Test blu-ray
Image de la jaquette

Le Grand saut

BLU-RAY - Région B
Elephant Films
Parution : 13 juin 2023

Image

Pour la sortie, inédite en France, d'une édition HD du Grand Saut des frères Coen, Elephant Films mentionne au dos de la jaquette (réversible, au passage, ce qui donne le choix entre l'affiche originale et un nouveau design minimaliste, très Mad Men) un "nouveau master restauré haute-définition". Faute d'indications précises dans le livret (voir partie suppléments pour le détail de celui-ci) concernant la nature de cette "restauration", on s'interrogera juste pour savoir jusqu'à quand peut remonter l'adjectif "nouveau" : des comparatifs sur captures menés à partir des éditions américaines (Warner Archive, février 2013, non zoné) et allemande (Turbine, décembre 2018) nous laissent penser que ce trois éditions proviennent de la même source - et le logo Universal avant le générique nous amène à nous demander s'il ne s'agit même pas du master qui avait été utilisé pour les premières éditions SD encore quelques années plus tôt.

Foin de conjectures, concentrons-nous sur le résultat, et malgré l'ancienneté du dit-master, il faut avouer que le résultat est plutôt très honorable. Le rendu est propre, l'image est stable et la qualité de définition suffisamment fine pour apprécier pleinement la maestria de la direction artistique de Dennis Gassner ou du travail photographique de Roger Deakins. Le rendu chromatique (dans des dominantes ocres et grises) est très homogène, percé par des éclats de couleur associés au hula-hoop par exemple. Les contrastes sont plutôt doux. Le grain est texturé et son rendu est naturel, l'éventuel usage d'outils de retouches numériques étant imperceptible. 

On notera deux différences notables avec les éditions Warner Archive ou Turbine : premièrement, une restitution du format cinéma 1.85:1 là où les éditions précédentes étaient en 1.78:1 (correspondant au 16/9) qui passe par un léger zoom avant, faisant perdre une partie des bords haut et bas de l'image (des lampes au plafond disparaissent, c'est à peu près tout). Deuxièmement, et plus au crédit de cette édition, le film est proposé sur un BD50, sur lequel 35 Go sont consacrés au film : à titre indicatif, le Warner Archive occupait 22,1 Go du sien : cela atténue les quelques artefacts de compression, et permet d'améliorer le bitrate (c'est à dire la quantité de données numériques par unité de temps) moyen.  

Son

Le film propose plusieurs mixages, dont le mixage 5.1 de la version originale qui ne figurait pas sur le disque Warner Archive (rappelons que Le Grand Saut est sorti en 1994, c'est à dire dans les premières années de la mise en place de la technologie DTS). Les deux pistes de la version originale sont satisfaisantes, équilibrées et dynamiques (avec évidemment plus de relief pour la version 5.1, quitte à ce que certains effets paraissent exagérés). Deux versions françaises sont proposées, avec des doublages différents (doublage d'époque puis redoublage réalisé quelques années plus tard - curieusement, on n'a reconnu Elie Semoun doublant le groom ni dans l'un ni dans l'autre...), mais les deux sont plus plates que les versions originales.

Suppléments

Dans le boîtier, un livret de 24 pages, rédigé par David Mikanowski et intitulé Un film d'(h)auteur des frères Coen. Oeuvrant à la "réhabilitation" d'un film "incompris et rejeté", le texte se concentre dans un premier temps sur les détails de la relation inattendue entre Joel Silver et les frères Coen. Il concentre ensuite son attention sur les deux principaux comédiens masculins, puis évoque les décors monumentaux et enfin la postérité du film.

Sur le disque, Frédéric Mercier, décidément très actif (et toujours pertinent) ces derniers temps, propose son analyse du film (26 minutes - HD) : après avoir décrit rapidement le contexte dans lequel le film est né, il insiste sur sa "nature composite", dans son écriture, dans son casting, dans ses références mais aussi dans "sa façon de figurer le temps et l'espace diégétique". Décrivant la manière dont le film se "nourrit d'un passé générique" (les figures tutélaires de Capra, Sturges ou Hawks sont identifiées et éclaircies), Frédéric Mercier identifie le film comme "un conte de fées" en même temps qu'une "réflexion sur le mode de vie libéral", une "course de rats", un film "sur un état d'esprit et sur la façon dont cet état d'esprit peut détruire un homme". Il incarne surtout, à ses yeux, "un condensé de l'invention de l'art coenien", dont le postmodernisme contribue à "redonner de la vitalité à des motifs anciens".

Quelques bandes-annonces de sorties Elephant Films récentes : Chevauchée avec le diable, Jungle Fever, Prête à tout, Lorenzo et Blue Collar.

Par Antoine Royer - le 26 juin 2023