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Dossiers

56 ans après sa mort, Yasujirô Ozu continue de passionner les cinéphiles : en mars 2019, les Presses Universitaires de Strasbourg lui ont consacré un ouvrage de recherche assez pointu, adaptation d'une thèse de la chercheuse canadienne Suzanne Beth et, en novembre 2019, l’éditeur Carlotta a sorti un coffret Blu-ray regroupant 20 de ses films dont 10 dans des restaurations récentes. Du côté anglophone, une excellente monographie historique a été éditée en 2017 (The Cinema of Ozu Yasujirô: Histories of the Everyday) et un ouvrage collectif de recherche sur Ozu et son influence est paru en janvier 2018 (Reorienting Ozu: A Master and His Influence,). Des livres récents ou des traductions de classiques consacrés au réalisateur sont également sortis ces dernières années en espagnol et en allemand.

Les films d’Ozu ont été découverts aux Etats-Unis puis en Europe dans les années 70 grâce au travail de quelques festivals et de passionnés du cinéma japonais. L’approche culturaliste initialement utilisée pour étudier son œuvre (notamment par Donald Richie, Paul Schrader et Noël Burch) a rapidement été nuancée aux Etats-Unis (Thompson et Bordwell) et au Japon (Hasumi). Plusieurs ouvrages importants ont enrichi notre perception du cinéma d’Ozu jusqu’à récemment (Yoshida à la fin des années 90 ou Joo en 2017) et, après plus de 40 ans de travaux, de nouveaux éclairages continuent d’apporter des lectures originales de ses films. Sans prétendre révolutionner la recherche, nous aborderons l’œuvre du réalisateur selon un angle peu utilisé jusqu’à présent : nous essaierons de comprendre comment, par son travail sur la forme et sur le fond, Ozu réussit à faire ressentir les subtiles émotions du quotidien.

Une maîtrise totale de la forme

Formellement, le style d’Ozu est souvent résumé à une caméra fixe en légère contre-plongée, le point de vue d’une personne assise de façon traditionnelle sur un tatami. Les critiques soulignent généralement l’absence de zooms et autres effets, la rigidité du jeu des acteurs et s’interrogent sans fin sur les fameux plans fixes sans personnage séparant les séquences. Ces spécificités poussèrent Donald Richie, auteur de la première monographie d’Ozu en Occident, à appeler Ozu « le plus japonais de tous les réalisateurs. » Cette dénomination a longtemps été reprise et est parfois encore utilisée aujourd’hui, malgré des études ultérieures ayant largement battu en brèche cette impression. Si ces critères étaient un signe fort de japonité, le lecteur excusera ce néologisme fort pratique, pourquoi Ozu a-t-il été quasiment le seul à les utiliser ? Un film d’Ozu ressemble surtout à un autre film d’Ozu et expliquer ses spécificités par la culture japonaise amène rapidement à une impasse. Il nous semble, de nos diverses lectures, qu’émerge plutôt une obsession du contrôle, une volonté de maîtriser absolument tous les éléments du film afin que le spectateur ressente exactement ce que le réalisateur souhaite au moment où il le souhaite. Les émotions ne doivent pas venir du jeu des acteurs, du montage ou de la musique mais uniquement du récit d’événements quotidiens.

Afin de faciliter le contrôle, la surface filmée est limitée au maximum. Ozu prenait toujours le même objectif, le 50mm, connu pour offrir un rendu réaliste et une zone de netteté très réduite qui oriente le regard du spectateur. La caméra est généralement à l’horizontale, toujours un peu plus basse qu’à l’accoutumée et un peu en-dessous du regard. La distance entre le haut du cadre et l’objet filmé est réduite, « la position de la caméra d’Ozu n’est pas absolue mais proportionnelle, toujours plus basse que ce qu’il filme mais variant selon la hauteur du sujet. » (1) Cela lui permet de minimiser l’espace vide autour du sujet principal et de le rendre plus central car, « en fixant la caméra très bas, on évite de laisser des éléments superflus dans le cadre. » (2) Ce procédé est renforcé par la création d’un cadre dans le cadre, soit l’encerclement de la zone filmée par des cloisons, des murs, des linteaux et du mobilier.


Le plan préféré d’Ozu est le plan moyen, alterné par des plans larges et des plans rapprochés. Il fait peu de plans d’ensemble et très peu de gros plans, trop proches de l’acteur dont Ozu souhaite limiter l’influence comme nous le verrons plus loin. Il a toujours refusé le Cinémascope et son immense espace à remplir et, en réaction, « le nombre de gros plans et de plans brefs commença à augmenter. » (3) (A prendre avec des pincettes toutefois, comme toutes ses déclarations). Il a également eu de fortes réticences à passer à la couleur, qui ajoutait un facteur supplémentaire à contrôler. Une fois franchi le cap, il se mit à examiner dans le détail les couleurs de chaque élément du décor, et favorisa des murs et plafonds neutres ou pastels et une décoration aux couleurs saturées. Il choisit l’Agfacolor pour son rendu des rouges, sa couleur préférée.

Ozu considérait chaque plan indépendamment de l’ensemble et l’harmonie visuelle l’emportait sur toute autre considération. Il pouvait déplacer les objets d’un plan à l’autre, changer la taille d’un accessoire selon la distance de la caméra pour garder l’équilibre du cadre. Peu importaient les enchaînements et les raccords. Masahiro Shinoda, assistant réalisateur sur Fin d’automne et futur réalisateur de la Nouvelle Vague japonaise, résume parfaitement le point de vue d’Ozu (citation un peu longue mais assez savoureuse) : « Il y avait cette table avec des bouteilles de bière, des plats et un cendrier posés dessus. Nous venions de tourner un plan d’un côté et allions tourner de l’autre côté quand Ozu arriva et se mit à déplacer les objets. J’étais choqué et je dis que cela allait casser la continuité, que tout le monde allait remarquer que les bouteilles de bière étaient maintenant à droite et le cendrier à gauche. Il s’arrêta, me regarda et dit : "Continuité ? Ah, ça. Non, tu te trompes. (4) Les gens ne remarquent jamais ce genre de choses. Et disposés de cette façon, ça fait une bien meilleure composition." Il avait raison, bien sûr. Personne ne remarque. Quand je vis les rushes, je ne constatai rien d’anormal dans ces séquences. »

Une autre caractéristique du cinéma d’Ozu souvent notée est l’absence de mouvements de caméra ou d’effets de montage. Cela n’a pas toujours été vrai. Ses films des années 20 et du début des années 30 comportent de nombreuses expérimentations visuelles et rappellent le slapstick américain de la même époque. Il commence à épurer son style avec le passage au son puis au parlant durant les années 30. Les mouvements se font plus rares et deviennent d’autant plus précieux, renforçant un élément clé du récit. Dans Printemps tardif, par exemple, ils soulignent la liberté de Noriko dans sa vie de célibataire durant la première partie du film. Ils cessent dans la deuxième partie, lorsque le piège du mariage arrangé se referme sur elle. Les mouvements de caméra ne disparaissent définitivement qu’avec Fleur d’équinoxe en 1958, premier film en couleur. A la question d’un journaliste lui demandant, avant la sortie de ce film, pourquoi sa caméra ne bougeait jamais, Ozu répondit : « Nous n’avons pas de bon matériel. Je filme de très bas et je n’ai pas de caméra qui puisse bouger aussi bas. » A la manière d’un Buñuel, Ozu n’était absolument pas fiable dans ses interviews, se moquant régulièrement des journalistes et disant tout et son contraire. Son angle de prise de vue n’a pas changé avec ses films en couleur et il a toujours pu auparavant bouger sa caméra. Il développa même avec son chef opérateur Yûharu Atsuta un système de chariot pour déplacer la caméra en position basse.

L’arrêt du moindre mouvement de caméra avec le passage à la couleur résulte d’un choix et non d’un blocage technique. Avec le niveau de complexité supplémentaire ajouté par la couleur, les mouvements de caméra risquaient de briser l’harmonie des plans et devaient dès lors disparaître. Ozu cessa les effets de caméra (5) encore plus tôt, dès la fin des années 30, car ils brisaient, d’après lui, l’authenticité de l’image et constituaient une tricherie.

En l’absence d’effets, les séquences se suivent en montage cut et sont reliées par les fameux plans de transition. Ces plans sont appelés pillow-shots par Noël Burch par analogie au pillow-word, makurakotoba (枕言葉), « épithète ou attribut de convention » pratiqué notamment dans la poésie Heian. Le makurakotoba était une image toute faite au sens souvent obscur, plus utilisé comme élément décoratif que signifiant. Noël Burch estime que les pillow-shots d’Ozu engendrent une suspension du récit et n’ont aucune fonction narrative. Il se situe dans la veine des premiers auteurs occidentaux ayant analysé le cinéma japonais dans les années 70, obsédés par l’idée de relier tout film japonais à une culture japonaise ancestrale. Sa théorie du pillow-shot a été contredite car, loin d’être une suspension du récit, les plans fixes de transition font sens et ont une raison d’être. Comme l’a bien montré David Bordwell dans Ozu and the Poetics of Cinema, ils servent le plus souvent à sortir en douceur et à entrer dans une nouvelle séquence en posant le contexte et l’environnement dans lequel évoluent les personnages. L’appellation « plans vides », utilisée notamment par Donald Richie, n’est guère plus convaincante. Ces plans comportent parfois des êtres vivants et, de toute manière, Ozu avait horreur du vide. Comme l’explique Yûharu Atsuta, « ne rien mettre et laisser un espace vide était insupportable pour sa composition. » (6) « Plans de transition » semble être le terme le plus adapté.

Restent toutefois des plans énigmatiques, comme celui fameux sur le vase dans Printemps tardif. Ce plan ne sert pas à ouvrir ou fermer, il se situe au milieu d’une séquence, la dernière nuit du dernier voyage que la fille (Noriko jouée par Setsuko Hara) passe avec son père (Shukichi joué par Chishû Ryû). Au début de la séquence, l’ambiance est assez légère, la journée a été agréable, Noriko est couchée, son père vient de s’endormir, elle est pensive. Plan du vase. Retour sur Noriko, devenue triste. Nouveau plan du vase qui clôt la séquence. Pourquoi cette coupure ? Pourquoi ce plan sur un vase ? Mais est-ce un plan de vase, n’y a-t-il pas aussi des ombres d’arbres en arrière-plan à l’extérieur et un bout de poutre sur le côté ? Chacun y est allé de son interprétation, un chercheur a même consacré un article à ce sujet (7) mais les spéculations continuent. Cela aurait sans doute beaucoup amusé Ozu.


Pris dans le récit, le spectateur ne se rend pas compte de l’étendue du contrôle exercé par le réalisateur sur les moindres détails techniques. Quand un plan avait été préparé, la caméra était positionnée par Ozu et plus personne n’avait le droit de la toucher. Yûharu Atsuta se surnommait ironiquement camera-ban (= gardien de la caméra) au lieu de cameraman. La durée même des plans était fixée en partie en avance : les plans de transition et les plans sans dialogues étaient chronométrés à la seconde près, avec des durées souvent répétées en fonction de modèles simples (A/A/B/B, A/B/A/B, A/B/A+B...). Dès l’étape du scénario, Ozu savait le nombre de pas et la durée de chaque pas que devrait faire un personnage dans un plan donné. Le décor était construit en fonction de ces critères. Il s’était fait fabriquer une montre spéciale permettant de calculer la durée mais également le nombre d’images en format 35mm. Il demandait systématiquement à son monteur d’ajouter un intervalle de 6 à 8 images après chaque ligne de dialogue afin de générer un rythme particulier et laisser le temps au spectateur de tout voir. Ses plans restent malgré tout très courts : ses films muets ont une durée moyenne de plans (average shot length ou ASL en anglais) de 4 à 6 secondes, ses films parlants en noir et blanc de 9 à 10 secondes (excepté les films réalisés durant la guerre, autour de 13-14 secondes) et ses films en couleur de 7 secondes. C’est à peu près dans la moyenne du cinéma hollywoodien de l’époque, John Ford étant à presque 10 secondes en moyenne, et beaucoup plus rapide que le slow cinema (8) auquel Ozu est parfois associé de nos jours. En 1980 déjà, Alain Bergala notait la différence entre le ressenti devant les films d’Ozu, impression d’intervention minimale, de lenteur, de plans-séquences, et la réalité technique de plans courts et d’un style d’énonciation extrêmement fort.

L’arrivée du son

Toutes ces restrictions visent à supprimer une part d’arbitraire du tournage, limiter au maximum ce que le réalisateur ne peut contrôler totalement. Comme nous l’avons vu pour le Cinémascope et la couleur, les nouveautés apportent de nouvelles contraintes et sont difficilement adoptées par Ozu. Qu’en est-il du son ? Il est passé très tard au cinéma parlant, en 1936, alors que la plupart des réalisateurs japonais commencèrent dès 1932-1933. Était-ce uniquement une réticence de sa part, comme il est souvent dit ? La raison est plus complexe. Jusqu’en 1935-1936, le Japon connaît une période de transition et la plupart des réalisateurs alternent films parlants et saundoban. (9) Ozu réalise son premier saundoban dès 1932 et un court métrage parlant en 1935, mais se retrouve bloqué pour la suite. En 1928, il avait promis d’attendre le système parlant développé par son chef opérateur, Hideo Shigehara, mais ce dernier prit du retard et fut prêt fin 1935. Ozu tint sa promesse et utilisa ce long délai pour se préparer tranquillement à la transition. Il étudia de près les films parlants, notamment américains comme Le Retour de l’étranger (1933) de King Vidor, et modifia dans ses saundobans son utilisation des intertitres : afin de se conformer au rythme et à la logique du parlant, ils passèrent de 12 % du métrage de Gosses de Tokyo en 1932 à 29 % dans Une auberge à Tokyo en 1935.

En fait, le son comporte pour le cinéaste de nombreux avantages. Il lui permet de s’affranchir des gros plans au profit de plans plus larges et de fluidifier les dialogues en éliminant les intertitres. Il supprime des plans devenus inutiles, le bruit du sifflet d’une locomotive remplace par exemple l’image d’un train. L’ambiance sonore, constituée principalement de bruits naturels, enrichit sa narration, aide à mieux cerner l’environnement des personnages et renforce l’ancrage dans le quotidien. La musique varie peu d’un film à l’autre. Légère, simple et aseptisée, elle est utilisée majoritairement comme transition entre les séquences. Elle sert également à atténuer les aspects dramatiques, sa légèreté contrastant avec la dureté des scènes. Ozu ne s’intéressait pas beaucoup à la musique de ses films et avait l’habitude de dire à Kojun Saitô, compositeur sur sept de ses films entre 1953 et 1962, « Fais comme la dernière fois. »

L’acteur-marionnette

Ozu se sert également du son pour se détacher un peu plus des acteurs, sources embarrassantes d’aléas. Il ne les choisissait pas pour leur jeu mais pour leur personnalité, pour leur correspondance avec les personnages qu’ils devaient incarner. Comme le résume bien Chishû Ryû, Ozu « avait le film entier dans sa tête avant d’arriver sur le plateau, si bien que tout ce que nous avions à faire, nous les acteurs, était de suivre ses instructions depuis le mouvement des bras jusqu’aux cillements des yeux. » Les expressions des acteurs devaient correspondre à celles de personnes réelles dont Ozu s’était inspiré. Le personnage de Kihachi, par exemple, est modelé sur un homme qu’il avait connu étant jeune et, dans Il était un père, il demanda à Chishû Ryû de calquer son jeu sur le père d’Ozu décédé quelques années auparavant.

Jouer dans un film d’Ozu n’avait rien d’une sinécure. Après avoir établi la composition et l’éclairage avec une doublure, il répétait le plan plusieurs fois avec l’acteur ou l’actrice, lumières éteintes. Une fois satisfait, les lumières étaient rallumées et le plan était tourné avant de passer au suivant. Chaque plan était considéré comme une unité en soi, tourné et retourné jusqu’à la perfection, parfois durant plusieurs heures, jusqu’à que l’acteur ou l’actrice ait perdu toute sa spontanéité, toutes ses émotions, et se soit conformé parfaitement aux instructions. Les interprètes n’avaient aucune liberté, jusque dans leurs intonations, pensées en avance par Ozu et notées dans le script distribué avant le tournage. A une actrice lui demandant ce qu’elle devait ressentir, Ozu répondit : « Tu n’es pas censée ressentir, tu es censée faire. » Une fois satisfait, il réorganisait les accessoires, recadrait plus ou moins légèrement, parfois juste un demi-centimètre, et l’acteur ou l’actrice devait réciter sa réplique suivante. Cette volonté de brider le jeu des comédiens expliquerait-elle le plan du vase dans Printemps tardif ? Ce plan supprime en effet le passage d’une expression pensive à une expression triste : deux états fixes maîtrisés remplacent une transition liée au jeu de l’actrice.


A partir des années 30, Ozu abandonne tout recadrage au sein d’un plan : ce n’est pas l’acteur qui mène le plan mais le plan qui détermine la position et le mouvement de l’acteur. Tout ce processus extrêmement long et pénible explique le jeu souvent jugé atone et figé des interprètes chez Ozu. Son objectif est de contrôler le moindre mouvement, la moindre intonation pour atteindre la simplicité des sentiments quotidiens. Comme il l’explique après la sortie de Fin d’automne : « Il est très facile de montrer l’émotion dans un drame : les acteurs pleurent ou rient et cela crée dans le public des sentiments de tristesse ou de bonheur. Mais cela n’est qu’une simple explication. Pouvons-nous vraiment peindre la personnalité et la dignité d’un homme en faisant appel aux émotions ? Je veux donner aux gens le sentiment de la vie sans retracer les hauts et les bas dramatiques. » Les gestes prennent la place du jeu et véhiculent l’émotion. Leur parallélisme symbolise la concorde, leur dissemblance génère un choc, une tristesse parfois. L’exemple le plus frappant est la première scène de pêche dans Il était un père. Au début de la scène, le père et le fils ont des gestes coordonnés, ils lancent la ligne au même instant, suivant les mêmes mouvements. Leur entente est parfaite. Le fils vient d’avoir son diplôme et va entrer au collège. Le père lui dit qu’en raison de la distance, il va devoir aller en pensionnat. Ils ne pourront plus vivre ensemble. Alors que le père continue de lancer sa ligne, le fils s’arrête soudain. L’harmonie est brisée. Sans avoir à dire quoi que ce soit ou insister sur les émotions de l’acteur, le spectateur ressent fortement la tristesse et la déception du fils.


Un modèle stylistique unique

La puissance de l’émotion véhiculée par la gestuelle est renforcée par la place de la caméra. Dès les années 30, il s’affranchit de la fameuse règle des 180° pour le champ/contrechamp (10) : il peut placer sa caméra exactement sur la ligne des 180° (le spectateur est alors à la place de l’interlocuteur, cas 2), la décaler légèrement par rapport à cette ligne (tout en la franchissant, cas 3 à comparer au cas 1, modèle hollywoodien classique) ou la positionner en face des personnages (ces derniers étant souvent en diagonale l’un par rapport à l’autre, cas 4).

D’après Ozu, « il n’y a pas de différence » et, effectivement, excepté les critiques et spécialistes du cinéma, personne ne remarque le franchissement de la ligne des 180°. Pourquoi alors, durant les années 30, prendre systématiquement le contre-pied du modèle de référence ? Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’après Yûharu Atsuta, le chef opérateur de quasiment tous les films d’Ozu à partir de 1937, alors que le champ/contrechamp classique génère une coupe en contraste, Ozu fait une coupe en similarité et conserve une continuité graphique d’un plan à l’autre. Il accentue la fluidité et l’harmonie de la séquence. Pour filmer deux personnages en champ/contrechamp, il prend même en compte « la différence de volume de leur silhouette. Si [il] avait mis la caméra à la même distance pour chacun d’eux, la tête de l’un aurait occupé l’écran beaucoup plus que l’autre. [Il] filmait donc la première à 3 pieds et la seconde à 2,5 pieds seulement. » (11) De plus, lorsque la caméra se situe sur la ligne des 180° voire légèrement au-delà, le spectateur est en face du locuteur et devient récepteur direct de la parole. Avec un bémol toutefois : en raison de la position de la caméra, légèrement plus basse, le personnage ne regarde pas directement le spectateur, le regard est un peu décalé. Ozu conçoit enfin ses séquences à 360°, ne se limitant pas au demi-cercle du modèle hollywoodien et tourne comme il le souhaite autour des personnages, pouvant inverser complètement le champ d’un plan à l’autre. Tous ces éléments permettent d’homogénéiser les points de vue. Tout le monde est traité de la même façon, personne n’a raison et le spectateur est témoin de l’opinion de chacun. Il n’y a pas de héros et de méchant, la coupe ozuienne renforce les ressemblances plutôt que les différences. Comme il le signale à propos de Voyage à Tokyo : « Nous avions voulu représenter les relations parents-enfants telles quelles, sans vouloir les renier ni les défendre. Nous voulions manifester la piété filiale indépendamment de toute référence au bien ou au mal. » (12)


Les positions, les angles et l’absence de mouvement de la caméra, l’utilisation particulière du son et de la couleur, les plans de transition entre les séquences, le montage et le jeu des acteurs constituent un style unique propre à Ozu. Mises en place au cours des années 30, ces caractéristiques typiques de son cinéma d’après-guerre sont en grande partie finalisées lors de son passage au parlant en 1936. Pourquoi créer cette forme particulière si éloignée du cinéma américain, sa référence par excellence durant les années 20 ? En 1933, Ozu déclare : « Les films étrangers sont devenus complètement parlants mais la plupart des films japonais sont encore muets. Je sais que les films japonais deviendront tous parlants un jour mais, avant qu’ils ne le deviennent, je crois que nous devrions créer une nouvelle forme muette. » (13) D’après Daisuke Ito, célèbre réalisateur des années 20 et 30, l’idée de positionner la caméra en position basse serait venue à Ozu lors d’une soirée bien arrosée, en regardant une bouteille de saké posée sur une pierre : « Cette position basse est géniale ! La bouteille de saké est précisément la position de l’objectif et la position un mètre derrière c’est la mienne. C’est exactement ça. Tout à fait mienne. Je ne laisserai jamais personne s’asseoir à cette position, la position que j’ai créée. » (14) Cette volonté de se démarquer est corroborée par le célèbre chef opérateur Kazuo Miyagawa, qui a travaillé avec Ozu sur Herbes flottantes. Le choix d’une position basse de la caméra, estime-t-il, « au départ, était plutôt fondé par le désir de donner un style nouveau à ses œuvres. L’explication est venue plus tard, pour le justifier. » (15) L’originalité n’est toutefois pas la seule raison de ses choix formels. En répétant les cadres, les découpages, les séquences, en restreignant les techniques, il crée un modèle cohérent rapidement assimilé par le spectateur. La norme stylistique routinière fait écho à la vie quotidienne des personnages filmés et à la répétition des histoires racontées. La forme renforce le fond et aide à la transmission des émotions générées par les situations banales décrites. Enfin, la mise en place d’une norme permet à Ozu de jouer avec la transgression de cette norme, et toute entorse au modèle acquiert une force décuplée.

Retour au plan du vase de Printemps tardif. Dans le montage ozuien, les plans fixes sur des objets servent le plus souvent de transition entre les séquences. Juste avant la première coupe sur le vase, le père vient de s’endormir et commence à ronfler, Noriko est pensive, plan sur le vase avec ronflement du père en fond. Le spectateur vient de passer presque 1h30 dans le système ozuien et s’attend à un changement de séquence. Le retour sur Noriko triste est d’autant plus déstabilisant et achève la séquence sur une note sombre inattendue. Ultime plan du vase avec ronflement du père. Cette fois, une musique légère démarre, la séquence est bien terminée et Ozu enchaîne sur les plans de transition suivants : un jardin sec japonais (karesansui, 枯山水) puis un gros plan sur une pierre du jardin. Cette dernière évoque le vase du plan précédent, procédé classique chez Ozu de coupe dans la similarité nommée « concordance graphique » (graphic match) par Kristin Thompson et David Bordwell. (16) Loin d’être lié à une culture japonaise immémoriale, le fameux premier plan du vase pourrait simplement être une fausse sortie de séquence et le vase aurait été choisi comme renvoi à la pierre de la séquence suivante.


L’Ozuvers

Le modèle formel ozuien est renforcé par les choix scénaristiques du cinéaste. Ozu co-écrit tous les scénarios de ses films, principalement avec Tadao Ikeda jusqu’à Récit d'un propriétaire, puis exclusivement avec Kôgo Noda à partir de Printemps tardif. D’un film à l’autre, il réutilise des acteurs, des personnages, des situations, donnant à son œuvre une indéniable continuité. Prenons par exemple Setsuko Hara, actrice dans « seulement » six films d'Ozu.

Dans Printemps tardif , elle joue une femme célibataire très attachée à son vieux père avec qui elle vit. Elle ne veut pas l’abandonner mais, croyant qu’il va se remarier, finit par accepter un mariage arrangé par sa tante. Dans Été précoce, elle incarne encore une femme célibataire vivant chez ses parents. Elle refuse un mariage arrangé au profit d'un mariage choisi mais le prétendant ne convient guère à sa famille. Dans Voyage à Tokyo, Setsuko Hara joue la belle-fille dont le mari est mort à la guerre. Elle reçoit ses beaux-parents et les traite avec plus déférence que leurs propres enfants. Dans Crépuscule à Tokyo, elle interprète une femme mariée qui a quitté son mari violent pour venir se réfugier chez son père. Ce dernier se sent coupable car il avait forcé sa fille à accepter ce mariage arrangé. Dans Fin d’automne, elle joue une mère qui essaye de marier sa fille mais cette dernière ne veut pas la quitter. Dans Dernier caprice, elle incarne la belle-fille qui vit dans la famille de son mari décédé. Son beau-père essaye de la remarier.


Dans chaque film, Ozu explore une nouvelle version ou un pan inexploré d’une histoire précédente. Il constitue une sorte de multivers, un Ozuvers. Dans Printemps tardif, une femme accepte de quitter son père veuf pour un mariage arrangé. Que se serait-il passé si la fille avait refusé le mariage arrangé au profit d'un mariage choisi ? Réponse : Été précoce. Si les deux parents étaient vivants ? Été précoce encore. Si, à la place du père veuf, il y avait eu une mère veuve ? Fin d’automne. Si la mère n’était pas décédée mais avait fui avec un autre homme ? Crépuscule à Tokyo. Était-ce une bonne idée pour le père de forcer sa fille à faire un mariage arrangé ? Crépuscule à Tokyo. Que se passe-t-il si on se place du côté des parents qui acceptent la fille dans leur famille plutôt que ceux qui marient la fille ? Voyage à Tokyo ou Dernier caprice pour la version père veuf.

Parfois, c'est encore plus subtil, avec la même histoire selon un point de vue différent. Le Goût du saké est un remake de Printemps tardif, centré essentiellement sur la vision du père plutôt que de la fille. Le personnage principal, interprété par Chishû Ryû, se décide à marier sa fille en rencontrant un ancien professeur regrettant de n’avoir pas marié la sienne. Certains films peuvent également être considérés comme des suites ou des préquels. Voyage à Tokyo se termine sur le père resté seul avec sa dernière fille non mariée et constitue une sorte de préquel de Printemps tardif ou du Goût du saké. Il montre, en outre, la conséquence de l’éclatement de la famille qui conclut Été précoce. Comme mentionné dans les carnets d’Ozu, certains scénarios étaient influencés par un de ses films précédents, qu’il revoyait juste avant de commencer la réalisation. Par exemple, il est mentionné la veille du début du tournage de Fin d’automne : « Studios : me suis fait projeter Higanbana [Fleurs d’équinoxe]. »

Cette récurrence scénaristique est combinée à une récurrence du casting, interprètes comme techniciens. Le cas le plus commenté est la combinaison Chishû Ryû / Setsuko Hara. Ils sont parents dans cinq films, frère et sœur ou père et fille, et s'appellent le plus souvent Shukichi ou Noriko  /Akiko. Ce phénomène ne date toutefois pas d'après-guerre : Takeshi Sakamoto joue dans vingt-quatre films d'Ozu entre 1928 et 1948, dont cinq fois un père nommé Kihachi. A chaque fois, ce dernier abandonne à un moment ou à un autre son fils à Chôko Iida. Dans Histoire d'herbes flottantes, par exemple, Kihachi est le directeur d’une troupe de théâtre ambulante. Il revient dans une petite ville où il retrouve son ancienne amante Otsune (Chôko Iida), avec qui il a eu un fils une vingtaine d’années auparavant. Le film se concentre sur Kihachi et sa troupe et peu sur l’histoire d’Otsune et de son fils. Qu’ont-ils vécu et ressenti durant toutes ces années ? Ozu fournit la réponse deux ans plus tard avec Le Fils unique, où une mère nommée Otsune jouée par Chôko Iida doit élever seule son fils.

L'Ozuvers aide à comprendre les différents points de vue et sentiments des personnages, à explorer les possibilités offertes par la vie. Il n’y a pas de personnage principal ou secondaire, et un personnage central dans un film peut devenir accessoire dans le suivant. L’implication du spectateur fidèle au cinéaste est renforcée car il comprend les protagonistes et leur vécu. Il les connaît, ne les juge pas, et Ozu peut faire passer sans drame des émotions subtiles. Le spectateur comprend d’autant mieux qu’Ozu inscrit toujours ses récits dans le Japon quotidien de son époque. L’Ozuvers est fait de similitudes mais également de différences : malgré la sensation d’immutabilité souvent associée au réalisateur, ses films dépeignent l'évolution de la société japonaise, de la vie de famille, de la perception du mariage arrangé ou de la place de la femme. Gosses de Tokyo, tourné dans un Japon miné par le chômage, est très différent de son remake Bonjour, critique de la société de consommation à outrance du Japon de la fin des années 50. Il montre aussi l’importance des choix et comportements individuels dans des situations similaires. Malgré un tableau familial assez analogue, parents envoyés à la campagne et enfants allant vivre leur vie de couple, la Noriko de la fin d’Été précoce, protégée par sa bonté et sa générosité, ne deviendra pas la Shige dure et aigrie de Voyage à Tokyo.

La vie quotidienne d’Ozu

Il est toujours risqué de faire un parallèle entre un artiste et son œuvre. Comme signalé précédemment, Ozu en interview n’était guère fiable et ne dévoilait quasiment rien, ni sur lui ni sur ses films. Les informations les plus pertinentes proviennent de son entourage, de ses amis et collaborateurs comme Chishû Ryû ou Yûharu Atsuta. C’est grâce à eux que l’on connaît les idées et méthodes d’Ozu et, dans une moindre mesure, l’homme. Excepté ses films et ses scénarios, il a toutefois laissé des carnets, une source personnelle d’informations importante. Dès les années 20, il tient ces carnets quasi-quotidiennement. Ils ont malheureusement été en partie perdus ou détruits mais il en reste un nombre non négligeable, traduits en français à la fin des années 90. A la lecture, ils s’avèrent assez décevants et sont peu cités par les spécialistes du cinéaste. Ils ne décrivent jamais les émotions ou pensées du réalisateur, uniquement des faits concrets et parfois quelques rares poèmes ou réflexions. Exemple avec un extrait pris au hasard :

Mercredi 18 avril [1951]
Toute la journée au « Tsukigasé ». Ai vu Awashima Chikagé. Bain ; nuit au « Tsukigasé ».

Jeudi 19 avril
Noda est passé, et j’ai vu Takamura. Tôkyô dans la soirée : saké à Tsukiji, chez Mori, où j’ai passé la nuit. Pluie. Le scénario de [Bakushû] est fin prêt !

Vendredi 20 avril
« Bulldog », puis magasin « Sun », avant de passer à la Shintôhô. Train de 15h47 à la gare d’Uéno pour rentrer [à Noda]. Riz au saumon arrosé de thé vert.

Ses carnets autobiographiques ressemblent à la vie telle qu’il la filme : des événements quotidiens répétitifs, des jours qui succèdent aux jours avec de petites variations, des pensées non révélées et des émotions discrètes. La vie d’Ozu était constituée de routines, son travail également. Outre les routines formelles de ses films évoquées précédemment, la rédaction des scénarios se déroulait toujours de la même façon. A partir de 1954, ils sont écrits avec Kôgo Noda dans la maison de ce dernier à Tateshina. Une journée typique comprenait une matinée de repos, un début d’après-midi de balade, puis se divisait en deux phases de travail, de 16h à 18h et de 20h à minuit, encadrées par des repas fortement arrosés. A la fin des carnets, le lecteur en sait plus sur l’alimentation d’Ozu et les résultats des matchs de sumo que sur ses sentiments, ses opinions ou ses choix de réalisations. Même la mort est traitée sans effusion. Le jour du décès de sa mère, dont Ozu était très proche et dont la mort est survenue subitement, on trouve la note suivante :

Dimanche 4
Commencement du printemps. Pendant le dîner, appel de Yamanouchi m’annonçant le décès de ma mère. Ai pris un taxi et ai quitté Tateshina à 21h. Avant de prendre le train pour Kamakura, ai mangé des nouilles chinoises devant la gare de Kôfû.

Deux jours plus tôt, il semblait pourtant confiant sur son état. Maladie, rétablissement, décès soudain... Les derniers jours de la mère d’Ozu rappellent étrangement ceux du père dans Dernier caprice, tourné quelques mois auparavant.

Comme dans ses carnets, Ozu traite sobrement dans ses films les grands événements de la vie, mariages ou décès. Ils constituent souvent la trame de fond de ses histoires mais ne sont que très rarement montrés. Trop forts sur le plan dramatique, ils prendraient une place trop importante dans le récit et masqueraient les émotions plus subtiles. Il déclare ainsi, à propos de la vie des salariés dans Printemps précoce : « J’ai essayé d’éviter tout ce qui serait dramatique et de n’accumuler que des scènes ordinaires de la vie quotidienne dans l’espoir que le public ressentirait la tristesse de ce genre de vie » (17). Il évacue quasi-systématiquement les drames par une ellipse (18), procédé dont il se sert abondamment. Outre l’esquive de situations émotionnellement intenses, il l’utilise pour jouer avec les attentes du public, densifier son propos ou garder une part de mystère. Le goût du saké propose un bel exemple d’ellipse facétieuse. Le père, joué par Chishû Ryû, invite un ami à aller boire avec lui mais ce dernier refuse car il va à un match de baseball. La séquence se termine, plan de transition sur le match de baseball. Le spectateur s’attend à retrouver les personnages dans le stade mais, au plan de transition suivant, se rend compte que la nouvelle séquence se déroule dans un bar avec des clients regardant le match à la télévision. Le troisième type d’ellipse est plus subtil : en éludant un élément du scénario, Ozu signale son manque d’importance et, indirectement, indique ce qui constitue le cœur de son récit. Par exemple, il ne montre jamais les rencontres arrangées en vue d’un éventuel mariage car elles n’apportent rien à la psychologie des protagonistes et s’écartent trop de leur routine quotidienne. Le spectateur est informé de leur déroulement indirectement, par des discussions subséquentes bien plus révélatrices des émotions des personnages. L’ellipse lui sert enfin à conserver une part de mystère et d’incertitude, l’être humain ne connait pas tous les tenants et aboutissants et la vie est plus compliquée qu’il n’y parait. Pourquoi trois personnages, au moins, dans des films d’Ozu ont à un moment un cache-œil (dans Cœur capricieux, Les sœurs Munakata et Printemps précoce) ? Nous ne saurons jamais.

Forme et fond au service des émotions

La plupart des spécialistes d’Ozu se sont concentrés soit sur la forme, soit sur le fond, sans vraiment corréler les deux éléments. Pourtant, la routine formelle et la routine quotidienne des situations et personnages filmés se renforcent mutuellement. Elles permettent au réalisateur de montrer une répétition légèrement déphasée, une continuité dans les moments éphémères de la vie, des jours qui se répètent mais ne sont jamais tout à fait identiques. Sans effet dramatique ou technique, il fait ressentir les émotions profondes des personnages et le vécu quotidien. Pour arriver à ce résultat, il impose un contrôle total de tous les éléments filmés, utilise sa propre grammaire cinématographique et évolue dans son Ozuvers scénaristique. Dès lors, un écart notable au modèle marque les spectateurs d’une façon inaccessible à des cinéastes au style moins affirmé.

Au final, Ozu est, d’après nous, celui qui a réussi le mieux à retranscrire la déception, cette émotion subtile de la vie, si difficile à filmer. Ce thème irrigue son œuvre et constitue le cœur de nombreux films : déception des enfants vis-à-vis des parents dans Gosses de Tokyo ou Crépuscule à Tokyo, des parents vis-à-vis des enfants dans Le fils unique et Voyage à Tokyo, au sein de la fratrie dans Une femme de Tokyo ou Les frères et sœurs Toda, entre époux dans Une poule dans le vent ou Printemps précoce. Ce ne sont que quelques exemples, il y a toujours un personnage déçu par la vie et/ou son entourage dans les films d’Ozu, comme dans cet échange assez emblématique entre le fils Ryosuke et la mère Tsune, dans Le fils unique :

Ryosuke : Maman, comment imaginais-tu ma vie ? Tu es déçue ?
Tsune : Pourquoi ?
Ryosuke : Parce que je ne suis pas devenu ce que je voulais être.

(1) David Bordwell, Ozu and the Poetics of Cinema, 1988
(2) Tadao Satô, « Témoignages sur l'art de Yasujiro Ozu », Cinejap n°2, 1979
(3) Yasujirô Ozu, « Pour parler de mes films », Positif, n°203, février 1978
(4) Nous traduisons de l’anglais et avons fait le choix d’utiliser en français le tutoiement, le réalisateur Ozu parlant à son assistant plus jeune que lui. Cette citation provient d’une discussion de Donald Richie avec Masahiro Shinoda, il n’existe pas de version japonaise permettant de savoir quelle a été la forme utilisée à l’origine.
(5) Notamment les fondus. A l’époque d’Ozu, les fondus se faisaient durant le tournage et non par un simple clic dans un logiciel vidéo (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondu).
(6) Alain Bergala, « L’homme qui se lève », Cahiers du cinéma, n°311, mai 1980
(7) Abé Mark Nornes, « The Riddle of the Vase: Ozu Yasujirô’s Late Spring », 2007
(8) Le slow cinéma est un genre du cinéma d’art et d’essai qui privilégie les prises longues. Il est minimaliste, contemplatif, et ne comporte que peu voire pas d'intrigue (https://en.wikipedia.org/wiki/Slow_cinema).
(9) サウンド版, terme japonais utilisé pour désigner les films sonores sans dialogue, ayant uniquement de la musique et des effets sonores (Joo,2018, p.63).
(10) https://www.cineclubdecaen.com/analyse/raccordetfauxraccord.htm
(11) Le cinéma japonais de ses origines à nos jours - 2ème partie - La Cinémathèque française, 1984
(12) Ozu ou l'anti-cinéma, Kiju Yoshida, Institut Lumière/Actes Sud, 2004
(13) Reorienting Ozu: A Master and His Influence, Jinhee Choi, 2018
(14) Ozu and the Poetics of Cinema, David Bordwell, 1988
(15) Témoignages sur l'art de Yasujiro Ozu, Tadao Satô, 1979
(16) dans « Space and Narrative in the Films of Ozu », 1976
(17) Yasujirô Ozu, « Pour parler de mes films », Positif, n°203, février 1978
(18) Comme toujours chez Ozu, il y a des exceptions. Par exemple, il a toujours critiqué les scènes d’agonie à l’hôpital, fortement appréciées par son producteur Shirô Kido, mais s’est résolu à en tourner une assez dramatique dans Il était un père.

Bibliographie

Bergala, Alain, « L’homme qui se lève », Cahiers du cinéma, n°311, mai 1980, p.25-30.
Berta, Renato, « A la recherche du regard : Entretien avec Yuharu Atsuta », Cahiers du cinéma, n°378, décembre 1985, p.42-47.
Beth, Suzanne, L'impuissance du cinéma – Une étude des films d'Ozu, coll. « Formes cinématographiques », Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2018, 278 p.
Bordwell, David, Ozu and the Poetics of Cinema, Princeton : Princeton University Press, 1988, 406 p.
Burch, Noël, Pour un observateur lointain – Forme et signification dans le cinéma japonais, coll. « Cahiers du Cinéma/Gallimard », Paris : Gallimard, 1982 (1979), 392 p.
Choi, Jinhee (dir.), Reorienting Ozu: A Master and His Influence, New York – Oxford University Press, 2018, 312 p.
Geist, Kathe, « Narrative Strategies in Ozu’s Late Films » dans Arthur Nolletti Jr. et David Desser (dir.),  Reframing Japanese Cinema – Authorship, Genre, History, Bloomington & Indianapolis : Indiana University Press, 1992, p.91-111.
Hasumi, Shiguéhiko, Yasujirô Ozu, Paris : Editions de l’Etoile/Cahiers du cinema, 1998 (1983), 238 p.
Hasumi, Shiguéhiko, « Interview de Yûharu Atsuta par Shiguéhiko Hasumi » dans Le cinéma japonais de ses origines à nos jours - 2ème partie : Divers aspects du cinéma japonais (1970-1984), Paris : La Cinémathèque française, 1984, p.79-85.
Ishibashi, Kiyomi, « Ainsi parlait Yuharu Atsuta », Cinéma, n° 2, automne 2001, p.98-104.
Joo, Woojeong, The Cinema of Ozu Yasujirô: Histories of the Everyday, coll. « Edinburgh Studies in East Asian Film », Edinburgh : Edinburgh University Press, 2018 (2017), 276 p.
Iida, Shinbi et Akira Iwasaki, « Entretien avec Yasujirô Ozu », Positif, n°214, janvier 1979, p.39-40.
Nornes, Abé Mark, « The Riddle of the Vase: Ozu Yasujirô’s Late Spring » dans Alastair Phillips et Julian Stringer (dir.), Japanese Cinema: Texts and Contexts, New York: Routledge, 2007, p.78-89.
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Richie, Donald, Ozu, Berkeley: University of California Press, 1977 (1974), 275 p.
Richie, Donald, « The Inn Sequence from Ozu’s Late Autumn » dans Arthur Nolletti Jr. et David Desser (dir.),  Reframing Japanese Cinema – Authorship, Genre, History, Bloomington & Indianapolis : Indiana University Press, 1992, p.112-125.
Ryû, Chishû, « Yasujirô Ozu », Positif, n°203, février 1978, p.17-25.
Satô, Tadao, « Témoignages sur l'art de Yasujiro Ozu », Cinejap, n°2, 1979, p.16-27.
Schrader, Paul, Transcendental Style in Film: Ozu, Bresson, Dreyer, Oakland : University of California Press, 2018 (1972), 218 p.
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Yoshida, Kiju, Ozu ou l'anti-cinéma, Lyon : Institut Lumière, Arles : Actes Sud, Issy-les-Moulineaux, 2004 (1998), 257 p.

Filmographie

Wenders, Wim, Tokyo-ga, 1985.
Inoue, Kazuo, J’ai vécu mais…, 1983

Yasujirô Ozu sur DVDClassik

Par Jérémie de Albuquerque - le 20 février 2020