vivace qui trace les noms sur l’écran (transformé pour l’occasion en tableau noir) puis qui les efface pour faire apparaître les suivants. Il en sera de même pour les décors : moins de sophistication, de luxe pompeux, pour plus de simplicité et de sobriété. Et la première séquence, qui voit un Ralph Bellamy éméché répondre et réagir d’une façon ''surréaliste'' à tout ce qu’on lui demande, nous largue dans une screwball comedy aux dialogues et aux situations vraiment drôles. Second paradoxe, alors que la ''screwball'' est un sous-genre de la comédie cherchant la loufoquerie et la vitesse à tout prix, le scénario d’Amanda se déroule tranquillement et sans trop d’à-coups. Bref, ce dernier film parait beaucoup plus fluide et équilibré et se suit sans aucun ennui avec un constant sourire aux lèvres.

Ginger Rogers est toujours aussi à l’aise quand il s’agit de délirer et elle s’en donne à cœur joie quand son personnage se retrouve en état de semi-hypnose, totalement libéré de ses inhibitions ; elle sort donc dans les rues de New York pour y casser des vitres, grimacer, donner des coups de pieds à un policier... Son Amanda préfigure les rôles qu’elle aura à tenir par la suite dans Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor) de Billy Wilder ou Chérie, je me sens rajeunir (Monkey Business) de Howard Hawks. Fred Astaire, quant à lui, a fait de gros progrès en tant qu’acteur et son cabotinage parait ici moins exagérément outrancier. Les seconds rôles se révèlent eux aussi plus tempérés et jouent avec moins de pénible excentricité que bon nombre de leurs collègues dans les films précédents : ce sont les excellents Ralph Bellamy, Luella Gear, Clarence Kolb ou Jack Carson, dont c’est seulement le deuxième film et qui sera par la suite l’un des partenaires privilégiés de Doris Day à ses débuts avant d’être inoubliable en directeur de publicité de James Mason dans Une étoile est née (A Star is Born) de George Cukor. Bref, moins de chichis et de clowneries pour plus de légèreté et d’insouciance dans un laps de temps beaucoup plus court. Malheureusement, le public ne s’y retrouvera pas et Amanda rapportera bien moins d’argent que les sept précédents films du duo, qui ne se réunira à nouveau qu’une seule fois pour la RKO dans La Grande farandole (The Story of Vernon and Irene Castle) et une dernière à la MGM dans le pénible Entrons dans la danse (Barkleys of Broadway) de Charles Walters.

Et les numéros musicaux dans tout cela ? Car ne sont-ce pas avant tout grâce à ces derniers que ces petites œuvrettes sans prétention ont survécu à l’épreuve du temps ? En effet, Irving Berlin, l’un des compositeurs de chansons américaines les plus prolifiques et populaires (Top Hat, Easter Parade, White Christmas...), nous fait cadeau de quatre airs absolument délicieux pour quatre séquences non moins savoureuses. Tout d’abord Since They Turned "Loch Lamond" Into Swing, une éblouissante démonstration de Fred Astaire avec un club de golf ; la séquence du rêve voyant le couple évoluer au ralenti sur l’air de la magnifique I Used to Be Color Blind ; l’euphorisante chanson The Yam au cours de laquelle Mark Sandrich et sa caméra virtuose suivent les danseurs dans toute la maison et même à l’extérieur ; et enfin, la célèbre Change Partners qui renoue avec les numéros les plus élégants du couple : tout simplement magique ! Au final un film pas franchement inoubliable, mais beaucoup de charme et de drôlerie dans ce Carefree.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 6 septembre 2007