
Image
Pathé s'intéresse à son catalogue des années 2000 et au réalisateur Jacques Audiard avec son troisième film, Sur mes lèvres, qui n'était jusqu'alors disponible que dans un DVD... sorti en 2002 ! Il nous aura fallu de la patience, mais elle est largement récompensée puisque le film, restauré en 2024 par le laboratoire TransPerfect Media (ex-Hiventy), sous la supervisions du réalisateur et de son directeur de la photographie Mathieu Vadepied, est présenté dans des conditions quasiment idéales. Les travaux ont été menés à partir du négatif original, ce qui permet une précision diaboliquement efficace, que l'on peut régulièrement admirer lors des très nombreux gros plans, plus que généreux en détails. La patine argentique est respectée, le grain fin texturant idéalement les images, sans souci de filtrage ou de compression maladroite (ici au diapason). Les contrastes sont conformes à un rendu pellicule en salle, à savoir peu denses (on aurait sans doute aimé quelque chose d'un peu plus resserré, vu les nombreux passages sombres/de nuit - mais on chipote). L'étalonnage assume un aspect "bi-goût", entre des tonalités froides (des bleus récurrents), et d'autres plus chaudes, dans un équilibre souvent efficace mais parfois bien marqué dans les rouges. La saturation, plus accentuée que sur le précédent master, n'arrange pas forcément les choses. On remarquera des carnations qui peuvent assez vite glisser vers le magenta, trahissant un léger modernisme qui reste cependant naturel et sans outrances. Cette présentation reste convaincante, et surtout une sacrée amélioration par rapport à la précédente édition en vidéo, comme vous pourrez le constater via le comparatif ci-dessous :
comparatif DVD Pathé (2002) vs. Blu-ray Pathé (2025) :
1 2 3 4 5 6 7 8
Son
Jaques Audiard aux commandes, la piste sonore est forcément subtile. Le niveau de détails est poussé, les prises de son sont au diapason (les modifications en post-synchro ne se distinguent pas). L'ensemble est très équilibré, nuancé et clair. La spatialisation est souvent frontale, mesurée et ponctuelle dans les moments les moins calmes (la boîte de nuit), tout en jouant sur l'aspect enveloppant de la musique. On ne relève aucune trace d'usure, pas de souffle. Une piste cristalline.
Suppléments
Entretiens autour du film (40 min - HD)
Dans ce nouveau supplément, spécialement produit pour cette édition, le critique Philippe Rouyer interroge le réalisateur Jacques Audiard, tandis que Roland-Jean Charna a rencontré le directeur de la photographie (et désormais réalisateur) Mathieu Vadepied, et le co-scénariste Tonino Benacquista. On évoque évidemment la phase d’écriture et la façon dont s’est construit ce polar en "Cendrillon inversé", souvent teinté de comédie. Les auteurs racontent notamment l’affinage des contours de l’héroïne, personnage déprécié, presque invisible, banalisé et éloigné du romanesque (qui viendra ensuite à elle), une femme qu’on voit "naître à elle-même", dont le handicap amène à une sensibilité et une délicatesse différentes. On apprend les doutes de Jacques Audiard sur le scénario, qu’il retravaillera en cours de tournage (on aurait aimé en savoir davantage), et les petites choses qu’il a pu apprendre sur le projet comme par exemple faire jouer pour la première fois ses comédiens avec peu de matière. Il parle d’un duo d’acteurs issus d’horizons différents, qui sont pourtant devenus très complices et ont su trouver leurs marques. On évoque (là aussi trop rapidement) la musique "riche et simple" d’Alexandre Desplat, le montage et "le matériel sacrifié", ou la photographie du film, "comme un diamant brut", en essayant de ne pas sur-fabriquer mais avec l’envie d’inventer des choses, comme dans un "cinéma primitif" qui retrouve des "sensations pures". Mathieu Vadepied raconte ainsi sa collaboration antérieure avec Jacques Audiard sur de nombreux projets de clips (Bashung, Louise Attaque…) qu’ils ont utilisés comme ateliers d’expérimentations visuelles, trouvant par exemple l’effet "mano negra" et sa main gantée de noir, placée devant l’objectif pour isoler des parties de l’image (qu’Audiard utilisera sur plusieurs films). Enfin, Vadepied évoque sans le dire ses souvenirs de la restauration du film, un retour vers la magie de l’argentique et le "battement" du grain.
Pathé reprend ensuite la quasi intégralité des suppléments produits pour le DVD de 2001 :
Commentaire audio de Jacques Audiard
Avec son phrasé nerveux et incertain, le réalisateur évoque les problématiques du projet, au gré du visionnage. On sent quelqu’un de soucieux sur la façon de faire passer des idées par le visuel (montrer l’héroïne de dos pour accentuer sa solitude), quelqu’un rempli de doutes aussi, lorsqu’il tente des plans qui ne serviront finalement pas. Il parle des contraintes de tournage dans un train, comme de son amour pour les "interstices", ces moments où le temps s’arrête et où l'"on récolte ce qu’on a semé". Il peut évoquer les difficultés du montage, comment assembler les plans sans rendre l’histoire trop claire, ou les doutes qu’il a eus après plusieurs semaines de tournage, ressentant la vampirisation des personnages sur l’histoire policière. Car curieusement, alors qu’Audiard est quelqu’un qui peaufine le scénario "jusqu’à la gueule", il ressent pourtant le besoin de s’en défaire au moment du tournage, car trop contraint par la chose écrite. On apprend ainsi, au fil des anecdotes, que Sur mes lèvres alternait trois histoires dont l’une a été presque entièrement supprimée : celle d’Annie et Jean-François (qui est en fait l’un des policiers aperçu à la fin). Jacques Audiard revient sur ses rapports avec les comédiens, leur jeu qui enrichit le scénario en le conduisant vers quelque chose de plus sensuel et moins âpre, ou les moments-clé presque imprévus, comme la scène de l’évanouissement qui, pour Emmanuelle Devos, a déterminé le personnage de Carla. Très intéressant dans les détails.
Commentaire audio d'Emmanuel Devos et Vincent Cassel
Porté par la grande complicité qui lie les deux comédiens, un commentaire franchement sympathique et généreux, assez soutenu même (sur les deux premiers tiers), dans lequel Devos et Cassel évoquent mille et un détails du tournage, de la coupe de cheveux de Carla à leurs transformations physiques, de la direction d'acteurs de Jacques Audiard ("effacer plein de choses" pour qu'il ne reste que "l'essentiel") aux choix de leurs vêtements (dont ils se moquent régulièrement, notamment des pulls "grenouille" ou "soupe de poisson" de Devos). Ils évoquent l'attraction physique des personnages qui passe si bien à l'image (tout simplement un bon choix de casting), les intrigues périphériques dont Cassel ne comprenait pas l'utilité, le tournage harnaché sur le toit de l'immeuble, les séances de post-synchronisation ou les retakes (ils sont grimés pour coller à la continuité du film alors qu'ils étaient passés entre-temps sur d'autres projets). Emmanuelle Devos parle des suggestions sur son personnage ("instinctivement, il y a des choses que tu sais"), facilité par l'absence d'ego de Jacques Audiard ("un bonheur!"), Vincent Cassel dit penser à son père dans L'Armée des ombres, lorsqu'il se voit lui-même attaché et battu...
Scènes inédites (9min - SD)
7 segments coupés (ou en partie) au montage qui développent les relations entre les personnages (Carla et Paul, Carla et sa soeur Annie), ou ouvrent l'intrigue sur quelques pistes : une autre fin possible pour le contrôleur judiciaire, le mystérieux amant d'Annie...
Interview de Tonino Benacquista (21 min - SD - 4/3)
Le romancier et scénariste évoque sa collaboration avec Jacques Audiard, un an de travail en rituel pour peaufiner l’histoire à partir d’"un personnage et une rencontre", qu’Audiard avait déjà en tête. Il explique avoir beaucoup appris aux côtés de lui, qui était un scénariste confirmé et très exigeant. Il parle d’une écriture sans idées de casting, ni modèle particulier, "dans l’imaginaire" mais en contournant les schémas narratifs et inversant les rôles de cette symbiose de deux déclassés. Tonino Benacquista explique pourquoi ils ont choisi une héroïne sourde, un moyen de l’isoler du monde tout en transformant son handicap en atout, et la façon dont il l’ont ramené dans un quotidien simple, en la rendant moins exceptionnelle. Il se souvient de la phase de montage où Audiard l’a sollicité pour avoir son avis sur ce que devenait le projet, vérifier qu'il ne s’éloigne pas des intentions de départ, et donne son impression sur le rendu définitif par rapport aux scènes écrites ("il y a forcément des surprises"). Intéressant.
Interview d'Alexandre Desplat (15 min - SD - 4/3)
Le compositeur de la musique de Sur mes lèvres parle de son travail sur le film, sa partition qui exprime différentes émotions, de manière sombre et obsédante, sans marquer l’action ni être dans la tension et la brutalité, en intégrant l’idée du silence. Il explique être parfois impliqué très en amont sur des projets (comme Sur mes lèvres) comme il peut aussi, au contraire, arriver au dernier moment. Il évoque l’importance du premier visionnage, la musique qui fait apparaître des choses masquées, les choix risqués de Jacques Audiard qui ne monte pas de manière classique et ne prend pas trop le spectateur par la main, ou la passion de Tonino Benacquista pour les musiques de film.
Comme sur le précédent DVD, il manque curieusement la bande-annonce du film...
En savoir plus
Taille du Disque : 49 070 798 892 bytes
Taille du Film : 39 012 796 416 bytes
Durée : 1:59:08.333
Total Bitrate: 43,66 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 35,85 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 35853 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 5.1 / 48 kHz / 3993 kbps / 24-bit (DTS Core: 5.1 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: French / DTS Audio / 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 16-bit
Audio: French / DTS Audio / 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 23,578 kbps
Subtitle: English / 13,659 kbps