Au générique des films arrivés premiers de nos classements en 2011 (The Tree of life), en 2012 (Take Shelter) et en 2013 (Zero Dark Thirty), Jessica Chastain a bien failli, cette année encore, occuper le haut de notre hiérarchie. C'était sans compter sur Scarlett Johansson, incontestablement la femme de l'année à nos yeux, qu'elle soit une silhouette sans nom pour Jonathan Glazer ou une voix sans corps pour Spike Jonze (on pourrait ajouter le carton au box-office international de Lucy, succès auquel nous demeurons néanmoins extrêmement peu sensibles...). Mais aborder le récapitulatif de l'année 2014 par le prisme des actrices (et quelles actrices) n'est - vous allez pouvoir le constater - pas tout à fait anodin, tant ce que nous avons retenu de cette année s'incarne très souvent à l'écran par le biais de figures féminines fortes, de l'innocence malmenée de "Pousse-de-Bambou" (Le Conte de la Princesse Kaguya) à la séduisante obstination de Madeleine (Adèle Haenel dans Les Combattants), de l'intelligence retorse d'Amazing Amy (Rosamund Pike dans Gone Girl) à la fébrile opiniâtreté de Sandra (Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit)...
Mais à la lecture de notre podium, une autre résonance, plus inattendue, se crée en regardant vers le ciel : tapi dans le coeur de ces trois films, le dialogue interstellaire ne s'y opère plus seulement dans le registre de la conquête ou de l'exploration, mais dans celui de l'apprentissage et de la (re)découverte des sentiments. Faire dialoguer l'infini et l'intime, ce n'est pas la moindre des prouesses accomplies par ces oeuvres, qui témoignent chacune à leur manière de la puissance sans cesse renouvelée du médium cinématographique. Il ne nous reste donc plus qu'à vous souhaiter de bons voyages !
Le classement de la rédaction
1. Under the skin (Jonathan Glazer)
65 points
Comme ces hommes séduits sur le bord des routes écossaises,
le spectateur qui suivra l'envoûtante Scarlett Johansson
dans cet étrange voyage, sensuel et spirituel à la fois,
risque d'être à jamais obsédé par la puissance de ses images
et le vertige de ses thématiques...
Une expérience de cinéma unique cette année.
2. Interstellar (Christopher Nolan)
52 points
Difficile de ne pas être admiratif
devant, à la fois, la complexité narrative et l'ambition formelle
du cinéma de Christopher Nolan, qui, à l'autre bout de l'univers,
semble découvrir une force émotionnelle qui lui manquait parfois jusque là.
Inutile de se prêter au jeu vain des comparaisons : Nolan fait avant tout du Nolan,
mais c'est de plus en plus une garantie.
3. Le Conte de la princesse Kaguya (Isao Takahata)
49 points
Le "vieux" maître Takahata aura mis des années
pour parvenir à adapter ce conte traditionnel.
Le résultat, porté par la grâce infinie du dessin,
la virtuosité de la narration, et un sentiment de profonde mélancolie,
est probablement sa plus bouleversante réussite.
4. Gone Girl (David Fincher)
45 points
Aussi à l'aise dans l'élaboration d'un suspense obsédant
que dans la férocité d'une satire bousculant bien des apparences,
le virtuose David Fincher livre peut-être le film le plus - simultanément -
angoissant et réjouissant de l'année.
Nul doute qu'Amy la garce marquera durablement l'inconscient collectif cinéphile !
5 ex-aequo. Deux jours, une nuit (Jean-Pierre et Luc Dardenne)
39 points
Le "style Dardenne" fait une nouvelle fois mouche
dans ce récit de "suspense social" qui suit, un week-end durant,
une figure de jeune femme opiniâtre
incarnée à la perfection par Marion Cotillard.
Un film cinématographiquement et humainement exemplaire.
5 ex-aequo. The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson)
39 points
L'univers loufoque et bariolé de Wes Anderson s'enrichit ici
d'une narration à tiroirs, particulièrement enlevée,
qui entremêle la petite et la grande histoire,
et stimule les neurones autant que les pupilles.
7. Her (Spike Jonze)
31 points
A partir d'un postulat anticipatif aussi a priori improbable que profondément pertinent,
Spike Jonze livre une fable moderne à la mélancolie diffuse,
qui nous alarme et nous émeut dans le même élan.
8. Les Combattants (Thomas Cailley)
30 points
Pour une fois mal représenté dans notre bilan annuel,
le cinéma français nous aura pourtant offert une vivifiante découverte
à travers ce premier film qui mêle les registres et les atmosphères
avec une énergie et une envie de cinéma pour le moins irrésistibles.
9. Le Vent se lève (Haya Miyazaki)
30 points
L'ultime film d'Hayao Miyazaki est peut-être aussi l'un de ses plus personnels,
et ses nombreuses résonances autobiographiques achèvent de faire
de cette oeuvre complexe et tourmentée l'une de ses plus émouvantes.
10. ex-aequo Boyhood (Richard Linklater)
29 points
Avec ce sens de la narration singulière qui le caractérise,
Richard Linklater scrute subtilement les soubresauts d'une décennie américaine mouvementée.
Ce qui n'aurait pu être qu'exercice de style devient alors
une intimiste et émouvante réflexion sur le temps qui passe...
10. ex-aequo Winter Sleep (Nuri Bilge Ceylan)
29 points
Oeuvre magistrale et imposante, la Palme d'Or Cannoise parvient,
durant plus de 3 heures, à maintenir une tension sourde souvent insoutenable,
reposant sur la force de ses dialogues, de ses enjeux dramatiques mais aussi de son regard.
LES CLASSEMENTS INDIVIDUELS
1. Interstellar |
1. Under the Skin |
1. Her |
1. Le Conte de la Princesse Kaguya |
1. Deux jours, une nuit |
1. P'tit Quinquin |