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Test dvd
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Pere Portabella - Oeuvres complètes

DVD - Région All
Blaq Out
Parution : 3 décembre 2013

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En juillet 2013, le jury bolognais du Festival Il Cinema Ritrovato a couronné la version espagnole de ce coffret (éditée par Prodimag-Intermedio mais co-supervisée par Blaq Out, l'éditeur du coffret français) comme "meilleur coffret DVD de l'année", probablement pour mettre en avant le courage éditorial de cette publication pour le moins audacieuse, qui aborde un cinéaste a priori confidentiel avec rien moins que le souci de l'exhaustivité.

Le coffret propose ainsi l'intégralité des réalisations du cinéaste espagnol, en 8 DVD classés par ordre chronologique - ou, pour quelques exceptions, thématiques : sur le DVD 1 se trouvent ainsi les deux premières réalisations (premier court + premier long) de Pere Portabella ainsi qu'un court-métrage beaucoup plus tardif, mais qui constitue un hommage au poète Joan Brossa, co-scénariste de ces premiers travaux.

Sur le DVD 2, on trouve des oeuvres très fortement marquées par la contribution du compositeur expérimental Carles Santos, tandis que le DVD 3 offre un panorama des différents moyens formels (du documentaire "classique" à la fantasmagorie symbolique, en passant par le discours poétique) mis en oeuvre par Portebella pour aborder un cinéma éminemment politique.

Le DVD 4, presque entièrement consacré à Joan Miro, évoque les liens étroits qui unissent Portabella à l'art en général, et à la peinture en particulier, notamment dans ses résonances politiques ou historiques. Sur le DVD 5 figure, seul, le film-fleuve de 2h53, Rapport général..., manifeste poético-politique emblématique du travail de Portabella.

Les DVD 6 et 7 reviennent quand à eux sur les oeuvres les plus récentes du cinéaste, avec notamment son dernier long métrage à ce jour, Le Silence avant Bach. L'occasion de constater que, si la forme a parfois changé, l'essentiel des préoccupations politiques ou cinématographiques de Portabella demeurent.

Enfin, le DVD 8 est consacré aux suppléments (voir plus bas)

Compte tenu des origines diverses, de la variété des supports ou des formes (certains films étaient destinés à la distribution en salles, d'autres furent réalisés dans des conditions très amateurs) et de l'ancienneté variable des films, il va de soi que la qualité d'image est pour le moins hétérogène, allant du très médiocre (par exemple pour La Tempête, instable, ou pour Play Back, à l'image fade et abîmée) au très satisfaisant (à peu près tous les films récents, mais aussi Nocturno 29, dans lequel la variété des formes transparaît remarquablement dans une copie propre et contrastée). Cela étant dit, aucun élément rédhibitoire ne nous est apparu susceptible de gâcher la vision.

A noter toutefois qu'aucun film (même le très long Rapport général...) ne bénéficie de chapitrage, obéissant semble-t-il au souhait de Pere Portabella de laisser les films, dans leur intégrité, parler pour eux-mêmes.

Son

Comme nous le mentionnons dans le portrait que nous consacrons au cinéaste, Pere Portabella accorde une importance toute particulière au mixage sonore de ses films, jouant volontiers sur les registres d'ambiances, les contrastes voire les dissonances. Il était donc impératif que les bandes sonores soient à la hauteur de ce travail, et c'est en particulier le cas sur Cuadecuc, Nocturno 29 ou Umbracle, trois longs métrages dont l'essence même provient de leur bande-son. Entres autres passages assez saisissants sur ce registre, citons la séquence de l'entrepôt dans Nocturno 29, durant laquelle Lucia Bose observe la mécanique furieuse d'une machine : le rendu sur le son est alors de toute beauté. Si l'on peut se permettre un tout petit commentaire malicieux, de toute façon, même si les bandes-sons étaient gonflées de souffle ou encore parsemées de saturations, cela aurait en général tendance à s'accorder avec les partitions souvent expérimentales de Carles Santos - lesquelles peuvent à l'occasion s'avérer très pénibles (on pense en particulier à un passage avec des cris dans L'Autre Miro...).

Signalons toutefois que, sur plusieurs films (dont Cuadecuc), nous avons rencontré un souci (inexpliqué) de bande-son muette (pour les éventuels persifleurs, précisons que tout fonctionnait bien sur les autres films du même disque), qui ne s'est finalement résolu qu'en changeant de lecteur...

Suppléments

Tout d'abord, mentionnons la belle et sombre sobriété du coffret, à l'intérieur duquel on retrouve huit boîtiers slim indépendants (et non huit disques à l'intérieur d'un coffret unique).

Comme nous l'avons évoqué plus haut, tous les suppléments figurent sur le DVD 8.

Le premier d'entre eux - et probablement le plus précieux - est une rencontre de 27 minutes avec le très rare Portabella, qui s'est longtemps refusé au jeu du commentaire sur ses propres films, et qui explique ici la constante résonance, dans son cinéma, entre les questions politiques et esthétiques. Il s'attarde notamment de façon très instructive sur les conditions dans lesquelles furent réalisées son film L'Autre Miro, et comment l'artiste se prêta au jeu qu'il lui proposait, ou sur les expérimentations formelles (notamment dans l'utilisation de négatifs son de pellicules Kodak périmées) ayant abouti à la personnalité de certains de ses films.

Le deuxième supplément de choix est une rencontre (en trois parties, pour une durée totale de 37 minutes) avec Jean-Paul Aubert, professeur de cinéma à l'Université de Nice Sophia Antipolis, qui évoque avec une belle érudition le parcours de Portabella, de ses débuts jusqu'à ses derniers films. Trouver les mots justes pour parler d'un cinéma à ce point abstrait est une gageure, et Jean-Paul Aubert la relève assez brillamment. Notons toutefois que le tournage en extérieurs a parfois des travers, et que les bruits de conversation hors-champ, dans la troisième partie notamment, ont tendance à être un peu envahissants.

Enfin, dans un entretien d'environ 17 minutes, le journaliste et historien Jean-Pierre Bouyxou, amateur de cinéma fantastique, revient quant à lui plus spécifiquement sur Cuadecuc, d'abord en évoquant la personnalité de Jess Franco puis, finalement (mais cela n'occupe que les trois dernières minutes), sur la projection cannoise du film, en 1971. Le ton est décontracté et l'intervenant sympathique, mais ce module, un peu moins dense que le précédent, pêche parfois d'un manque de concision.

Par Antoine Royer - le 5 décembre 2013