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Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 20 mars 14, 16:55
par xave44
Demi-Lune a écrit :Un flic (1972)

Je ne vois pas comment appeler ça autrement qu'un crash. Jean-Pierre, merde, comment t'as pu rater à ce point ?
Rien ne prépare d'ailleurs à cet échec avec ce début inspiré, où le déchaînement des éléments et l'ancrage fantomatique de cette banque donne de suite une belle ambiance. L'image où la voiture de Delon traverse les Champs-Élysées qui s'allument sur son passage est pas mal aussi. Mais alors pour le reste, c'est simple, il faut avoir bien de l'indulgence pour ne pas voir en Un flic une parodie du style melvillien. Le minimalisme de l'écriture, qui sublimait jadis par sa force morale et son émotion latente l'histoire, tend ici purement à la caricature avec ces personnages raides comme des pantins et incompréhensibles (comment avoir de l'empathie pour un Delon manifestement las lorsque tout lorgne vers l'abstraction ? qu'est-ce que vient foutre Deneuve là-dedans ?), ces non-dits qui deviennent involontairement comiques (la scène au bar où Delon, Deneuve et Crenna se regardent tous à tour de rôle sans rien dire en buvant leur verre) ou ces aphorismes sortis de nulle part ("Dans le fond, les deux seuls sentiments que l'homme aie jamais été capable d'inspirer à un policier sont l'ambiguïté et la dérision"). Pour un cinéaste aussi rigoureux que Melville, un tel renoncement est inexplicable. Le pompon avec cette séquence nanardesque en diable des maquettes de train et d'hélico.
J'éprouve un sentiment ambivalent à l'égard de cet ultime film de l'homme au chapeau de cowboy.
Et la nouvelle vision d'hier soir n'y change rien.
C'est évident que les défauts sont nombreux, à commencer par cette fameuse séquence du braquage du train et l'utilisation de maquettes ridicules.
Et puis plusieurs scènes auraient pu être raccourcies.
Cela dit, si ce n'est pas un chef d’œuvre, je pense qu'il faudrait peu de choses pour qu'il en soit un.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 23 sept. 14, 16:46
par Kevin95
C'est toujours compliqué de reconnaitre un faux pas de la part d'un cinéaste que l'on adule (notamment si sa filmographie comporte peu de titres) et pourtant Quand tu liras cette lettre n'est pas ce que l'on pourrait nommer une réussite.
Dès les premières minutes, on sent que Melville est loin de son univers et que le mélo qu'il mets en scène va aligner sans trop d'originalités quelques passages obligés liés au genre. Outre le rythme trainant et des dialogues rois (et très littéraires), ce qui m'a le plus gêné c'est le peu de profondeur des personnages : Juliette Gréco y est rigide et distante tandis que Philippe Lemaire y joue les fanfarons jusqu'à l’insupportable (qui plus est, ces deux comédiens ont un jeu trop théâtral pour aider à la crédibilité du récit). A croire que le metteur en scène n'éprouve pas une grande sympathie pour eux et qu'il les laisse évoluer sans trop s'en soucier. Si bien que, quand après une heure et quart de film, l'intrigue commence (enfin) à démarrer (et à se détacher du mélo pour se rediriger vers le film noir), le spectateur s'en moque tant il ne porte pas (lui aussi) ces personnages en affection.

Le film n'est pas un ratage absolu (quelques beaux passages restent comme l’errance d'une fille bafouée ou encore le final) mais un exercice de style peu concluant pour un Melville qui d'ailleurs est très critique (dans le livre d'entretiens avec Rui Nogueira) envers ledit film (et je ne saurai le contredire). Un mot aussi pour préciser combien la musique y est insupportable (un gimmick musical martelé toutes les deux minutes jusqu'à l'overdose).

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 06:22
par Jeremy Fox
Deux Hommes dans Manhattan par Olivier Bitoun à l'occasion de la sortie du film en Bluray chez Gaumont. Par la même occasion, notre Top Melville.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 16:44
par Hitchcock
Jeremy Fox a écrit :Par la même occasion, notre Top Melville.
Tu n'as pas donné ton top Jeremy ?

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 17:32
par Jeremy Fox
Hitchcock a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Par la même occasion, notre Top Melville.
Tu n'as pas donné ton top Jeremy ?

Pas spécialement fan et la plupart des films pas revus depuis une éternité. :oops: Pas assez connaisseur pour faire un top 10. J'aime beaucoup néanmoins Le Samouraï et Le deuxième souffle

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 17:51
par Strum
Jeremy Fox a écrit :Pas spécialement fan et la plupart des films pas revus depuis une éternité. :oops: Pas assez connaisseur pour faire un top 10. J'aime beaucoup néanmoins Le Samouraï et Le deuxième souffle
A l'occasion, revois quand même L'Armée des Ombres. Pour moi, Melville, c'est un chef-d'oeuvre, L'Armée des Ombres, et deux grands films, Le Cercle Rouge et Le Samouraï. Trois films qui tiennent par la mise en scène, à moins que ce ne soit la mise en scène (du destin) qui tienne ces films et ses personnages dans sa main. Le reste, pour ce que j'en ai vu, me parait moins impérissable.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 18:02
par Jeremy Fox
Strum a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Pas spécialement fan et la plupart des films pas revus depuis une éternité. :oops: Pas assez connaisseur pour faire un top 10. J'aime beaucoup néanmoins Le Samouraï et Le deuxième souffle
A l'occasion, revois quand même L'Armée des Ombres. Pour moi, Melville, c'est un chef-d'oeuvre, L'Armée des Ombres, et deux grands films, Le Cercle Rouge et Le Samouraï. Trois films qui tiennent par la mise en scène, à moins que ce ne soit la mise en scène (du destin) qui tienne ces films et ses personnages dans sa main. Le reste, pour ce que j'en ai vu, me parait moins impérissable.
J'ai l'armée des ombres : je le verrais un de ces jours.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 19:14
par Demi-Lune
Strum a écrit :Le reste, pour ce que j'en ai vu, me parait moins impérissable.
Le silence de la mer est un chef-d’œuvre. Je ne comprends pas pourquoi on l'oublie à chaque fois.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 17 nov. 14, 19:22
par Père Jules
Image

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 18 nov. 14, 11:07
par Strum
Demi-Lune a écrit :Le silence de la mer est un chef-d’œuvre. Je ne comprends pas pourquoi on l'oublie à chaque fois.
Je n'ai pas vu celui-ci, il faudra que je rattrape cela.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 18 nov. 14, 11:50
par Rick Blaine
Strum a écrit :
Demi-Lune a écrit :Le silence de la mer est un chef-d’œuvre. Je ne comprends pas pourquoi on l'oublie à chaque fois.
Je n'ai pas vu celui-ci, il faudra que je rattrape cela.
Ah oui, c'est une grande réussite.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 18 nov. 14, 12:11
par Watkinssien
Demi-Lune a écrit :
Strum a écrit :Le reste, pour ce que j'en ai vu, me parait moins impérissable.
Le silence de la mer est un chef-d’œuvre. Je ne comprends pas pourquoi on l'oublie à chaque fois.
Chef-d'oeuvre, je ne pense pas, mais très belle réussite, c'est sûr. Le premier grand film de Melville !

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 11 mai 15, 05:57
par Jeremy Fox
La rédac profite de la réédition au cinéma ce mercredi de quatre de ses films en copies neuves et de la sortie en Blu-ray de L'Armée des ombres pour consacrer une semaine spéciale au grand Jean-Pierre Melville. On débute avec Le Doulos critiqué par Olivier Bitoun. Le test du DVD Studio Canal.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 11 mai 15, 14:30
par Edouard
Demi-Lune a écrit :Un flic (1972)

Je ne vois pas comment appeler ça autrement qu'un crash. Jean-Pierre, merde, comment t'as pu rater à ce point ?
Rien ne prépare d'ailleurs à cet échec avec ce début inspiré, où le déchaînement des éléments et l'ancrage fantomatique de cette banque donne de suite une belle ambiance. L'image où la voiture de Delon traverse les Champs-Élysées qui s'allument sur son passage est pas mal aussi. Mais alors pour le reste, c'est simple, il faut avoir bien de l'indulgence pour ne pas voir en Un flic une parodie du style melvillien. Le minimalisme de l'écriture, qui sublimait jadis par sa force morale et son émotion latente l'histoire, tend ici purement à la caricature avec ces personnages raides comme des pantins et incompréhensibles (comment avoir de l'empathie pour un Delon manifestement las lorsque tout lorgne vers l'abstraction ? qu'est-ce que vient foutre Deneuve là-dedans ?), ces non-dits qui deviennent involontairement comiques (la scène au bar où Delon, Deneuve et Crenna se regardent tous à tour de rôle sans rien dire en buvant leur verre) ou ces aphorismes sortis de nulle part ("Dans le fond, les deux seuls sentiments que l'homme aie jamais été capable d'inspirer à un policier sont l'ambiguïté et la dérision"). Pour un cinéaste aussi rigoureux que Melville, un tel renoncement est inexplicable. Le pompon avec cette séquence nanardesque en diable des maquettes de train et d'hélico.
J'ai beaucoup apprécié Un Flic. Certes ce n'est pas le meilleur Melville mais je l'ai trouvé excellent et se démarquant sensiblement des films de cette époque. Malgré un unique visionnage, je m'en souviens encore car je l'ai trouvé à part, singulier.

S'il y a un point où je ne peux te contester c'est concernant la séquence risible du train et de hélico. Mais pour moi, c'est pire que nanar: elle gâche littéralement le film. Pourquoi Melville a souhaité ce plan ? Il n'apporte pas grand chose; le bruit de l'hélico aurait suffit. Autant ne pas l'inclure car même pour l'époque ce trucage faisait minable.

Pour le reste, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une parodie mais d'une l'esthétisation à outrance, comme si Melville avait poussé tous les curseurs de ces précédentes expérimentations cinématographiques au maximum. Ce Un Flic clôt, pour moi, une trilogie composée de Le Samouraï et de Le Cercle rouge.
Trilogie tant sur la forme (couleurs froides, séquences muettes, présence de Delon...) que sur le fond (film policier, personnages d'hommes seuls, taciturnes...).

Je le considère comme le film le plus épuré de son auteur qui se vit presque comme une expérience sensorielle (cf la magnifique séquence du début) et dont l'histoire n'est que secondaire, presque comme si elle importait peu. Elle aussi est réduite de la manière la plus simple qu'il soit.

Je mettrai ce film en parallèle avec Miami Vice de Michael Mann (film ayant lui aussi suscité un certain rejet y compris parmi les fans de Mann), réalisateur proche de Melville sur bien des plans qui sont leur film le plus radical, celui de la stylisation à l'excès de leur seconde période visuelle.

Re: Jean-Pierre Melville (1917-1973)

Publié : 11 mai 15, 17:18
par Federico
Un flic n'est certainement pas le meilleur Melville mais j'ai plus de plaisir à le revoir que Le doulos, par exemple (bien que ce dernier contienne l'une de mes répliques favorites).
Et si j'osais... ben allez, j'ose : je trouve que Belmondo, pourtant si remarquable ailleurs à la même époque n'a jamais vraiment collé à l'univers melvillien. je ne saurais même pas expliquer précisément en quoi. Juste la sensation d'une rencontre inaboutie voire ratée. Peut-être parce que l'un se prenait trop au sérieux et l'autre avait le tempérament - et/ou donnait l'impression d'être - bien plus naturellement enclin à la dérision, le second degré et la rigolade (ce dont on ne saura jamais taxer ni Delon, ni Ventura).
OK, on pourra me citer (à raison en plus) les contre-exemples de Paul Meurisse et de Bourvil... :?