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Test dvd
Image de la jaquette

La Chasse

DVD - Région 2
Malavida
Parution : 26 mars 2012

Image

La copie proposée par Malavida a été, pour l’essentiel, magnifiquement restaurée. Mises à part quelques rares scories, l’image est d’une grande propreté et la définition des plus précises. Le DVD permet ainsi de goûter pleinement une splendide photographie noir et blanc, en restituant aussi bien ses contrastes marqués lors des séquences en extérieur que ses fines nuances à l’occasion des plans intérieurs et nocturnes.

Son

Là aussi, le DVD s’avère tout à fait satisfaisant. La bande-son a été manifestement nettoyée. Exempte de souffle ou de crachotements, elle reproduit avec clarté tant les dialogues que l’accompagnement musical composé par Erik Løchen. Non seulement cinéaste mais aussi musicien de jazz, c’est en effet à lui que l’on doit les airs de be-bop entendus lors du générique, ou bien encore pendant la séquence du dancing.

Suppléments

À titre de suppléments, Malavida propose d’abord quatre courts-métrages d’Erik Løchen : Citoyens de demain (Borgere av i morgen - 1950 - 15 minutes), Tous les soirs à vingt heures (Hver Kveld Kl. 20 - 1952 - 10 minutes), 15 petites fermes par jour (15 smabruk om dagen - 1967 - 12 minutes), Un sudiste dans le nord (Søring nordover - 1976 - 15 minutes). Mis à part Tous les soirs à vingt heures, à l’image sérieusement éprouvée par le temps et manquant même parfois de lisibilité, ces courts métrages sont présentés dans des versions correctes (15 petites fermes par jour, Un sudistes dans le nord), voire de très belle qualité (Citoyens de demain).

Trois de ces petits films sont des œuvres à tonalité documentaire. Citoyens de demain est consacré à l’enseignement primaire à Oslo. Il s’agit de la toute première mise en scène d’Erik Løchen, révélant déjà une maîtrise certaine de la réalisation. Tous les soirs à vingt heures dresse un portrait synthétique de la scène théâtrale de la capitale norvégienne, en évoquant à la fois les établissements les plus prestigieux - comme le Nationaltheatret - et les cabarets d’Oslo. Quant à Un sudiste dans le nord, il se penche sur l’exploitation touristique du Cap Nord, la pointe la plus septentrionale de la Norvège et du continent européen. Et si 15 petites fermes par jour est un court métrage de fiction, il n’en traite pas moins d’une thématique réaliste puisqu’il retrace l’installation à Oslo d’une famille de paysans norvégiens. En un temps où l’exode rural battait son plein à un point tel que disparaissaient alors en Norvège 15 petites fermes par jour.

Loin d’être anecdotiques, ces courts métrages confirment la cohérence de l’univers d’Erik Løchen : tous témoignant à leur manière de l’attachement du metteur en scène à l’innovation formelle, de même que de ses goûts artistiques ou bien encore de sa posture critique.

Ainsi, dans Citoyens de demain on note déjà un jeu avec la voix-off : le commentaire, jusque-là docte et posé, du narrateur est soudainement émaillé d’un « Oups » lorsqu’un des enfants filmés jette une motte de sable sur l’un de ses petits camarades. Puis la voix-off recouvre son calme, reprenant le cours de son explication comme si de rien n’était. Quant au propos de Citoyens de demain - une défense et illustration de la pédagogie moderne -, celui-ci peut constituer une forme de solution à l’aliénation dénoncé par La Chasse. C’est par une éducation rénovée que l’on permettra aux individualités de s’épanouir pleinement.

Tous les soirs à vingt heures adopte une forme impressionniste, révélant un art solide du montage, pour donner à voir en une dizaine de minutes tout ce qu’Oslo offrait alors en matière de spectacle vivant. L’hommage ainsi rendu au théâtre par Erik Løchen confirme son attachement pour l’art dramatique, forme d’expression artistique dont on retrouve la trace dans La Chasse.

15 petites fermes par jour pousse l’expérimentation cinématographique encore plus loin. Que ce soit en présentant une bande-son uniquement constituée de bruits d’ambiance. Ou en composant des plans quasi abstraits, exploitant la géométrie de l’architecture des années soixante. Cette réalisation avant-gardiste n’en réussit pas moins à rendre le sentiment de déracinement éprouvé par ces ex-paysans, désormais soumis à une aliénante vie urbaine.

Quant à Un sudiste dans le nord, il offre de nouveau l’occasion à Erik Løchen de pratiquer l’art de la distanciation, l’appliquant cette fois-ci au genre du film de voyage, le détournant ainsi avec une ironie réjouissante. Et Un sudiste dans le nord s’impose in fine comme une dénonciation douce-amère de "l’horreur touristique".

À ces bonus audiovisuels s’ajoute un livret de huit pages, rédigé par l’universitaire et historien du cinéma norvégien Gunnar Iversen. Intitulé Le philosophe parmi les cinéastes norvégiens et joliment illustré, il offre une synthèse bio-filmographique tout à fait éclairante sur le réalisateur de La Chasse. Et sa présence achève de faire de cette édition réalisée par Malavida une introduction très réussie à l’œuvre d’un réalisateur aussi exigeant que passionnant.

Par Pierre Charrel - le 7 mai 2012