La Dernière corvée

Nous aurions aimé affirmer que l'image de ce DVD de La Dernière corvée, enfin disponible en France, fut conforme à nos attentes. Hélas, ce n'est pas vraiment le cas. On commencera par relever les bonnes surprises, à savoir d'abord un nettoyage assez convaincant de la copie, celle-ci d'une propreté satisfaisante ne présentant quasiment aucune scorie (si ce n'est quelques rares rayures blanches). Ensuite les couleurs se révèlent très agréables à l'œil et correspondent parfaitement à la colorimétrie d'époque et aux émulsions utilisées. Enfin la gestion de la luminosité et des contrastes est plutôt correcte, avec des noirs en général bien noirs. Mais là où le bât blesse, c'est dans le traitement de la définition et de la granulosité. Il apparaît évident qu'on a ici trop forcé sur les effets : l'image a été lissée avant d'être passée au Edge Enhancement pour ajouter du détail (cela se remarque bien sur les contours). Ainsi la granulation, très présente à l'écran, ne provient pas du grain chimique mais d'un traitement vidéo hélas bien visible. Quand on ajoute à cela une compression très moyennement réussie - les fourmillements sont très visibles lors des scènes nocturnes -, c'est la déception qui pointe le bout de son nez. Bien sûr, toutes ces observations sont amplifiées par un vidéoprojecteur mais même sur un diffuseur de moins grande taille, qui plus est numérique, le résultat ne sera pas très probant. L'ensemble se laisse néanmoins regarder mais tout cela est bien dommage pour un film de cette importance, jusqu'à présent inédit en DVD chez nous.

La piste mono originale est plutôt claire, centrée bien évidemment sur l'avant mais avec des ambiances bien vivantes et une ouverture sonore appréciable pour la musique malgré les limitations du format. La piste mono française, elle, place un peu les ambiances en retrait - c'était attendu - et privilégie les dialogues. Le doublage français est par ailleurs très correct concernant l'interprétation (bien qu'il soit parfois victime de désynchronisation par rapport à l'image). Les deux bande-son se ressemblent néanmoins peu ou prou avec leur profondeur limitée ; mais le mixage des voix et des ambiances est meilleur sur la version originale qu'il conviendra de préférer. Quant aux sous-titres, ils ne sont pas débrayables, sans doute pour une question de droits. Dommage.

Hal Ashby, un rebelle à Hollywood : entretien avec Peter Biskind, auteur du Nouvel Hollywood. (15 min 38 - 16/9 - DD mono 2.0 - VOST - 2013)
Peter Biskind est le critique et historien du cinéma ayant acquis une célébrité de par le monde grâce à son ouvrage Le Nouvel Hollywood, dans lequel il analysait l'émergence et l'installation provisoire d'une nouvelle génération de réalisateurs, scénaristes et producteurs qui, de la fin des années 60 à la fin des années 70, avaient pris le pouvoir à Hollywood afin d'imposer de nouvelles façons de raconter et de filmer une histoire, plus en phase avec leur cinéphilie et surtout la réalité sociale et politique tourmentée de cette décennie. Si Le Nouvelle Hollywood reste un livre passionnant, une sorte de somme vers laquelle on ne peut s'empêcher de revenir, il n'en est pas moins sujet aux critiques pour ses nombreuses anecdotes "en-dessous de la ceinture" et quelques jugements lapidaires vis-à-vis de certains artistes. Quoi qu'il en soit, l'homme connaît parfaitement son sujet et c'est une bonne idée de la part de Wild Side que de l'avoir convié pour nous présenter La Dernière corvée ainsi que Hal Ashby, son réalisateur si singulier.

Biskind évoque donc la personnalité de Hal Ashby (notamment son aspect physique et vestimentaire lié à ses convictions et à son style de vie) et sa situation professionnelle problématique, son amitié avec Jack Nicholson (la seule star de la production), l'historique du film avec sa mise en chantier difficile, le rôle important du producteur Gerry Ayres, les difficultés rencontrées avec Columbia Pictures (surtout en raison du langage obscène du script, l'un des trois grands scénarios de Robert Towne selon le journaliste), le refus de la marine américaine de coopérer, le casting de Randy Quaid, les caractéristiques propres au Nouvel Hollywood (un tournage en décors naturels avec un style documentaire, une liberté de ton, le refus d'une hiérarchie figée entre artistes), la critique acerbe de l'armée, et enfin la sortie de La Dernière corvée en salles marquée par les nombreuse réticences de la Columbia qui ont entraîné son échec injuste au box-office. Très classique dans sa forme (des extraits du film et plusieurs photos de plateau venant accompagner le discours de Peter Biskind), ce documentaire d'une quinzaine de minutes se révèle néanmoins bien instructif.

Bande-annonce (2 min 52 - 4/3 - DD mono 2.0 - VOST)
Ce film-annonce d'époque présente une luminosité et des contrastes un peu différents de la copie aujourd'hui disponible ; elle est en outre plutôt abîmée avec des poussières, des rayures et des points blancs. Ce qui n'empêche certainement pas sa vision, accompagnée d'une voix off discrète et d'extraits bien choisis qui nous replongent dans l'esprit très seventies.