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Test dvd
Image de la jaquette

L'Enfant miroir

DVD - Région 2
Blaq Out
Parution : 17 novembre 2015

Image

L'Enfant miroir était disponible en import depuis décembre 2009. Ce Blu-ray allemand édité par Intergroove, outre le fait de ne pas proposer de sous-titres, se révélait assez décevant au niveau de la définition. En novembre 2015, Soda Pictures édite pour la première fois le film au Royaume-Uni, là encore en Blu-ray. Une restauration est effectuée pour cette occasion, supervisée par Philip Ridley. C'est visiblement le même matériel qui a été repris par Blaq Out pour la première édition française du film, mais avec un choix économique se portant sur le format DVD.

Une première comparaison s'impose avec le Blu-ray allemand et le DVD Blaq Out. On peut voir de très notables différences entre les deux versions :

comparaison 1 comparaison 2 comparaison 3 comparaison 4  -  comparaison 5  -  comparaison 6

On note une légère différence de cadrage, le DVD Blaq Out étant un peu zoomé par rapport au Blu-ray. Les différences notables visibles ci-dessus viennent du fait que les captures n'ont pas pu être prises exactement au même moment (la faute à un logiciel capricieux) et seuls les comparatifs 2 et 4 permettent vraiment de jauger de ce recadrage, absolument pas gênant. La principale différence tient, on le voit, à la colorimétrie et à la gestion des contrastes. La nouvelle édition propose une image bien plus lumineuse. Là où le Blu-ray souffrait dans ses scènes intérieures de noirs souvent bouchés, le DVD gagne en détails mais la luminosité semble un peu trop poussée et l'image paraît parfois plus plate et manque de profondeur. Par ailleurs, le DVD propose une image plus naturelle, plus chaude et colorée là où le Blu-ray se révélait froid et presque monochrome. D'importantes corrections colorimétriques ont ainsi été apportées, la chemise de Seth devenue bleue dans l'édition allemande retrouvant ainsi son ton grisâtre, les ciels et les champs de blé ressortant de manière encore plus éclatante avec néanmoins cette empreinte réaliste délaissée par la gestion très artificielle dans le Blu-ray. Tout ceci semble conforme aux choix esthétiques de Philip Ridley comme il s'en explique :

Earlier this year I saw something I hadn’t seen for over 20 years. A beast so rare I thought it extinct. I saw The Reflecting Skin looking exactly as it was meant to look (...) Somehow - by some miracle! - all the original elements have been found. Every frame has now been made a scratch-free zone. I sat in the grading room with some of the best technicians in the world and, scene-by-scene, shot-by-shot, guided them through how everything should look (...) So here it is... the exploding frog, the shiniest of Cadillacs, the yellowest of wheat fields, the bluest of skies, the reddest of sunsets, the whole hall-of-mirrors, teeth ‘n’ claws ‘n’ roar caboodle... all looking and sounding exactly as they did when the world was still young.

La copie est en effet impeccable, parfaitement nettoyée. Par contre, on note par moments un lissage trop appuyé de l'image avec une disparition complète du grain argentique. Côté définition, le bât blesse forcément entre le Blu-ray Soda Pictures (vous pouvez découvrir des captures sur DVDBeaver) et la version DVD du film proposée par Blaq Out. Mais si l'on remise nos attentes de Haute Définition et que l'on juge le résultat à l'aune du standard SD, cette édition est dans l'ensemble d'excellente tenue, avec un niveau de détail et des contours satisfaisants. Dans l'ensemble, car plusieurs plans ou séquences manquent cruellement de netteté (comme la première visite de Seth chez Dolphin Blue) sans qu'on ne puisse en expliquer la cause.

Son

Le film est proposé dans sa version originale ou avec son doublage français d'époque. Hormis les nostalgiques purs et durs, on ne conseillera pas cette dernière qui s'avère insupportable, les voix nasillardes des enfants nous donnant l'impression d'être propulsés dans un épisode de Tom Sawyer. Elle souffre également d'un souffle constant et d'un aplanissement des ambiances et de la musique. Cette perte de dynamique, ce son écrasé et étouffé ne rendent absolument pas justice à la formidable bande originale composée par Nick Bicât. La version anglaise offre pour sa part une dynamique et un mixage très satisfaisants. Si les bruitages sont parfois un peu trop mis en avant, la musique s'étale dans la totalité de son ambitus, frôlant presque la saturation dans les aigus mais l'évitant in fine.

Suppléments

L'Enfant miroir est le tout premier titre de la collection Blaq Market de Blaq Out : "Des oeuvres inclassables et déroutantes qui transcendent les styles et les genres, des cinéastes singuliers aux thèmes et à l’identité formelle affirmés. Une collection turbulente pour amateurs de nouveaux horizons, d’étrangetés ou de sensations fortes. " L'éditeur ne pouvait espérer titre collant plus à l'esprit de cette collection et ravir par là même tous ceux qui espéraient depuis l'avènement du DVD qu'il débarque en France ! Avant d'explorer les bonus, il faut déjà saluer le magnifique travail graphique, Blaq Out ayant fait le choix d'une affiche originale signée Emre Orhun (que les fanatiques se rassurent, l'affiche originale est proposée au verso). Magnifique idée que d'avoir fait appel à un illustrateur bien connu des amateurs de livre jeunesse, le parcours d'Orhun rejoignant par là celui de Philip Ridley. Le dessinateur a parfaitement saisi l'univers du cinéaste et s'il fait une proposition très personnelle et graphiquement marquée, celle-ci restitue parfaitement l'atmosphère du film et respecte les influences picturales de Ridley. C'est cette affiche qui est ensuite déclinée dans les différents menus.

Entretien avec Philip Ridley (21 min - VO STF forcés)
Philip Ridley fait remonter l'origine de L'Enfant miroir à une série de collages créée alors qu'il était étudiant à Saint-Martin, une école d'art à Londres. Cette série représentait sa vision de l'Amérique, telle qu'imaginée à travers les films, les romans, les photographies, les peintures, lui-même n'ayant jamais foulé le sol de ce pays fantasmé. Une Amérique où les hommes ressemblent à Elvis et les femmes à Marilyn, où les ciels sont bleus et les champs dorés. Suite à une remarque d'amis, il commence à écrire une histoire à partir de ces collages qui devient le premier scénario de ce qui deviendra son premier long métrage. Ridley explique ensuite comment d'American Gothic, puis d'American Dream, le film en vient finalement à s'appeler The Reflecting Skin, la photo du bébé irradié à Hiroshima et dont la peau semble refléter la lumière devenant le symbole du film. Philip Ridley poursuit ainsi, en détaillant ses choix esthétiques, comment il filme les paysages, introduit les couleurs à l'image, travaille sur l'espace tout en cherchant à donner un sentiment de claustrophobie, filme des paysages dorés et ensoleillés en inscrivant en contrepoint un petit garçon habillé comme s'il revenait d'un enterrement... Ridley joue sur l'exagération et n'a cure du réalisme, le film étant dans son esprit comme les souvenirs d'un adulte psychotique se rappelant son enfance. Il pointe des détails lors cet entretien qui poussent à revoir immédiatement le film, se révèle d'une grande précision et d'une grande clarté sur ses intentions. Ridley a tant à dire, et il le dit si bien, que l'on regrette de ne pas avoir à disposition un commentaire audio (qui existe d'ailleurs dans le Blu-ray Soda).




 

Visiting Mr. Beak (1987 - 20 min16 - VO STF forcés)
"Retrouvé par miracle chez le directeur de la photographie, le reste du matériel étant soit perdu, soit dans un état déplorable, Visiting Mr. Beak a été restauré dans les limites du possible sous la supervision de Philip Ridley" : nous voilà prévenus quant à la qualité technique du court métrage, digne effectivement d'une VHS passée. Un carton, "La Cage de la mémoire", suivi d'un lent panoramique partant du ciel et descendant vers la silhouette d'un enfant : dès les premières secondes, on voit combien la première réalisation de Philip Ridley annonce stylistiquement et thématiquement L'Enfant miroir. La fin de l'enfance, la perte de l'innocence, le regret du temps qui passe, la mémoire comme prison ou refuge, les souvenirs transformés... on retrouve tous ces thèmes traités de manière symbolique ou métaphorique, ce même goût pour une vision fantasmée du monde, pour l'onirisme et l'absurde. Mais à la différence de son premier long métrage, Ridley ancre ce conte initiatique dans un environnement réaliste, celui d'un quartier populaire de Londres, tandis que l'histoire décolle complètement du réel. Avec L'Enfant miroir, il inversera le concept et il est passionnant de voir comment un sujet peut-être traité de manière tout à fait différente par un même artiste qui tourne et tourne encore autour de thèmes qui visiblement l'obsèdent. Tout ceci fait que l'on oublie vite la piètre qualité de l'image pour se plonger dans ce petit film fascinant, qui se suffit en lui-même tant il est original et touchant et qui permet en outre de mieux comprendre l'univers et la démarche de son auteur.



The Universe of Dermot Finn (1989 - 10 min 49 - VO STF forcés)
Pas d'avertissement de l'éditeur sur la qualité d'image de ce second court métrage proposé en bonus, et pourtant qualitativement on est dans la même échelle que Visiting Mr. Beak. Le jeune Dermot va manger dans la famille de sa fiancée. Des rougets crus au menu, une mère qui mâche la nourriture pour ses jeunes jumeaux, les nourrissant comme des oisillons, un bébé enfermé dans une commode : ce repas de famille n'a rien à envier à celui que doit subir Jack Nance dans Eraserhead. Dans un second temps, Dermot entraîne Pearl chez sa mère. Tout est bien en place : l'intérieur coquet, le service à thé, les oiseaux en cage... mais les yeux effrayés de la jeune fille montrent que pour elle cette famille typiquement british est aussi étrange que n'est la sienne pour Dermot. On est loin de l'onirisme mélancolique de Mr. Beak et de Reflecting Skin, Ridley proposant ici une comédie absurde aussi courte que savoureuse. Ce qui permet de rappeler que derrière le tragique de ses longs métrages il y a toujours chez Ridley un humour - certes décalé et étrange - qui permet à ses oeuvres de ne jamais tomber dans le glauque et le misérabilisme.

Par Olivier Bitoun - le 4 décembre 2015