
Sauve qui peut
BLU-RAY - Région B
Studiocanal
Parution : 30 octobre 2024
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Inédit en France, le premier long-métrage de John Boorman vient occuper la place n°76 dans la précieuse collection dirigée par Jean-Baptiste Thoret. Le master 2K utilisé est celui que Studiocanal avait utilisé pour l'unique sortie HD du film à ce jour, pour un bluray britannique de leur collection Vintage Classics.
Si le passage en haute-définition représente un saut qualitatif évident par rapport à la SD (à titre de comparaison, Optimum avait sorti en 2007 un DVD UK recadré, à la définition plutôt piteuse), le résultat pâtit tout de même d'une définition imparfaite, très largement due au film lui-même. Même le scan le plus fin du monde (ce qui n'est pas le cas de celui-ci) ne peut pas récupérer un plan flou, et il y en a quelques uns, en particulier dans les premières minutes, dans ce film au style libre mais parfois techniquement cavalier.
Plus généralement, les scènes d'intérieur (chez les beatniks ou chez le couple bourgeois) offrent un rendu plus fin, et quelques gros plans sur le visage de Barbara Ferris témoignent de l'apport de la HD. La copie est plutôt stable et propre (quelques saletés ponctuelles, là aussi plutôt au début). Le grain argentique est plutôt préservé, avec un rendu naturel de la photographie très sixties. Niveau contrastes, les noirs sont plutôt denses mais les blancs gardent un côté un peu crémeux.
Son
Une seule piste sonore, la version originale DTS-HS Master Audio 2.0. On sent, dans le mixage, l'intention de donner sa place à la musique (le film reste, initialement, un projet censé valoriser les Dave Clark Five), ce qui donne d'assez curieux moments lors de la grande fête aux deux-tiers du film, avec des variations subites et des disparitions totales des ambiances sonores. Pas de scratchs ou de souffle, ce qui là aussi donne des choses curieuses, avec des moments de total silence (chez les beatniks par exemple). Plus généralement, le film joue sur d'assez nombreux registres, ce qui lui donne une certaine dynamique, mais l'ensemble reste souvent un peu étriqué. Les dialogues sont parfaitement audibles.
Suppléments
La rituelle présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (7'45'') dresse, comme d'habitude, un portrait d'ensemble efficace : il décrit dans un premier temps brièvement le parcours de John Boorman, qui tourne avec Catch us if you can son premier long-métrage de cinéma, mais qui est "alors un réalisateur star de documentaires pour la BBC", dans lesquels il a développé un style "graphique" et un intérêt pour "les marginaux". Il inscrit Catch us if you can dans la continuité du succès de Quatre garçons dans le vent pour le Dave Clark Five, alias "le groupe concurrent des Beatles à l'époque", mais très vite, John Boorman va "détourner la commande" pour abandonner le groupe et se concentrer sur cette fuite, cette "épopée à deux". Alors qu'il décrit la tentation, pour le critique, d'aborder un premier film en ayant à l'esprit ceux que le cinéaste tournera ensuite, on a la surprise d'entendre Jean-Baptiste Thoret citer Les Duellistes (de Ridley Scott, donc) parmi ses films les plus célèbres ! Cette confusion mise à part, il identifie deux caractéristiques fortes : celle de la forme du film (un road-movie qui documente l'Angleterre des années 60) et celle de "la quête", obsession récurrente des personnages de John Boorman. Derrière la critique (convenue) de la société de consommation, Jean-Baptiste Thoret perçoit une façon de "pressentir l'échec des utopies" qui annonce par exemple Alice's restaurant d'Arthur Penn. Il établit un parallèle rapide, sans détailler, entre l'ouverture de Catch us if you can et celle de Point Blank, le film suivant et première réalisation américaine du cinéaste. Il finit par un mot touchant, dédiant avec dignité cette édition à Michel Ciment, spécialiste du cinéma de John Boorman, disparu avant d'avoir pu participer à ses bonus
La responsabilité de suppléer Michel Ciment revient donc à un autre rédacteur de Positif, avec une assez longue analyse du film par Philippe Rouyer (37'14'' - HD). Là encore, on débute avec les débuts de John Boorman (assistant monteur, puis documentariste pour la BBC, avec notamment la série quotidienne Day by day) et la volonté des producteurs, grâce à un "deal avec la Warner", de surfer sur le succès de Quatre garçons dans le vent. Très vite, Boorman négocie le fait de ne pas voir le groupe chanter ou jouer d'un instrument, assure en trois semaines un scénario rapide avec Peter Nichols, et fait la rencontre de Dave Clark... dont la personnalité et le charisme le déçoivent fortement... Arrivant au tournage, Philippe Rouyer décrit comment, dans ce premier film, John Boorman expérimente une façon particulière d'utiliser les décors ou les paysages pour "exprimer des sentiments intérieurs". Comme Thoret (voir ci-dessus), il explique la manière dont Boorman aura "détourné la commande" initiale pour faire un film "picaresque sur la quête d'un couple en fuite", et, confronté au manque de talent de Dave Clark et au refus de Marianne Faithfull (au départ pressentie pour le rôle de Dinah), concentré son attention sur Barbara Ferris, sur laquelle "repose la dynamique des séquences". Philippe Rouyer relate les désaccords entre Boorman et son directeur de la photographie Manny Wynn, ou l'association plus fructueuse avec la costumière Sally Jacobs - qui conduira indirectement, toutefois, au nez cassé du comédien principal... Evoquant la fin du film, il identifie chez le cinéaste un motif de la mystification, qui voit le personnage principal "découvrir qu'il a été manipulé", et insiste sur le "désenchantement" de ce qui devait au départ être un divertissement "fun", idée sur laquelle il reviendra ensuite régulièrement tout au long du module. Selon Rouyer, "tous les films de Boorman décrivent des quêtes", voyant des personnages "partir en avant vers une utopie" avant d'être "fracassés par la réalité", idée ici illustrée, avant d'autres films, par "le motif de l'île" (qui n'en est pas une), ou par la présence "obsessionnelle" dans ses films de "l'eau" (qui illustre les forces naturelles, la communication avec l'infini, mais aussi le danger d'être submergé ou emporté par le courant...). Parmi les autres films de Boorman, Philippe Rouyer établit plusieurs correspondances signifiantes avec Zardoz ou avec Leo the last, ce dernier film lui permettant en particulier d'insister sur "la stylisation de la couleur" dans le cinéma de Boorman.
Le dernier supplément est une reprise d'un supplément figurant sur le bluray britannique, un entretien avec le journaliste et historien Matthew Sweet (25'25'' - HD). Celui-ci décrit, dans un premier temps, la réputation légère d'une oeuvre pas toujours considérée avec sérieux, alors qu'il s'agit selon lui d'un film "remarquable", qui "débute comme une parodie de Quatre garçons dans le vent" mais "laisse la place à quelque chose de plus nostalgique", qui "critique l'attrait de la jeunesse des années 60 pour le capitalisme". Matthew Sweet établit d'emblée une rivalité entre John Boorman et Dave Clark, décrit ici (plus finement que dans les modules précédents, où on insistait surtout sur son manque de charisme) comme un "homme d'affaires pragmatique et contrôlant" (opérant un écho malin avec le propos même du film, Matthew Sweet explique notamment comment la "rivalité" entre les Beatles et le Dave Clark Five avait savamment été orchestrée par les médias de l'époque) et il décrit finalement, "le fiilm ayant tranché", comment Steve finit par être "une pièce rapportée", un "appendice" au parcours de Dinah, le véritable personnage principal du film. Le film est décrit par le sémillant historien comme "un film post-apocalyptique mais sans apocalypse", assimilant les marginaux à des "survivants" - il dresse même un parallèle audacieux avec L'Année dernière à Marienbad ou le cinéma d'Alain Robbe-Grillet - et s'attarde en particulier sur la bizarrerie des séquences confrontant Dinah et Steve (appelé David, à un moment) au couple bourgeois joué par Yootha Joyce et Robin Bailey. Selon Matthew Sweet, ce "road-movie vers nulle part sert à réaffirmer un rapport plus pragmatique au monde commercial" et Catch us if you can apparaît alors comme "un film du début des années 60 qui annonce déjà la fin des années 60".
En savoir plus
Taille du Disque: 40 042 035 200 bytes
Taille du Film : 22 625 783 808 bytes
Length: 1:31:23.208
Total Bitrate: 33.01 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Anglais Dolby Digital Audio 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit
Sous-titres : Français