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Test dvd
Image de la jaquette

Salo ou les 120 journées de Sodome

DVD - Région 2
Carlotta
Parution : 24 octobre 2002

Image

Le dvd édité par Carlotta Films est présenté dans un fourreau en carton noir et blanc proposant l’image principale du couple en noir et blanc. Une fois déballé, c’est l’affiche originale du film qui est présentée sur un simple dvd. L’édition est collector et numérotée (donc limitée). Elle propose quelques extraits de textes issus de différentes critiques de journaux et propose un rapide résumé de l’histoire.
Carlotta a fourni un travail exemplaire que ce soit sur le plan du design tout à fait sobre ou en terme de contenu interactif. L’édition zone 2 a été soignée pour le 80ème anniversaire de Pier Paolo Pasolini qui l’aurait fêté au mois de mars 2002.
D’autres éditions du dvd existent, comme la très connue édition Criterion sortie il y a quelques années. Mais elle est moins complète que celle dont nous disposons aujourd’hui. Quant à la durée du film en lui-même, elle est officiellement de 117 min, mais diffère selon le format Pal et NTSC. Ainsi, on se retrouve avec une version française de 113 mn (sachant qu’il n’existe en plus pas de générique de fin).L’image est au format cinéma 1.66, mais on regrettera une fois de plus qu’elle ne soit pas compatible 16/9. Si le film commence mal avec une multitude de poussières et de points blancs, très visibles sur les plans du ciel formant ainsi quelques moirages, la suite est beaucoup plus heureuse avec une image fine et contrastée, à la compression probante, d’une belle luminosité. A croire parfois que la pellicule a retrouvé ses couleurs d’antan. On notera quelques fourmillement dans les arrières plans mais rien de grave.

Son

Deux formats sonores sont disponibles. Une version dite ‘officielle’ en français, au format dolby digital mono 1.0. Le son est étouffé et ne propose aucune ambiance particulière même au niveau de la musique. Mais il a l’avantage d’avoir été effectué sous la direction de Jean-Claude Biette, décédé il y a quelques mois dans l’indifférence et qui avait fourni un excellent travail de doublage en compagnie de Michel Piccoli, Micheline Boudet et Anouck Ferjac. Etant donné que c’est la langue officielle dans laquelle est supposée se dérouler l’intrigue, on peut conseiller cette piste audio qui apporte une ambiance plus terrifiante encore.
La piste italienne au même format (1.0) est la langue dans laquelle a été tourné le film et dans laquelle la plupart des gens ont découvert le film Elle est plus ample, et se laisse écouter sans saturations particulières du fait d’une piste dépoussiérée. Les intonations sont bien entendues très différentes car la langue est plus musicale. Le film peut se voir sans problème avec cette langue, mais il est préférable de le voir en V.F, la langue dans laquelle le roman a été écrit.

Suppléments

Le soin apporté à la présentation du dvd se retrouve aussi dans l’interactivité du disque. Ainsi les menus sont parmi les plus beaux et inventifs que le support ait généré. Les transitions sont splendides, animées et musicales. On peut accéder à un chapitrage comportant 9 tableaux, le tout divisé comme le film en écrans formant des cercles.

Les bonus se présentent sous la forme principale de documents d’archives. Parmi ceux-ci, on en trouve un très intéressant documentaire  sur le travail de Pasolini :

Salo d’hier à aujourd’hui dure 32 min. Il démarre sur les images de la fin du film, pendant les séances de torture où Pasolini s’entretient avec ses acteurs et ses actrices pour leur montrer ce qu’il attend d’eux. On le voit ensuite à la caméra filmer la séquence. Le tout est entrecoupé d’images prises sur le vif, sur le tournage même. Les images sont en couleurs et en noir et blanc. Le documentaire est sonorisé et sous-titré en français, ce qui permet de mieux comprendre la démarche artistique du réalisateur qui parle du livre, de la politique en général, de l’adaptation qu’il pensait dans un premier temps confier à son collaborateur Sergio Citti avant de finalement s’occuper de son projet en le faisant participer à l’écriture du scénario. Pier Paolo Pasolini semble marqué physiquement par le tournage, il apparaît quelque peu fatigué. D’autres interviews composent ce documentaire dont l’intervention de Hélène Surgère décuple l’intérêt. Celle-ci évoque les conditions de tournage, et se rappelle que l’ambiance sur le plateau était très bonne compte-tenu des horreurs qu’ils étaient en train de tourner, et de l’aspect bon enfant qui régnait entre le réalisateur très attentif à leurs requêtes et les acteurs et actrices se demandant comment jouer telle ou telle scène. Elle souligne qu’il insista pour que les adolescents ne rigolent pas pendant le repas des excréments, devant le caractère indigent de la scène, et qu’il fallait que le tout paraisse réaliste sans tomber dans le grand guignol. Dans un deuxième temps, elle se rappelle la sortie du film et le scandale qui l’accompagna. Elle se remémore les instants douloureux comme la présence de gens d’extrême droite qui voulaient interdire par la force sa projection et menaçaient le réalisateur. Quelques 30 ans après sa sortie, elle s’en rappelle comme si elle l’avait tourné hier, tant l’oeuvre l’a marqué.


On retrouve aussi Jean-Claude Biette qui s’occupa de la partie doublage et qui pose un regard attendri sur Pasolini. Il considère le film aussi important que Nuit et Brouillard d'Alain Resnais et invite les gens à le regarder sans à priori. Un autre intervenant est un collaborateur italien du cinéaste qui parle lui de Salò, de sa sortie, de l’époque dans laquelle baignait l’Italie au milieu des années 70 avec tout ce que cela impliquait de problèmes sociaux et politiques. Son intervention est très pertinente. A la fin du documentaire, Pasolini avoue qu’il sait qu’il est en fin de vie. Quand on lui demande "A qui s’adresse le film" ? il répond avec simplicité "A moi, à nous, à tout le monde". Particulièrement touchant.

La Bande-annonce d’époque est dans un format 1.66 sous-titrée en français et présentée dans une copie plus que moyenne avec un nombre incalculable de griffures et de poussières. Le son montre tout de suite la couleur avec le bruit du tonnerre. Elle annonce les scènes-clés sans renter dans les détails. C’est surtout un document assez rare qui vaut le coup d’œil et présente un intérêt historique non des moindres.

Les photos de plateau ont l’avantage d’être pour la plupart des photos inédites. Elles sont assez nombreuses et permettent de comprendre le rôle important du décor. Les photos sont présentées en noir et blanc et en couleurs. Elles montrent entre autres, Pasolini en train de diriger ses comédiens. Un document très intéressant.

Un autre documentaire est proposé. Il s’agit d’Enfants de Salò, un petit film réalisé en DV d’une durée de 17 min, qui propose à deux réalisateurs et à deux réalisatrices contemporains de s’exprimer sur le film la première fois qu’ils (elles) l’ont vu. Les quatre cinéastes sont français et ont pour nom : Gaspar Noé, Claire Denis, Catherine Breillat et Bertrand Bonnello. Tous et toutes ont été influencés d’une manière ou d’une autre par le cinéaste italien au cours de leurs réalisations personnelles. Gaspar Noé parle du film en premier. Il exprime sa vision par rapport à l’œuvre. Il a un recul suffisant et parle avec franchise d’un film qui l’a marqué par ses audaces visuelles et l’implacable violence des situations. Cinéaste visuel par excellence, il souligne l’inventivité et la trouvaille de la dernière séquence, qu’il assimile à une image mentale qu’on peut facilement retenir. Claire Denis quant à elle a beaucoup plus de mal à en parler, car il l’a sans aucun doute très marqué. Elle parle avec sensibilité de sa sortie et avoue avoir quitté la salle après avoir eu un malaise. Elle finit par dire qu’elle reste très démunie devant l’oeuvre, même si elle l’a présenté deux fois au cours d’une rétrospective en juin 2002. Son témoignage est émouvant. Bertrand Bonnello est jeune et parle plus de Salò en terme d’apport pédagogique qu’en tant qu’œuvre cinématographique. Il évoque sa première vision, ce qu’il ressentit et part dans quelques considérations tout à fait personnelles que l’on est libre de partager ou non. Catherine Breillat enfin parle d’un film qu’il faut être capable de voir sans quoi "on n’a pas vécu son existence". On pourra être agacé par cette propension à généraliser sur son impact ou à parler en termes plutôt péjoratifs de Autant en emporte le vent. Elle intellectualise beaucoup et l’on pourra se retrouver ou non dans son analyse. Au final on retiendra de ces interventions l’envie de faire partager le film et de le faire découvrir à de jeunes générations avec plus ou moins de tact et d’intelligence selon les intervenants. Leur démarche est très louable et même si la durée peut paraître courte par rapport au nombre d’intervenants, il n’en demeure pas moins instructif.


Enfin, le dernier bonus et pas le moins important est le Dossier de presse de l’époque, présenté à côté du dvd. Volumineux, il reprend la présentation du livre et du film, une interview de Pasolini, de nombreuses photos (en noir et blanc) dont certaines très explicites, une explication thématique par le réalisateur, une préface au roman de Sade, la présentation des différents personnages ainsi qu’une chronologie assez exhaustive de la vie de Sade en plus d’une bibliographie de ses principales œuvres, un bref résumé sur la République de Salò qui explique ses fondements et sa chute, le texte de la dernière interview télévisée de Pasolini enregistrée à Paris le 31 Octobre 1975, une bibliographie de Pasolini, un index de ses œuvres, et une fiche signalétique des interprètes. Un document complet riche d’informations sur le film et son tournage qui comporte près de quarante pages.

Sans aucun doute la plus belle et la plus documentée des éditions du film de Pasolini. Une édition dvd qui est un complément à la vision de Salo et permet de comprendre les motivations du cinéaste à réaliser une œuvre aussi fulgurante qui ne laissa et ne laisse encore personne indifférent.

Par Jordan White - le 22 février 2009