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Critique de film

Analyse et critique

En réaction aux évènements d'automne 1978 [Baader, Scheier], un collectif de réalisateurs [dont Schlondorff et Alexander Kluge] met en chantier un film à sketches, organisé autour de l'enterrement filmé des terroristes et Scheier. La copie rendue par Fassbinder est passionnante, intime et collective comme jamais : RWF s'y met en scène dans son propre rôle. Il rumine, travaille sur le téléfilm-fleuve Berlin Alexanderplatz, prend de la coke, se dispute avec son amant Armin Meier, se ballade bite à l'air dans l'appartement. On le voit réagir de manière épidermique, pathologique aux évènements d'automne et on comprend qu'il a la trouille, la peur de la peur : son cauchemar d'une Allemagne à nouveau fascisée semble se réaliser. Dès lors, le Fassbinder qu'on entend ici marmonner sur l'artificialité du mariage semble uniquement mû par l'énergie du désespoir.

Son autoportrait ici en rebelle vaguement salaud peut paraître complaisant, en particulier dans son opposition bien balisée contre Armin Meier, vox populi de l'Allemagne [en gros, "Il faut buter les terroristes"] et surtout contre sa mère, avec qui on le voit débattre de la démocratie. Fassbinder la pousse dans ses retranchements lorsqu'elle admet, en bonne démocrate ayant vécue sous le nazisme, que dans des "moments particuliers, il faut aller au-delà de la démocratie" [pour justifier la Raison d'Etat liquidant les terroristes]. Ces scènes de cuisine - où est la limite entre la rage froide et la mise en scène ? - sont les plus impressionnantes de ce Vis ma vie plus vrai que nature. On comprend ce que sa mère Liselotte Elder, souvent employée dans de brefs rôles antipathiques dans ses films, représente pour RWF : cette Allemagne qui s'est successivement jetée dans les bras du nazisme et de la démocratie sans trop comprendre pourquoi. Une étreinte - encore - vient brièvement illuminer ce sketch, légèreté dérisoire mais intense sur beaucoup de plomb.

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La fiche IMDb du film

Par Leo Soesanto - le 25 mars 2005