Menu
Livres

nanarland
le livre des mauvais films sympathiques (episode 1)

par nanarland
sous la direction de françois cau

Ankama Editions - collection Label 619
Première édition : 30 octobre 2015
Format : 15 x 25.5
272 pages
Prix indicatif : 19,90 euros

Acheter le livre

Il faut bien l'avouer, hormis deux chroniques publiées (les indispensables Devil Story et Vivre pour survivre), on ne peut pas dire que DVDClassik se soit beaucoup penché sur la question du nanar. Peut-être par crainte de ce territoire de cinéma, ou plutôt de cette jungle exotique et mystérieuse dans laquelle nombre d'explorateurs se sont à jamais perdus. Or depuis quinze ans, une bande de valeureux conquistadors de l'impossible sévit sur le net avec Nanarland, le site des mauvais films sympathiques. Ces fous furieux des pellicules déviantes sont devenus les guides indispensables à tous ceux qui osent s'aventurer au-delà des frontières connues et reconnues du cinéma, là où on ose donner une suite à Titanic, où Hitler a un fils caché pakistanais rêvant de contrôler le monde, où l'on clone Bruce Lee pour faire une équipe d'agents secrets indestructibles, où un ancien du Vietnam est transformé en dindon géant se nourrissant du sang des drogués...

Nanarland, c'est au départ cinq potes grenoblois fans de films improbables qui, ne trouvant rien sur le Net concernant leur passion, décident de lancer en 2001 un site - quelques années auparavant ils auraient certainement fait un fanzine - visant à recenser ces pépites et à les faire découvrir au plus grand nombre. Puis, tout s'accélère : un forum dynamique, des tonnes de chroniques, des interviews, des portraits, un radioblog, des vidéos, une émission (Escale à nanarland) sur Allociné, des séances spéciales (dont la célèbre Nuit Excentrique lancée en 2005 avec la Cinémathèque française), une collection de DVD (Les improbables de Nanarland avec Sheep Tapes : Devil Story et dernièrement un coffret Ninja des années 80)... Ces maniaques utilisent tous les supports existants pour élargir leur culte. Et aujourd'hui, c'est un livre qui devrait trouver sa place dans la bibliothèque de tous les cinéphiles avides de découvertes et ne craignant pas de voir leurs yeux fondre dans leurs orbites et leurs neurones être pris de la danse de Saint Guy.

L'objet déjà est magnifique avec son design reprenant celui d'une VHS poussiéreuse à la jaquette du plus bon goût. Il regroupe une cinquantaine de chroniques inédites ou profondément revues et corrigées pour l'occasion, réparties en différents chapitres : « Version... originales » (les remakes non officiels), « De petits pouvoirs impliquent de petites responsabilités » (les super-héros), les monstres, les films d'horreur, les films coquins... Le premier chapitre proposant, quant à lui, une liste de dix films totémiques : « Les Alcooliques anonymes soignent en douze étapes, Nanarland cure le bon goût cinéphile en dix films, autant de visions initiatiques pour devenir un authentique nanardeur... Quiconque s’acquitterait de la vision successive de ces dix monuments en sortirait anesthésié des sens à tout jamais. »

Des encarts permettent de découvrir l'art des affichistes, les bios des différents clones de Bruce Lee, les galeries des pires monstres ou super-héros du 7ème art, une collection des jaquettes VHS les plus racoleuses. Le tout est très richement illustré (et quelles illustrations ! chaque photo, chaque affiche laisse pantois) et rythmé par des répliques de films. En bref, l'équipe de Nanarland a clairement fourni pour ce projet plus de travail que l'ensemble des acteurs, techniciens et artistes réunis ayant œuvré sur l'ensemble des films chroniqués...

Un film ne se déclare pas nanar, il le devient par la force des choses. Un accident industriel majeur, un ratage artistique complet, un projet complètement à côté de la plaque mais qui a trouvé suffisamment de fous ou d'aveugles irresponsables pour le produire, un sens inné du mauvais goût, une incompétence totale dans la mise en scène ou le jeu, un doublage catastrophique, un opportunisme sans limite... On connaît des nanars auto-revendiqués (Sharknado pour citer le plus hype), ils n'intéressent pas l'équipe, pas plus que les parodies et les simples navets qui pullulent sur les écrans mais qui proposent le minimum syndical en termes de production et de réalisation. Les rédacteurs nous proposent donc une sélection de films qui semblent avoir été réalisés dans un univers parallèle, une collection de scripts invraisemblables, de croisements contre nature, de copies qui se rêvent l'égal des originaux mais ont été tournées dans le jardin de mémé...

Bien sûr, on se marre à chaque page du livre (il est d'expérience déconseillé de lire cet ouvrage à côté de sa compagne plongée dans un polar glauque, car même en essayant de contenir ses fous rires, on se retrouve avec de beaux bleus en fin de parcours...) mais les rédacteurs de Nanarland sont toujours bienveillants avec les films qu'ils chroniquent. On sent leur amour, leur sympathie pour tous ces films difformes. Il ne s'agit pas pour eux de se moquer pour se moquer, mais de redonner une deuxième vie à des films ratés en les présentant sous un autre axe, en décalant le regard que l'on porte a priori sur eux.

Nanarland, le livre des mauvais films sympathiques est un régal, un pur concentré de plaisir. C'est un vidéoclub imaginaire, la verve toute desprogienne des auteurs, le choix des illustrations et des citations nous permettant de visualiser en direct tous ces films improbables, rejetons déviants et disgracieux du 7ème art. La couverture indique « Episode 1 »... une fois refermé cette bible, on n'a qu'une hâte : dévorer la suite !

Par Olivier Bitoun - le 30 novembre 2015