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Livres

Steven Spielberg : un univers de jeux
Un livre de Cyrille Bossy

Date de sortie : 18 janvier 1999
Aux Editions L'Harmattan
304 pages

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Analyse et Critique

" Le jeu est partout présent dans le cinéma de Spielberg ".
Alain Garel.

C’est avec cette citation que l’auteur introduit son travail – passionnant – sur l’oeuvre du cinéaste le plus puissant des Etats-Unis. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’approche de Cyrille Bossy vis-à-vis des films de Spielberg est ludique elle aussi. Et de ce fait profondément originale.
L’importance de ce livre est facile à démontrer : tout d’abord, aussi curieux que cela puisse paraître, il n’existe que très peu d’ouvrages en langue française sur Spielberg et ses films. Bossy le déplore d’ailleurs dans son introduction. Ensuite, ce livre ne se contente pas d’évoquer les réalisations de Spielberg, il tient également compte de ses nombreuses productions. On trouve encore une filmographie très complète et détaillée. Enfin, comme je l’ai dit plus haut, l’approche de l’univers spielbergien est ici inhabituelle. Bref, les amateurs du cinéaste seront forcément comblés avec ce document rare et précieux.

Le ton du livre est donné dès les premières pages : le titre annonce déjà ‘un univers de jeux’, et la première chose mentionnée dans ‘l’avis au lecteur’, c’est le fameux jeu des ‘Six degrés de séparation’ avec Kevin Bacon (jeu qui consiste à relier le comédien à toute autre personnalité du cinéma par l’intermédiaire de films). On pourrait, comme le souligne l’auteur, remplacer Bacon par Spielberg. Et là, avec sa remarque, il fait d’une pierre deux coups : démontrer l’importance du cinéaste dans le monde du 7e Art (mais est-il encore besoin de le prouver ?), et le principe déterminant des pages qui suivent devient clair : le jeu sera l’élément primordial de l’analyse de l’oeuvre spielbergienne.

L’ouvrage est découpé en quatre grandes parties, elles-mêmes ensuite composées de chapitres.

La première est intitulée ‘Jeu sur les logos : du son à l’image’. Pour donner un exemple qui parlera à tout le monde, je citerai la trilogie des Indiana Jones, où à chaque fois, au début des trois longs-métrages, Spielberg intègre la montagne du logo Paramount dans le décor des premières images (ainsi dans Les aventuriers de l’Arche perdue et Indiana Jones et la dernière croisade, la montagne se révèle en être une vraie dans le décor où évoluent les personnages, et dans Indiana Jones et le temple maudit, elle est incrustée en relief sur un gigantesque gong). Les détournements de logos sont fréquents chez le réalisateur, et l’auteur passe ainsi en revue les films réalisés ou simplement produits par Spielberg.

L’analyse se poursuit avec la deuxième partie, ‘La montagne spielbergienne : jeu sur le nom, jeu sur les formes’. Il y est traité de la récurrence de ‘l’élément’ de la montagne dans l’oeuvre de Spielberg. Ceux qui connaissent bien ses films verront rapidement la pertinence de ce segment du livre.

La troisième partie, ‘La séquence-générique : jeu de la création et jeux de construction’, comme son titre l’indique, souligne l’importance des séquences d’ouverture dans les films du cinéaste. Là encore, la minutie de l’auteur s’avère pertinente, et film après film, il démontre que le début de chacun est très représentatif de tout ce qui suit dans le métrage (il faut noter en passant que Bossy inclut dans cette partie un paragraphe sur La Mascotte, un moyen-métrage télévisé très réussi, réalisé par Spielberg dans le cadre de la série Histoires fantastiques. Comme l’auteur le précise : "Simple épisode de série télé, La Mascotte ne doit pas pour autant être négligé : les réalisations TV de Spielberg ne sont jamais en deçà de ses réalisations pour le cinéma, Duel en est l’exemple parfait").
Non seulement on ne peut qu’adhérer à ses propos, mais de plus, Bossy ne néglige effectivement rien de ce qu’a fait Spielberg. Et c’est là l’une des forces de l’ouvrage, d’offrir un parcours complet de l’œuvre spielbergienne, là où d’autres s’arrêteraient à ses seules réalisations pour le cinéma.

Le parcours s’achève dans la quatrième partie, ‘Le film dans le film : jeux de miroirs’. Certains collègues de Spielberg sont ici évoqués, comme Robert Zemeckis (fréquemment associé au réalisateur de Jurassic Park), Jan De Bont, Joe Dante ou Tobe Hooper (un paragraphe important relate ‘l’affaire Poltergeist’, film au sujet duquel une énorme controverse se tient quant à savoir qui en est réellement le réalisateur ; Bossy tranche nettement en incluant cette oeuvre dans les réalisations de Spielberg !). Dans ce quatrième segment, l’auteur démontre l’influence de Spielberg sur les films de ses amis et / ou collaborateurs cinéastes (sont alors mentionnés Retour vers le futur, Gremlins, L’aventure intérieure...), ses propres centres d’intérêt et sujets de prédilection s’y retrouvant ainsi fréquemment.

La dernière section, les ‘Annexes’, permet de consulter une filmographie complète de Steven Spielberg (réalisations télé et cinéma, simples productions...), ainsi qu’une vidéographie (évidemment plus à jour !), une bibliographie, et un box-office Spielberg, permettant de se faire une idée du succès de chacun de ses films.
En dehors d’une sobre photographie noir et blanc en couverture, aucune illustration n’agrémente le texte, mais nous trouvons en revanche de nombreux tableaux récapitulatifs appuyant les démonstrations de l’auteur sur tel ou tel point de l’oeuvre spielbergienne.

Paru en 1998, aux éditions de ‘L’Harmattan’, préfacé par Pierre Berthomieu, ce livre se veut bien plus une analyse qu’une critique des films de Spielberg. Pour ceux qui veulent en savoir plus, c’est bien entendu un achat indispensable, mais le grand intérêt du livre est tout autre : très plaisant à lire (nous sommes dans ‘un univers de jeux’, n’oubliez pas !), il nous fait prendre conscience d’une chose (qui, si elle est évidente pour les fans, l’est beaucoup moins pour les détracteurs du cinéaste) : le cinéma de Steven Spielberg est tout sauf simpliste. Sous des aspects de films à grand spectacle, de réussites commerciales spectaculaires (ponctuées, rappelons-le, de quelques cuisants échecs), l’oeuvre de Spielberg est très élaborée, complexe, rarement innocente. Il suffit de parcourir les quelques 300 pages de cet ‘Univers de jeux’ pour s’en rendre compte.

Une seule chose est finalement regrettable : que cet ouvrage date d’il y a 5 ans, et arrête son analyse au deuxième volet de Jurassic Park, sorti en 1997...

Par John Anderton - le 1 janvier 2003