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Livres

Bogart - biographie

un livre de A-M Sperber et Eric Lax

Editeur  : Belfond
Broché
Paru le : 11 septembre 1997
Nb. de pages : 590 pages

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Analyse et Critique

 En 57 ans et avec 76 rôles à son actif, Bogart a marqué l’histoire du cinéma. Au-delà de cette notoriété artistique incontestable, celui qu’on surnomma "Bogey" est devenu une icône de la culture américaine. Pour écrire sa biographie, deux auteurs se sont succédés et ont conjugué leur passion pour aboutir à ce livre-fleuve publié en 1999. Après avoir fouillé dans leurs moindres détails les archives de la Warner, interviewé pas moins de 200 personnes, les auteurs ont donné naissance à cette biographie unique et complète de l’acteur. Le résultat de ce travail de titan tient dans un récit de près de 600 pages pendant lequel A-M Sperber et Eric Lax racontent de façon linéaire la vie du comédien. Mais derrière ce pavé écrit sans aucune fulgurance de style – on est loin ici de la plume d’un Nick Tosches – le lecteur dévorera l’histoire de Bogart pendant des heures de lecture passionnée.

Si le talent du comédien a été maintes fois célébré (et d’autant plus depuis sa mort) on en oublie souvent à quel point l’homme était fascinant. Bien sûr, il y a ses interprétations pour la plupart inoubliables (il suffit de lire sa filmographie pour s’en convaincre), mais Bogart était avant tout un homme passionné par la vie dont il commença à jouir à partir de l’adolescence. Elevé dans l’état de New York, le jeune Humphrey est entouré de richesse mais dépourvu d’amour. Son père, médecin, et sa mère, illustratrice de renom, cachent leurs disputes et leur dépendance aux narcotiques derrière la façade d’une honorable demeure Victorienne. Témoin de cette sombre mascarade, "Bogey" et ses deux sœurs sont laissés aux mains de domestiques indifférents et vivent une enfance confortable, certes, mais dénuée de sentiments. Dans ce monde où les apparences écrasent tout, Bogart joue déjà au dur : auprès de camarades de classe qui le rejettent pour ses attitudes maniérées et son physique chétif, jusqu’à ses parents qui ne lui accordent aucune considération, le jeune Humphrey endosse son premier rôle de "tough guy" et prépare, inconsciemment, son entrée dans ce monde d’illusion qu’est le cinéma. L’adolescence se terminant, les traits de "Bogey" s’affinent et son charme commence à opérer. Après avoir quitté la demeure familiale, sa carrière de comédien débute dans une troupe de théâtre amateur ; il y découvre l’amitié, l’amour, la fête… A partir de cette période il dévorera la vie à pleines dents et tentera éperdument de rattraper le temps perdu. Mais au delà de cette soif de vivre, Bogart est un homme empreint de tendresse et de compassion. Ce caractère qui tranche franchement avec l’image qu’il dégage dans ses films est longuement décrit dans l’ouvrage de A-M Sperber et Eric Lax.

Ceux qui voyaient en "Bogey" un dur à cuire découvrent, au fil des pages, un personnage conscient des problèmes de son pays et convaincu que chacun peut participer au bonheur d’autrui. Patriote, il s’engage dans l’armée en 1918 (il soutiendra à nouveau les troupes entre 1939 et 1945), ne participe pas aux combats mais aide les soldats à rentrer en Amérique. Par la suite, il démarre une carrière artistique tout en défendant ses idées avec passion. Scandalisé par les agissements de la commission McCarthy et sa maudite liste noire, il participe au mouvement pour le premier amendement et va protester à Washington contre la comparution des 10. Les ravages de la guerre, la censure et l’absence de progrès social l’incitent également à apporter son soutien aux démocrates. Il apparaît alors dans des shows télévisés destinés à soutenir ces candidats et s’engage dans des meetings de lutte contre le racisme …

Ce portrait de l’homme, trop souvent caché par l’imagerie que véhicule la culture populaire est le centre d’intérêt du récit des auteurs et c’est en cela que A-M Sperber et Eric Lax tranchent avec les biographies classiques et sans saveur. On pourra évidemment leur reprocher de dresser un tableau idyllique de la vie de Bogart : en oubliant de raconter les frasques et caprices de Bogey lors de certains tournages (avec Walsh notamment), ils cachent cette face d’ombre qui aurait pu agacer certains lecteurs. Mais chacun le sait sur DvdClassik : "Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende". (1)

(1) L’homme qui tua Liberty Valance (The man who shot Liberty Valance, John Ford)

Par François-Olivier Lefèvre - le 23 octobre 2005