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Test dvd
Image de la jaquette

Haut les mains

DVD - Région 2
Malavida
Parution : 21 mars 2012

Image

Les masters des différentes versions ont été parfaitement nettoyés et l'on ne note plus au final que quelques griffures passagères. Le rendu du noir et blanc est dans l'ensemble réussi. Les contrastes peuvent paraître trop poussés, mais il semble que les blancs brûlés et les noirs uniformes sont des choix esthétiques de la part de Skolimowski. Si c'est bien le cas, le côté tranchant de l'image est bien respecté, tout en conservant une bonne visibilité dans les multiples séquences où les sujets sont plongés dans la nuit. La compression est dans l'ensemble très correcte mais elle se fait toutefois parfois sentir, notamment sur les blancs brûlés où un bruit numérique devient visible.

Son

La bande sonore est très propre et parfaitement mixée. Il convient de rappeler que le film a été entièrement postsynchronisé.

Suppléments

Cette édition de Haut les mains se présente sous la forme d'un double DVD. Une édition élargie qui ne consiste cependant pas en une série des suppléments - aucun n'est ici proposé - mais en la présence de trois versions du film.

Version de 1967 (68 min - noir et blanc)

D'une durée d'1h08, cette version correspond au montage original tel que souhaité par Skolimowski en 1967.

Version de 1981 (76 min - prologue en couleur - film noir et blanc)

Il s'agit ici d'un nouveau montage du film réalisé par Skolimowski en 1981 à l'occasion de sa présentation - après quatorze ans d'interdiction - au Festival de Cannes. Le cinéaste bénéficie alors d'une courte fenêtre d'exposition, le gouvernement communiste desserrant son étreinte pendant quelques mois, le temps que le général Jaruzelski ne vienne étouffer ce vent de liberté incarné par le mouvement Solidarnosc en imposant la loi martiale en décembre 81.

Jerzy Skolimowski trouve que son film a vieilli, que les expérimentations qu'il a faites en 1967 sont maintenant désuètes ou ont été vues mille fois. Il décide de remonter la version originale qui se trouve ainsi ramenée à cinquante minutes. Ce nouveau montage est une réussite, le film devenant plus vif, plus fort, le cinéaste resserrant son discours et évitant quelques digressions qui rendaient la version de 1967 par moments un brin ennuyeuse et répétitive. (1)

D'autre part, un peu à la manière de ce que fera Zulawski pour la ressortie de son Globe d'argent en 1988, il décide d'ajouter un prologue en couleur de vingt-cinq minutes dans l'optique d'actualiser le discours de son film. A travers un collage d'images de Beyrouth (où il vient de tourner Le Faussaire de Volker Schlöndorff), de Londres, de Varsovie et une fiction d'anticipation montrant une insurrection dans un pays indéterminé, Skolimowski exprime ses peurs et ses espoirs quant à l'avenir de la Pologne et évoque la douleur de l'exil, transformant ainsi Haut les mains en « un journal intime du printemps 81. »


Il imagine une armée métaphorique composée de trois cents enfants, voyant dans cette insurrection de la jeunesse l'avenir de son pays. Une insurrection qui se termine dans le sang, Skolimowski anticipant par là la dictature de Jaruzelski. Des gens courent et hurlent, des vitres sont brisées, des amas de corps sont transportés en train, un piano brûle. Une musique stridante et anxiogène - le Kosmogonia de Krzysztof Penderecki - accompagne un travelling sur une ville en ruines, dernière vision de l'horreur avant que l'image ne disparaisse dans un lent fondu au noir. Ce sera ensuite Beyrouth en ruine : partout des déchets, des chiens errants, des rats, des carcasses de chars, des murs criblés d'impacts de balles et d'obus. Skolimowski se met également en scène, rejouant son passage devant le comité de censure à l'époque de Haut les mains, revivant ce drame qui a eu une influence considérable sur sa vie et sa carrière de cinéaste. Sombre, il remercie rétrospectivement ses censeurs pour lui avoir donné une leçon de vie, pour l'avoir privé de son assurance. Tout ce prologue exprime ainsi son désarroi et ses illusions perdues. De la Pologne au Liban en passant par l'imaginaire, tout est corrompu par la guerre et la souffrance.


Skolimowski exprime ses désillusions quant à la marche du monde mais aussi quant à son engagement personnel, à ses choix d'homme et d'artiste. En filmant la maison londonienne qu'il retape (celle-là même où il tournera Travail au noir, film qui lui sera inspiré par la façon dont, sans argent, il a réhabilité cette petite maison avec des camarades polonais exilés comme lui) et son atelier de peintre, il pense à ses amis et à sa famille restés au pays et qu'il a abandonnés alors qu'ils se trouvaient pour beaucoup arrêtés et interrogés par les autorités. Sur le tournage du Faussaire, il parle du fait qu'il travaille maintenant pour l'argent, comme sur ce film où il fait l'acteur pour son ami Schlöndorff.

« Je fais des films. Celui-là a longtemps attendu d'être montré. Le temps a fait son travail. Maintenant, c'est notre tour ? Nous sommes à nouveau vieux. Quand l'essentiel a-t-il commencé à s'éloigner ? Seule une forme indéfinie est restée en mémoire » : en faisant revenir l'ensemble de son casting - à l'exception de Bogumil Kobila décédé en 69 - Skolimowski achève son prologue sur une touche mélancolique, exprimant son désarroi face au temps qui passe, thème central de ses premiers films et de Haut les mains en particulier.

Version de 1981 colorisée (76 min)

On retrouve sur le deuxième DVD la version de 1981 mais avec cette fois-ci le film dans une version colorisée. Celle-ci consiste en l'ajout de filtres (sépia, vert, jaune...) en fonction des séquences et des ambiances.

Livret de 16 pages

Le seul supplément à proprement parler est un livret de 16 pages qui propose un entretien d'époque avec Jerzy Skolimowski paru dans Film Comment et un second entretien datant quant à lui de 2008. Le livret est illustré par de belles photos exclusives issues de la collection privée de Skolimowski.

Dans le premier entretien, Skolimowski est interrogé par six personnes. Il explique sa démarche artistique et lance quelques pistes de réflexion sur son film. On voit que ses réponses sont guidées pour la souhait de présenter son travail à un public new-yorkais qui ne le connaît pas encore, d'où des explications très claires, très simples, presque didactiques. On remarque également dans cet entretien que Skolimowski essaye un peu d'arrondir les angles avec son gouvernement. Son film vient d'être retiré du Festival de Venise mais le cinéaste semble avoir encore l'espoir qu'il puisse être distribué dans son pays et à l'étranger, d'où la prudence avec laquelle il répond à certaines questions.

Le second entretien a été réalisé par Plus Camrimage pour la conception du livre Jerzy Skolimowski (Camerimage Film Festival, 2010). Skolimowski raconte la genèse du film, à savoir la nécessité d'écrire en l'espace d'une nuit un synopsis de 70 pages, le cinéaste ayant reçu un paiement en avance pour l'écriture d'une pièce de théâtre contemporaine et n'ayant pas couché une ligne la veille de la date limite. Selon ses dires, il s'enferme dans une chambre d'hôtel avec Andrzej Kostenko et tout deux écrivent l'histoire de Haut les mains en improvisant sur ce qu'ils entendent des conversations de leurs voisins de palier. Comme cette genèse ressemble quelque peu à celle du Départ, on peut se permettre de douter de la véracité de cette anecdote, Jerzy Skolimowski aimant bien broder et écrire sa propre légende...

Quoi qu'il en soit, Skolimowski ne remporte pas le concours mais se dit que ce script pourrait devenir un film. Il trouve un producteur (Stanislas Wohl du Studio Syrena), rajoute des éléments à la structure de base qui se déroulait uniquement dans le wagon et se lance dans un tournage où chacun des acteurs apporte sa pierre à l'édifice. Le musicien Krzysztof Komeda ou encore Andrzej Wajda passent sur le plateau et lui suggèrent quelques idées, le plateau installé sur un cour de tennis couvert devenant « une sorte de Mecque où tout le monde venait nous voir. » L'entretien aborde ensuite essentiellement la question politique, Skolimowski évoquant cette défiance des jeunes de sa génération vis-à-vis de leurs aînés qui ont mis en place un système de terreur et de répression tout en s'enrichissant. Skolimowski revient ensuite sur la censure de son film, notamment en racontant sa rencontre avec le numéro deux du parti, Kliszka, l'homme qui a ordonné le retrait du film du Festival de Venise et décrété son interdiction de diffusion.

(1) A noter que l'éditeur Malavida propose d'accéder à la lecture de la version de 1967 avec l'ajout sur les séquences retirées par Skolimowski en 1981 de la mention « plan coupé » en haut de l'image.

Par Olivier Bitoun - le 25 juin 2012