Menu
Test dvd
Image de la jaquette

La Grande bouffe

DVD - Région 2
Opening
Parution : 28 février 2006

Image

Transfert 16/9 pour un film qui possède une photo laiteuse dans certaines scènes paraissant "voilées" très caractéristiques de choix artistiques propres aux années 70, issus des clichés de David Hamilton mais pas seulement. On retrouve ce visuel ouaté dans les films italiens de la même période et même dans Carrie (1976) de De Palma dans certaines séquences en extérieur (juste avant que Carrie ne fasse tomber le môme de vélo sans oublier bien sûr le final quasi onirique) ou Barry Lyndon (1975) lors de sa séquence d‘ouverture avec le jeu de cartes. La définition est ciselée, mais on regrettera un effet "mire" ressortant dans les arrière-plans, sur les costumes surtout quand ils sont gris ou au détour de quelques panoramiques sur les visages, avec des contours parfois un peu flous. Les couleurs sont en revanche plutôt chaudes, et la compression irréprochable ; lors des gros plans on peut même voir sans mal le grain de peau des acteurs. Une image par moments perfectible, mais ayant bénéficié d’une restauration qui se voit. Sans flatter l’œil non plus mais en ne l’agressant pas d’artefacts ou autres taches désagréables qui peuvent gêner le visionnage.

Son

Parfait mixage sonore privilégiant, et c’est très bien ainsi, les dialogues, retranscrits avec une grande fidélité en stéréo frontale. Quelques ambiances éparses, qui profitent surtout à la musique, composée au piano, mais aucuns effets arrière remarquables, le but étant ailleurs, on ne s’en plaindra donc pas. La VF est la seule piste disponible ce qui est logique. Pas de sous-titres en revanche, ce qui devient de plus en plus énervant, empêchant le film d’être accessible aux sourds ou malentendants. A quand les sous-titres français systématiques quand l’éditeur en possède les droits ? On l’espère en tout cas.

Suppléments

Un joli menu animé et musical nous accueille sur des paroles extraites du film. Les couleurs roses et gris clair sont dans le ton, on se rappellera à cette occasion qu’il était sorti avec des affiches vraiment pas terribles, mais qu’une fois exploité en VHS puis DVD il était sorti dans une édition avec une magnifique jaquette, non reproduite pour l’exploitation vidéo française en DVD qui nous intéresse aujourd’hui, médaillon dressant le couple formé par Marcello Mastroianni et une prostituée dans une bouche pulpeuse derrière lesquels se tenait les plats composés pour les convives, à dominante rose et orange. Un visuel excessif lorgnant vers la surcharge tout à fait à l’image de l’œuvre elle-même.

Les suppléments sont les suivants :

Une introduction (4’) en guise d’apéritif de l’auteur Noël Simsolo, où celui-ci parle en vrac du fondement de l’histoire avec petite anecdote sur le sujet, de la façon dont cette idée saugrenue de bouffe gigantesque est venue en tête à Ferreri, avant de trébucher, mais c’est un détail, sur le mot cérébralité qu’il prononce célébrarité.

Vient ensuite le gros morceau avec La Mort au ventre (48’) : l’analyse des principales thématiques abordées par La Grande bouffe sous forme d’une quasi exégèse tout à fait digeste de l’œuvre par Jean Douchet, qui se livre sur cinquante minutes à cet exercice brillant car accessible pour tous, au contraire de certains travaux universitaires touchant à l’abscons, réservés en somme à un petit cercle d‘initiés. Loin d’être nébuleux, parlant d’une voix non monotone, arrivant à passionner tout du long par ses explications simples voire limpides, le critique impressionne. Nous ne sommes pas ici dans le décorticage plan par plan mais dans l’explication simple, sans paraphrase, sans métaphore vaine. Un document intéressant et vif, que l’on peut écouter en plus de son interprétation personnelle. On pourra y recouper des idées-clé tout en y ajoutant des pistes de lectures additionnelles qu’on peut aussi discuter avec des amis pour enrichir sa vision du film.

Les images du tournage (13’) nous plonge en plein début des années 70 sur le plateau, où Ferreri place ses acteurs avant de les diriger, puis s’adresse à la caméra, parle de son film, de ses envies. Un document d’époque en noir et blanc, image d’une couleur presque charbon, qui vaut pour la simple et bonne raison qu’il permet de retrouver des acteurs au travail, se préparant pour leurs rôles. Il est étonnant de voir le calme de ses derniers, parlant avec un sérieux souvent papal alors que deux secondes après ils s’empiffrent de bouffe ou se jettent à corps perdus dans une partie carrée.

Un peu plus dispensable même si on ne refusera pas le loisir de l’entendre, La revue de presse des critiques de l’époque, cinglantes ou enthousiastes, qui permettent de nous replonger dans le climat qui suivit la sortie du film. Entre l’admiration et l’indignation, les émotions furent très partagées.

Bien plus riche, l’interview de Michel Piccoli dans une salle de cinéma aux sièges de couleur rouge vif, face-caméra, parlant de son rôle, de l’improvisation, de l’entente cordiale qui régnait autour du film, de l’apport de celui-ci dans sa propre vie, de Ferreri l’ami, le cinéaste, le fou génial. Riche en anecdotes, ce portrait nous montre un Piccoli encore lucide (heureux nous sommes pour lui), parfois étincelant d’intelligence par ses propos, un rien nostalgique aussi, on voit briller son œil vif quand il se remémore certaines des pérégrinations qui firent le scandale de ce film-monstre.

On trouve aussi dans cette rubrique les fameuses images de l’INA du scandale cannois, avec les cris manifestes des spectateurs : « Salauds ! », « Et ça gagne du pognon ça, sur le dos du bon prolo ! ». A replacer dans son contexte. 1 minuscule minute c’est trop peu, même si l'on sent la salle en ébullition.

La section se referme sur la Filmographie (de Ferreri et pas des acteurs !) et la Bande-annonce.

Une édition tout à fait enthousiasmante du point de vue de la restauration globale de l’image et du son, qui s’attarde beaucoup sur la personnalité de Marco Ferreri par les suppléments qui lui sont consacrés. On parle davantage des thèmes du film que de son impact sur les générations d’alors et les générations qui suivirent en prenant aussi le film dans la figure. Il manque sans doute des éléments quant à la controverse intense de La Grande bouffe, sa réception, les images d’archives ne suffisant pas à replacer son accueil sur une échéance plus longue, son influence sur le cinéma italien, sur les œuvres qui vinrent après dans la même veine sarcastique. Mais ne rechignons pas devant la seule édition française à ce jour, une initiative de toute façon à souligner, un mérite de plus à l’actif du catalogue d'Opening.

Par Jordan White - le 9 février 2006