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Tops de la rédaction

Le Septième Art connaît une période trouble, et les bousculements qui se sont opérés ces dernières années dans la manière dont les films sont désormais produits/distribués/montrés semblent avoir eu des conséquences dans la façon dont nous, spectateurs, les recevons ou les apprécions : la capacité séculaire du cinéma à créer, semaine après semaine, des événements (de ceux qui excitent la curiosité, font les couvertures des hebdomadaires, alimentent les débats quotidiens...) est aujourd’hui largement atténuée par la façon dont les séries ou les œuvres vedettes des plates-formes de vidéo à la demande se sont emparées du flambeau. Il est ainsi révélateur que l’un des plus importants faits cinématographiques du deuxième semestre de l’année cinématographique ait été le tohu-bohu provoqué par Roma, d’Alfonso Cuaron, Lion d’Or vénitien exclusivement visible en France sur Netflix : qu’on l’observe avec admiration ou avec une grimace de dégoût, le processus visant à drainer une attention d'ampleur sur une œuvre qui n’aurait probablement jamais pu prétendre trouver un tel public avec une sortie salles conventionnelle est de ceux dont il importe de tirer des leçons.

De façon plus anecdotique, le classement annuel que nous vous proposons ici (fidèle à des principes immuables - étaient éligibles des films sortis dans les salles françaises durant l’année civile 2018 - avec lesquels il nous faudra peut-être bientôt transiger) illustre à sa manière cette confusion dans la chronologie de la réception des films : s’y côtoient des films produits en 2017 présentés à l’édition 2018 des Oscars et des candidats de l’édition 2019, un film-série japonais produit en 2015 qui n’avait jamais eu l’honneur d’une sortie salles jusqu’alors, et même une œuvre qui n’est (peut-être) que la moitié d’un film dont on ignore encore si la deuxième partie verra le jour...

De tout cela, il est difficile de faire ressortir une cohérence évidente, et l'on vantera plutôt la belle diversité d’origine ou de registre des films cités dans nos listes (les classements individuels figurent en bas de page), qui accordent une belle place à la comédie (et même à la comédie populaire, comme en témoigne notre film n°10), au cinéma de genre, au blockbuster patriotique (Battleship Island, impressionnant film coréen arrivé aux portes de notre top) ou au cinéma d’animation. Tout juste peut-on déplorer le recul dans notre anthologie annuelle du cinéma documentaire, omniprésent en 2017, et réduit ici à une portion congrue.

Comme souvent, l’état du monde tel qu’il est retranscrit par le meilleur du cinéma de l’année écoulée n’est pas toujours réjouissant, mais on peut remarquer dans notre sélection la façon dont, quel que soit le sujet abordé, l’angle choisi aura été celui de la question intime : centrés sur des cellules assez fermées (une maison de mode, une famille de marginaux, une navette spatiale, la rédaction d’un quotidien, une île oubliée du monde...), les films du cru 2018 invitaient à revenir à des tensions fondamentales, presque à des souches primitives du drame humain. Qu’elles s’opèrent par les biais des ourlets d’un vêtement de luxe (Phantom Thread, qui cache une histoire d’amour peu commune dans les plis d’un suspense retors), d’un voyage vers l’ailleurs (First Man, qui ne va vers la lune que pour mieux revenir au deuil de son protagoniste), de l’art du mime (Burning, qui invite à s’oublier dans l’irréel), des métaphores inattendues - employées par des cinéastes au faîte de leur maturité artistique - auront contribué à enrichir leurs films, précieusement nourris de secrets individuels autant que d’énigmes esthétiques. Une manière - plus que jamais indispensable - de rappeler ces spécificités de l’art cinématographique libre, qui offre à nos regards des mondes imaginaires et personnels, où nous n’aimons rien tant que nous perdre.

LE CLASSEMENT DE LA RÉDACTION

1. Phantom Thread (Paul Thomas Anderson)



De plus en plus maître de son art (et ce n'est pas peu dire),
Paul Thomas Anderson signe l'un de ses films les plus étranges et les plus entêtants :
une histoire d'amour, de perversion et de besoin réciproque,
qui - à l'image de son personnage principal - cache des secrets, innombrables et inépuisables, dans ses ourlets.

 

2. Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda)



L'obsession centrale de la filmographie d'Hirokazu Kore-eda (la famille, à la fois dans son intimité
et dans son rapport à la société extérieure) se concrétise ici dans l'un de ses films les plus émouvants,
les plus riches et les plus complexes. Quelle belle Palme d'Or !



3. First Man (Damian Chazelle)



Les sacrifices et l'abnégation qui guidaient les ambitions des personnages de Whiplash et La La Land
se retrouvent dans le troisième film de Damien Chazelle,
dont la mélancolie s'exprime au service de maux plus adultes,
et où se croisent magnifiquement l'odyssée intime et l'épopée spatiale feutrée.



4 ex-aequo. Jusqu'à la garde (Xavier Legrand)



Un premier long métrage impressionnant de solidité, narrative comme formelle,
qui fait croître la tension, jusqu'aux limites du supportable,
dans le délitement progressif d'une famille "normale".



4 ex-aequo. Mektoub My Love : Canto Uno (Abdelatif Kechiche)



Le temps (dans toute la polysémie du terme) est le grand sujet
d'un "film-geste" comme seuls les grands cinéastes peuvent se le permettre :
l'été sétois d'une jeunesse radieuse, qui s'ennuie et se séduit sous le soleil de 1994.
C'est tout... mais c'est considérable.
 
 

6 . Senses (Ryusuke Hamaguchi)



En 5 heures 17 minutes, cinq segments, Ryûsuke Hamaguchi oeuvre à un mélodrame de la vie quotidienne 
porté par quatre interprètes d'une justesse de tous les instants.
La sortie française tardive de ce portrait impressionniste de la société japonaise, réalisé en 2015,
révèle hors du pays du Soleil Levant ce qui est à l'évidence un très grand cinéaste.



7. Pentagon Papers (Steven Spielberg)



Steven Spielberg revisiste le "thriller journalistique" , façon années 70,
pour poser avec fougue des questions éminemment contemporaines
(sur le rôle de la presse ou la place des femmes),
le tout avec une mise en scène d'une vivacité et d'une amplitude rares.



8. L'Île aux chiens (Wes Anderson)



Les fables animées de Wes Anderson ne ressemblent à rien d'autre qu'à son cinéma,
et sa direction artistique irréprochable s'accompagne ici d'une fantaisie
et d'une profondeur humaniste particulièrement touchantes.



9. Burning (Lee Chang-Dong)



Un film vertigineux, qui stimule l'imaginaire autant qu'il nourrit le regard,
et affirme de ce fait une foi de cinéma désarmante :
parfois, il est important d'oublier que ce que l'on perçoit n'existe pas.



10. Le Grand bain (Gilles Lellouche)



Gilles Lellouche crée la surprise avec cette comédie intelligente,
qui rappelle le ton et l'esprit des grandes heures de la comédie à l'italienne.

Avec un respect remarquable pour tous ses personnages, il compose une fable drôle et émouvante
dont nous espérons qu'elle fera des émules dans le cinéma français.

LES CLASSEMENTS INDIVIDUELS

STEPHANE BEAUCHET

1. Jusqu'à la garde
2. First Man
3. Mektoub My Love : Canto Uno
4. Phantom Thread
5. Hérédité
6. La Route sauvage
7. En liberté
8. En guerre
9. Les Indestructibles 2
10. Burning
11. Pupille
12. L'Empereur de Paris
13. L'Insulte
14. Girl
15. Hostiles

RONNy CHester

1. Une affaire de famille      
2. Phantom Thread 
3. Pentagon Papers
4. First Man
5. Leto
6. Ready Player One
7. Les Indestructibles 2
8. Jusqu'à la garde
9. L'île aux chiens
10. Cold War
11. High Life
12. 3 Billboards
13. Hostiles
14. La Forme de l'eau
15. Les Frères Sisters

Justin Kwedi

1. Mektoub My Love : Canto Uno
2. First Man
3. Phantom Thread
4. Battleship Island
5. Une affaire de famille
6. Burning
7. L'île au chiens
8. Les Garçons sauvages
9. Okko et les fantômes
10. Senses
11. The Spy Gone North
12. Leto
13. Downsizing
14. Mirai ma petite soeur
15. Sicilian Ghost Story

ERiCK MAUREL

1. Mektoub my Love : Canto Uno
2. Le Grand Bain

3. Mes Provinciales
4. Pentagon Papers
5. Senses
6. En guerre
7. Une affaire de famille
8. Nos batailles
9. First Man
10. Leto
11. La Belle et la belle
12. Phantom Thread
13. Les Indestructibles 2
14. The Third Murder

PHILIPPE PAUL

1. Le Grand bain          
2. The Guilty
3. L'île aux chiens
4. Battleship Island
5. Jusqu'à la garde
6. L'Insulte
7. Une pluie sans fin
8. L'Affaire Roman J
9. Downsizin
10. Les Heures sombres
11. Moi, Tonya
12. Le Retour du héros

ANTOINE ROYER

1. Une affaire de famille
2. Phantom thread
3. Burning
4. Leave No Trace
5. Woman at War
6. Le Poirier sauvage
7. Jusqu'à la garde
8. Everybody Knows
9. Pentagon Papers
10. Hérédité
11. Les Frères Sisters
12. L'Apparition
13. L'île aux chiens
14. Under the Silver Lake
15. Les Indestructibles 2


Mentions :
La Ballade de Buster Scruggs et Roma (Netflix)

         

JEAN GAVRIL SLUKA

1. Senses
2. Seule sur la plage la nuit
3. Phantom Thread
4. Mrs Fang
5. Madame Hyde
6. Unsane 
7. Au Poste !
8. BlacKkKlansman
9. L'Île aux Chiens
10. High Life
11 Contes de Juillet
12. Football Infini
13. Le ciel étoilé au-dessus
de ma tête
14. Sophia Antipolis
15. Lady Bird


Mentions :
La Ballade de Buster Scruggs (Netflix)
Golden Exits (VOD)
First Reformed (DTV)

Par Dvdclassik - le 11 janvier 2019