Menu
Test blu-ray
Image de la jaquette

Lettre d'une inconnue

BLU-RAY - Région B
Carlotta
Parution : 20 mars 2014

Image

Il y a une dizaine d'années, l'éditeur Wild Side avait sorti une première édition DVD de qualité très satisfaisante - pour l'époque - du chef-d'œuvre de Max Ophuls. Aujourd'hui, alors que la haute définition s'impose logiquement comme le meilleur moyen d'apprécier un film (à condition de ne pas rater son transfert HD), c'est Carlotta Films - associé à la nouvelle structure La Rabbia - qui se charge de donner une nouvelle fraîcheur en vidéo à Lettre d'une inconnue dans notre pays. L'éditeur annonce fièrement l'utilisation d'un nouveau master restauré HD (image et son), et force est de constater que le résultat n'est pas loin de la perfection. Une stabilité quasi-idéale (à l'exception de très rares effets de pompage), une copie immaculée, une échelle de gris d'une ampleur étonnante et donc fidèle à la somptueuse photographie de Franz Planer, une belle gestion des contrastes avec des variations plus ou moins subtiles suivant la dramaturgie des scènes, la présence de noirs profonds (avec néanmoins des ombrages plus ou moins détaillés selon le cas), un respect de l'aspect granuleux de la pellicule d'origine, l'absence bienvenue d'effets néfastes généralement dus aux corrections EE (accentuation des contours) et DNR (réduction de bruit)... Le contrat est rempli de la plus belle des manières. Cela dit, il faut nuancer un peu en précisant que le piqué général n'est pas fabuleux sur toute la longueur du film ; la variation de définition de l'image est par exemple visible lors de la séquence à Linz, qui contient des plans magnifiques de précision montés avec des plans beaucoup moins définis. Les conditions de tournage et l'état de conservation du négatif sont probablement la source de ces variations. Généralement les scènes diurnes ont un superbe cachet alors que les séquences nocturnes se révèlent moins resplendissantes. Enfin, en vidéo-projection HD, on peut remarquer comme un léger voile qui révèle un grain vidéo bien présent mais absolument pas gênant pour apprécier ce nouveau master qui affiche une rendu global plutôt réjouissant.

Son

La seule piste sonore proposée par ce Blu-ray est la bande-son originale anglaise en DTS-HD MA mono, uniquement axée sur la scène frontale. Ce mixage mono se révèle très clair et assez précis, avec des voix propres, une bande musicale bien mise en relief, une vraie profondeur du champ sonore (les diverses ambiances sont correctement rendues, avec certes les limites propres aux pistes de cette époque), enfin aucun souffle disgracieux ne se fait ressentir. On relèvera parfois quelques rares chuintements et un rendu un peu étouffé, mais dans l'ensemble le résultat est très probant.

Suppléments

Mémoires d'un producteur (15 min 36 - 16/9 - DD mono 2.0 - 2014 - HD)
Ce documentaire, produit en interne par Carlotta Films et réalisé par Fabien Ricour pour Allerton Films, met en scène le comédien Jacques Bouanich dans le rôle du producteur John Houseman. Filmé par deux caméras dans un bureau fictif sous une lumière chaude et automnale, l'acteur interprète un texte inspiré des mémoires de Houseman publiées en 1979. Cette démarche singulière, mais un peu déroutante, permet de conférer une plus grande familiarité aux propos tenus. Cela dit, l'élocution lente de Bouanich et le montage régulier et parfois trop systématique à deux caméras - de focale et d'angles différents - créent une sorte de routine qui va un peu à l'encontre de l'objectif recherché. Néanmoins, l'essentiel demeure les informations dispensées par le comédien et issues des souvenirs du légendaire producteur à travers une approche finalement plaisante et originale.


Après avoir présenté la fine fleur des collaborateurs de Max Ophuls sur Lettre d'une inconnue (le directeur de la photographie Franz Planer et le directeur artistique Alexander Golitzen, avec pour chacun une filmographie très sélective), Bouanich / Houseman évoque la personnalité de cinéaste allemand, ses méthodes de tournage et les relations qu'il entretint avec ce dernier tout au long de cette prestigieuse production Universal. Deux anecdotes retiendront notre attention. D'abord celle concernant les doutes profonds, quant à la réussite du film, dont fut pris Ophuls à la fin du tournage. Ensuite celle racontant la mise en place du plan-séquence à l'opéra pour les retrouvailles des deux amants avec ses mouvements de caméra complexes et très élaborés, et la réaction négative de Houseman qui demande avec insistance au réalisateur de tourner des plans de coupe pour se protéger (le producteur affirme que Ophuls, après avoir été fâché durant deux jours, le remerciera finalement pour cette idée). On nous propose d'ailleurs de visualiser en continuité le passage où le plan-séquence est interrompu par deux plans de coupe, chacun sur Jourdan et Fontaine. Illustré par de rares et nombreuses photos de tournage, ce documentaire se révèle finalement très intéressant... mais on aurait aimé en savoir un peu plus.


Triomphe de la passion (23 min 38 - 4/3 - DD mono - 2.0 VOST - 2014 - HD)
Ce deuxième documentaire est une analyse filmique, conçue et lue en voix off par l'historien du cinéma et critique américain Ted Gallagher, centrée principalement sur le personnage de Lise qui dicte sa conduite au récit de Lettre d'une inconnue. La nature de Max Ophuls, véritable homme de spectacle par divers aspects (le théâtre, le cirque, le cinéma), est mise en relation avec le personnage de Lise qui crée le spectacle de sa propre vie. L'angle choisi par Gallagher - la primauté de la vision de Lise, son point de vue intérieur, la subjectivité du récit à la première personne qui justifie son comportement obsessionnel, la mise en scène qui insiste toujours sur la façon dont elle se sent regardée - s'avère d'une grande justesse et son étude se suit avec beaucoup d'intérêt (pour enrichir sa thèse, il a aussi recours à d'autres personnages féminins de films réalisés par Ophuls pour développer le thème de la passion destructrice propre à son cinéma). Une comparaison avec le texte de Stefan Zweig est aussi effectuée telle la complaisance dans la douleur du personnage principal présente dans la nouvelle de l'écrivain, qui montre une Lise véritablement masochiste, atténuée dans le film par sa nature de romantique candide éternellement fidèle à son amour.


Selon Gallagher, le cinéaste aurait choisi de ne pas reprendre une scène passionnelle de la nouvelle (les retrouvailles des amants dans un cabaret dansant) - qui serait pourtant typiquement "ophulsienne" - pour la remplacer par un « débat philosophique » (qui a lieu dans la carrosse entre Lise et son époux) ; de notre point de vue, on pourrait émettre un doute sur ce choix supposé délibéré de la part d'Ophuls, car cette nouvelle approche est peut-être simplement due au scénariste Howard Koch ou aux producteurs John Houseman et William Dozier. Enfin, toujours images à l'appui, Gallagher analyse avec pertinence les conséquences funestes de cet amour-passion, ainsi que le thème de l'imagination - à laquelle ont facilement recours les deux personnages du film plutôt que d'essayer d'affronter la réalité, et ce jusqu'à leur sort tragique. Basé sur des extraits habilement montés de Lettre d'une inconnue et de certains autres films de Max Ophuls, cette analyse filmique constitue la pièce maîtresse des suppléments de cette édition. On regrettera seulement la présence d'un extrait vraiment trop long (la rencontre entre Stefan et Lise alors âgée de vingt ans) ; ce documentaire aurait donc gagné à être un peu plus resserré.


Galerie photos (3 min 26 - 16/9 - DD mono 1.0 - 2014 - HD)
Il s'agit ici d'un montage musical d'une trentaine de photos d'exploitation et de tournage sur lesquelles la caméra effectue des mouvements divers (zooms avant et arrière, travellings). Fournies par Rampart Productions et affichant une belle qualité pour la grande majorité d'entre elles, ces images heureusement visibles en plein écran et en HD sont un vrai régal pour les yeux.

On trouve enfin les credits du Blu-ray.
Il manque malheureusement la bande-annonce, un élément que l'on apprécie toujours de disposer comme un témoignage du passé (hollywoodien dans le cas présent).

Par Ronny Chester - le 21 mars 2014