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Test blu-ray
Image de la jaquette

Les Enfants terribles

BLU-RAY - Région All
LCJ Editions
Parution : 2021

Image

Sur le verso de la jaquette de son Blu-ray, LCJ Editions annonce fièrement « une nouvelle remasterisation d’après une source 4K ». De même, à l’envoi du film, un carton prend la peine de préciser l’origine de ce nouveau master : « restauration 4K à partir du négatif nitrate monté et du négatif son français. » L’éditeur ne cache pas ses ambitions et il peut en effet être fier du travail accompli : Les Enfants terribles renaît techniquement sous nos yeux ébahis. Pour ceux qui se souviennent encore du DVD des Films de ma vie datant de 2007, c’est le jour et la nuit ! Dès la première séquence dans l’école, la bataille de boules de neige, nous sommes complètement sous le charme devant la propreté incroyable de l’image, sa luminosité, la densité des noirs, les nuances de gris, le grain délicat. Sauf à relever quelques très légers bémols, cette section va donc consister à ne lister que des points positifs, et nous ne nous en plaindrons pas. Ce Blu-ray présente ainsi un master immaculé et très stable, effectué au laboratoire VDM. L’aspect argentique est totalement respecté avec un grain fin présent, même si l’image apparaît plus ou moins douce selon les séquences. Cependant, si la texture peut varier, le plaisir de profiter du grain cinéma reste constant. La compression ne souffre d’aucun artefact grossier et aucun outil numérique n’outrepasse sa fonction pour dénaturer l’image (le lissage n'est pas destructeur). La définition globale est très belle, le rendu HD s’avère exemplaire même si des scènes sont plus avantagées que d’autres au niveau du piqué ; la raison est plutôt à chercher du côté du tournage. Mais le rendu précis des différentes matières et étoffes attestent aussi de la très belle restauration réalisée à partir du négatif. Enfin, les contrastes sont soutenus, avec des noirs bien profonds, et dévoilent du détail dans les ombres. Néanmoins, quelques effets photographiques et les conditions de tournage jouent sur ces contrastes et peuvent les rendre parfois moins probants ; de même que sur l’échelle des gris, qui reste quand même globalement très nuancée et agréable à l’œil. On remarque également que certaines scènes présentent des hautes lumières un peu trop poussées. Tout cela n’impacte en rien le confort de visionnage, et il est probable que cette réussite technique pourra conduire certains cinéphiles à reconsidérer ce film assez mal apprécié dans la filmographie du cinéaste. Un désamour qui a ses raisons certes, mais les qualités formelles indéniables des Enfants terribles trouvent dans cette édition HD un superbe écrin.

Son

La bande-son mono a également été restaurée et cela s’entend. Les traces d’usure sont rares et les impuretés ont globalement été effacées. Mais cette restauration respecte les caractéristiques de l’époque et l’on ne sera donc pas étonné de se trouver en présence d’une piste compacte avec des aigus prononcés et un peu de réverbération. Mais le souffle, inévitable, a été largement réduit. Si le spectre n’est pas très large, la musique profite néanmoins d’une ouverture sonore, mais avec parfois quelques stridences.

Suppléments

Ce disque se présente sous la forme d’un joli mediabook de grande taille (au format DVD) avec fourreau. Il s’agit d’une édition limitée à 3 000 exemplaires. Ce mediabook contient un livret conséquent de 52 pages rédigé par le journaliste Marc Toullec : Les Enfants terribles, au cœur du film. Celui-ci est richement illustré puisqu’on y trouve de nombreuses photos de tournage, des clichés tirés du film, des story-boards de Jean Cocteau et plusieurs affiches en petit format. Les tirages sont heureusement d’excellente qualité. Le livret est divisé en sept chapitres : Accords et désaccords, Le choix du poète, Un fauteuil pour deux, L’une le fait, l’autre pas, Le puzzle des décors, Un film de Jean Cocteau et L’héritage. En compilant plusieurs extraits d’interviews, de Jean-Pierre Melville, Jean Cocteau, Claude Pinoteau (alors assistant réalisateur) et Nicole Stéphane, Toullec fait le récit d’un tournage assez compliqué et d’une collaboration mouvementée entre les deux artistes, jusqu’à la réception critique des Enfants terribles et le jugement définitif de François Truffaut. Un complément très instructif, à lire après la vision du film, et qui confirme la vraie paternité d’une œuvre toujours présentée comme bicéphale.

Cocteau à la villa Santo Sospir (38 min - 4/3 - DD 2.0 mono – 1952 - SD upscalée)
La Villa Santo Sospir est un moyen métrage documentaire assez particulier et original signé Jean Cocteau (on remarquera le nom de Frédéric Rossif au générique qui officie comme assistant) et tourné en 16mm, donc logiquement granuleux. « Etant professionnel, j’ai voulu faire un film amateur », affirme-t-il avec malice. L’éditeur annonce une version restaurée ; le générique fait peur mais la suite nous rassure effectivement car le visionnage reste confortable malgré la permanence de scories (taches, rayures, points noirs et blancs). Nous voici devant un petit OVNI dans lequel Cocteau filme la villa de son amie et mécène Francine Weisweiller, ornée par ses soins, à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Bercé par une musique de Vivaldi et Bach, ainsi que par la voix-off du cinéaste, cet essai à la fois poétique et pictural nous fait découvrir avec minutie l’œuvre murale de Cocteau "décorateur", qui s’en remet à la « machine » et aux « bains chimiques » pour décider de sa création filmique grâce au « contretype Kodachrome [qui] perturbe les couleurs à sa guise. »



Cocteau a séjourné dans la villa l’été 1950 et a commencé à décorer un mur, puis de nombreuses portes ont suivi (qui s’ouvrent ici à notre regard). L’artiste poète voulait « dessiner sur la peau » des murs. « Santo Sospir est une villa tatouée », précise-t-il. Il décrit/décompose alors ses dessins-tatouages, ce qu’ils évoquent en termes de personnages, de mythes grecs, d’atmosphère, d’animaux, de références et d’influences (des graffitis sont inspirés de Renoir, par exemple). Certaines fresques sont analysées plus précisément. On visite différentes pièces plus ou moins grandes ou étroites, et aux noms imagés. Cocteau s’amuse avec quelques effets caméra comme la vitesse inversée (exemple : les fleurs qu’il donne l’impression de créer ou d’assembler) ou la fumée devant l’objectif. Dès 1951, après les tatouages, Cocteau se met à peindre. Quelques superbes réalisations nous sont dévoilées, comme le mythe d’Ulysse. On aperçoit aussi plusieurs Orphée attachés à un arbre ou exposés en bord de mer. On voit parfois Cocteau arpenter la propriété, il nous présente ensuite son « atelier en construction entre la villa et le phare » en compagnie de la propriétaire, Francine Weisweiller. Puis on l’observe naviguer de port en port. Quelques notes d’humour et de fantaisie sont les bienvenues. Il fait également l’éloge du travail de l’artisanat, celui des ouvriers tisseurs de l’atelier Bourret à Aubusson qui ont su reproduire son travail. Avec d’autres génies peintres, il conclut par l’idée d’avoir « voulu vaincre l’esprit de destruction qui domine l’époque. » Peut-être un peu long et lancinant pour les profanes, La Villa Santa Sospir plaira indéniablement aux amateurs de l’artiste par son ton et sa richesse picturale. Le programme annoncé par une très belle phrase d’ouverture - « Etre poète, c’est confier publiquement ses secrets » - est rempli.




Rencontre avec Carole Weisweiller (35 min 18 - 16/9 - DTS-HD MA 2.0 - 2020 - HD)
Sous-titré « A propos de Jean Cocteau, entretien d’Henry Jean Servat », cette production LCJ Editions convie Carole Weisweiller, auteure (notamment de nombreux ouvrages sur Jean Cocteau) et productrice de films. La fille de Francine Weisweiller (propriétaire de la fameuse Villa Santo Sospir, cf. ci-dessus) reçoit chez elle, en Camargue, le journaliste et chroniqueur Henry Jean Servat, habitué à fréquenter une certaine « aristocratie » culturelle. Elle lui parle d’abord de son domaine situé en pleine nature, un milieu protégé dont elle est tombée amoureuse. Elle enchaîne sur la corrida, à laquelle elle fut initiée par Pablo Picasso et Cocteau. Celle qui a eu « une existence extraordinaire » selon Servat raconte en quelques mots sa naissance en pleine guerre, son enfance, parle de ses parents, de la fortune des Weisweiller, de sa jeunesse parmi des grandes figures de la création artistique, de son installation en Camargue où elle vit entourée de chevaux depuis toujours.


Elle évoque le rôle joué par Francine Worms, sa mère, dans le projet des Enfants terribles. Nicole Stéphane (alias de Rothschild) était une cousine de son père et avait organisé une rencontre sur le tournage entre Francine Worms et Cocteau qui résultat sur « un coup de foudre d’amitié ». Celle-ci aida à financer le film puis invita Cocteau dans sa maison de Saint-Jean-Cap-Ferrat aux murs blancs, qu’il finit par « tatouer ». Carole Weisweiller aborde sa relation filiale - avec le poète - et fraternelle - avec Edouard Dermit et Jean Marais, « sa famille de cœur ». Elle se rappelle avec passion de la correspondance abondante que lui adressait Cocteau, qui l’impressionnait par son esprit, son humour et sa grande curiosité. Elle a très peu de souvenirs des Enfants terribles, on apprend seulement qu’elle en a racheté les droits et financé sa restauration. Servat essaie, sans trop de succès, d’avoir son sentiment sur le film. Elle préfère insister sur la poésie de Cocteau et conclue l’entretien en lisant plusieurs extraits de textes du poète. Pour ce dernier, « le dessin était toujours de l’écriture », précise-t-elle. Ceux qui auraient bien voulu trouver des informations et des développements sur Les Enfants terribles dans cette interview en seront pour leur frais. En revanche, les amateurs de Cocteau y trouveront peut-être leur bonheur en écoutant une femme déclamer son amour indéfectible pour l’artiste.

Film-annonce (2 min 55 - 1.33 - DD 2.0 - SD)
Non restaurée donc plutôt très abîmée car constellée de taches en tous genres, cette bande-annonce originale se révèle assez longue (elle contient même le plan final…) avec une voix-off intermittente qui insiste sur surtout sur les personnages et l’univers de Jean Cocteau.


Comme on le redoutait au vu du sommaire indiqué sur la jaquette du Blu-ray, tous ces suppléments concernent uniquement Jean Cocteau. Aucun de ceux existants et contenus dans la vieille édition DVD n’a été repris. Les amateurs de Jean-Pierre Melville auront donc de quoi être déçus par l’absence d’anciens ou de nouveaux bonus axés sur le réalisateur, et ils devront se reporter uniquement sur le livret accompagnant cette édition pour étancher leur soif d’informations.

Par Ronny Chester - le 14 avril 2021