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Test dvd
Image de la jaquette

Le Joli mai

DVD - Région 2
Arte Vidéo
Parution : 19 novembre 2013

Image et son

Dans le livret accompagnant cette édition, François-Régis Viaud, du groupe Mikros images, décrit les nombreuses difficultés auxquelles se sont confronté son équipe dans le cadre de cette restauration : diversité des sources (certains éléments étaient en 35 mm, d'autres en 16 mm réversible) et de leur état d'usure, existence de différentes versions du film (un remontage intégral des sources numériques a été ainsi nécessaire pour aboutir à la dernière version voulue par Marker et Lhomme), destruction des sources sonores en 35 mm magnétique, re-mixage et re-montage de la plupart des dialogues, etc...

C'est donc un travail assez titanesque (François-Régis Viaud évoque plus de 300 heures rien qu'au nettoyage des poussières) qui a permis d'aboutir à cette version extrêmement homogène, réalisée en collaboration avec Pierre Lhomme, manifestement extrêmement impliqué : malgré les conditions de tournage si particulières, c'est de bout en bout une image extrêmement cohérente qui nous est ainsi proposée, avec une luminosité superbe, et sans dégrainage intempestif (Pierre Lhomme tenait semble-t-il beaucoup à ce point). Quelques traces d'usure ponctuelles (lignes verticales, poussières...) demeurent, extrêmement discrètes toutefois. Si nous devons absolument trouver un bémol à cette édition DVD, ce serait peut-être au niveau de la stabilité de l'image, qui a tendance dans certains plans mobiles à "peigner" un tout petit peu. C'est, malgré cela, une restauration quasi-exemplaire, impression confirmée par le visionnage du film sur grand écran lors de sa ressortie en salles, où la splendeur formelle du film sautait réellement aux yeux.

Un autre petit miracle est à souligner du côté du son : en effet, avec sa prise de son directe (dans un contexte d'expérimentation technique parfois rudimentaire) dans l'une des villes les plus bruyantes au monde, et avec par ailleurs le bruit de fond permanent des caméras particulièrement problématique dans les pièces fermées, on se demande comment les dialogues du film peuvent à ce point ressortir. Evidemment, un moteur ici, ou un bruit de foule là, viennent à l'occasion couvrir ponctuellement une ligne définitivement égarée, mais on a au final le sentiment d'en avoir perdu très peu, et l'équilibre constant entre la voix-off, la partition de Michel Legrand, l'ambiance de la rue et les voix des intervenants tient assez souvent du numéro de funambule. Compte-tenu, redisons-le, des conditions de tournage, cette bande sonore représente probablement exactement (voire un petit peu plus que) ce que l'on pouvait espérer de mieux.

Suppléments

Sur le premier disque figure le film dans sa version de 2h26 remontée par Pierre Lhomme. On peut choisir de visionner le film en continu, ou en extraire l'intermède chanté par Yves Montand. Par ailleurs, le disque propose un choix entre la version française narrée par Yves Montand (et Chris Marker lisant Jean Giraudoux), la version anglaise par Simone Signoret, ou une version française en audio-description.

Sur le deuxième disque, consacré aux suppléments, figurent 3 séquences coupées du film, deux d'entre elles ayant été remontées pour composer des courts métrages indépendants :

Jouer à Paris (27 minutes), réalisé par Catherine Varlin, se propose, comme son nom l'indique, de s'interroger sur la polysémie du verbe jouer, et sur les multiples acceptations (esthétiques, culturelles, sociales...) du jeu dans la capitale parisienne. Des cours d'école aux stades de football, des dancings aux hippodromes, des bowlings aux salles de loterie, ce film explore ainsi mille autres endroits non évoqués, pour des raisons de durée, dans la version réduite du Joli mai.

Plus bref (12 min 25), D'un lointain regard... (réalisé par Jean Ravel en 1964) se présente comme un film plus abstrait, plus libre dans sa forme, et l'accompagnement musical jazzy de Michel Legrand témoigne à sa manière de cette volonté stylistique. Le film, quasiment muet, filme des visages et des silhouettes des passants parisiens, aux profils et aux démarches variés. Seuls quelques vers du poème d'Aragon Les Poètes (... Ce qu'on fait de vous hommes femmes / Ô pierre tendre tôt usée / Et vos apparences brisées / Vous regarder m'arrache l'âme...) accompagnent les images dans les premières minutes.

La dernière séquence coupée (17 minutes environ) n'existe pas en tant que court métrage, mais on y retrouve, par sa variété et la densité des thèmes abordées, le ton propre au Joli mai dans sa version complète, légèreté et gravité mêlées. Entre une salle de théâtre à un cabaret, on y aborde en effet des questions autour de la morale, notamment dans l'usage de la torture en Algérie...

Enfin, un document daté de 1962, commandé par le service de recherche de la R.T.F., propose un exercice de cinéma direct (5 minutes). Des images d'époque, tournées à Marvejols (Lozère), montrent l'ingénieur du son Antoine Bonfanti, Pierre Lhomme ou Etienne Becker au travail,  le tout commenté, en 2013 et avec une grande précision technique, par Pierre Lhomme lui-même.

Par ailleurs, le boîtier du DVD intègre un passionnant livret de 36 pages, réunissant des textes de Chris Marker, Pierre Lhomme ou Thomas Sotinel (du Monde), des extraits d'entretien avec Pierre Lhomme ou Antoine Bonfanti, des commentaires sur la restauration du film ou quelques points de repère, historiques ou culturels, sur l'année 1962.

Par Antoine Royer - le 28 novembre 2013