Test blu-ray
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Le Diable boiteux

BLU-RAY - Région B
Rimini Editions
Parution : 5 décembre 2023

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Les deux premiers films réalisés par Sacha Guitry après la Guerre sortent conjointement en Haute-Définition chez Rimini, et comme pour Le Comédien, évoqué ici il y a quelques semaines, c'est une excellente nouvelle dans la mesure où les éditions DVD antédiluviennes offraient des rendus assez désastreux. Le très vieux transfert MK2 (du millénaire dernier, à n'en pas douter) offrait une très faible définition, avec beaucoup de saletés, de problèmes de stabilité, de l'effet de peigne à foison et des blancs surexposés. Evidemment, l'exercice du comparatif est édifiant.

DVD MK2 (2008) vs. Blu-ray Rimini (2023) :
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

La restauration 4K, réalisée dans le courant de l'année 2022, a été effectuée aux laboratoires Hiventy, à partir d'un négatif original 35mm. Même sans le point de comparaison précédent, qui en exalte les vertus, on se serait satisfait de ce résultat très propre, extrêmement homogène, avec un niveau de détail assez fin dans les décors notamment. Le grain est assez fin, mais est présent et offre un certain naturel. La gestion des contrastes est également satisfaisante, avec des noirs profonds et des niveaux de gris correctement restitués. Du beau travail.

Son

Egalement restaurée à partir d'un négatif son nitrate, la piste sonore DTS-HD Master Audio Mono 2.0 offre elle aussi un gain qualitatif édifiant par rapport au DVD, dont c'était l'un des points faibles les plus rédhibitoires : au son nasillard, étriqué, perturbé par un souffle et des craquements assez envahissants, répond aujourd'hui une piste nettoyée, rééquilibrée (c'est simple, certains graves réapparaissent tout bonnement et simplement), qui restitue un mixage d'origine plus équilibré, avec quelques ambiances périphériques. Cela - âge et conditions techniques d'enregistrement - manque parfois de rondeur ou de dynamisme, mais quand on sait d'où l'on venait...

A noter la présence d'une piste de sous-titres français, mais également une piste d'audiodescription.

Suppléments

La quasi-intégralité de l'espace disponible sur le bluray étant dévolu au film, on trouve les suppléments sur un DVD spécifique, et ceux-ci sont conséquents.

Comme pour Le Comédien, on retrouve un module d'analyse de Noël Herpe (25'), toujours d'une très grande clarté. Il explique comment Sacha Guitry, en 1947, s'était tourné vers Tallyerand pour se livrer à un "plaidoyer pro domo" sur ses propres "erreurs ou errances" durant l'Occupation, et comment il voyait en cette personnalité historique un double de lui-même, "un homme de mise en scène, et notamment de mise en scène des autres, des grands de ce monde". En particulier, en affirmant l' "auteurité" de Talleyrand sur Napoléon (le "Lucien Guitry de l'Histoire de France"), Guitry prend sa revanche contre la suite d'humiliations qui aura émaillé son parcours et exalte son statut de "metteur en scène" de l'Histoire. Noël Herpe décrit les quelques différences entre la pièce et le film ; vante le "tempo" unique de Guitry comédien ; et passe un certain temps à décrire l'approche de l' "historien" Guitry, qui aimait "faire des grandes figures de l'histoire des pantins à sa guise". Il revient, au sujet du style du cinéaste, sur la pertinente théorie du "du mot, du masque et du geste", déjà évoquée dans le module consacré au Comédien, et insiste longuement sur le rôle de "la parole" chez Guitry, cette "musicalité de la phrase" soutenue par "le sortilège de sa voix" .

Est également proposé une captation du commentaire mené par Axelle Ropert lors du 51ème festival de La Rochelle, le 7 juillet 2023 (55'). Après 1'50'' de présentation par Sylvie Pras, co-directrice artistique du festival, Axelle Ropert introduit le film, en proposant quelques pistes (de 1'50'' à 8'50'' donc), qu'elle développe plus abondamment, à partir de 8'50'', après la projection, dans intervention d'après-séance qu'elle propose "courte et efficace", promesse qu'il est toujours difficile d'honorer dans ce type d'exercice. Si elle se disperse abondamment, elle propose essentiellement de tirer deux fils, l'un lié au regard porté sur le cinéma français de 1948 sur les toutes récentes années de Guerre, l'autre lié à la modernité de Guitry, son côté "inclassable, peu tranquille et insolent" et l'influence qu'il conserve.
A 35'00, elle commence à répondre, plus ou moins en lien avec le film (Nanni Moretti prend un taquet sorti de nulle part), aux questions du public, qui comme toujours dans ces cas-là, sont très diversement intéressantes.

Un morceau de choix est la présence du rare film De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain (55'), objet cinématographique inclassable réalisé en 1944 (alors non destiné à une exploitation commerciale) qui voit les mains de Guitry feuilleter l'ouvrage d'un livre d'art publié deux ans plus tôt et qui présente des pièces de sa collection personnelle consacrée à de grandes figures de la culture et de l'histoire français.


Le film en lui-même étant ce qu'il est, il convient d'y être préparé, et une introduction au film par Noël Herpe (9') joue ce rôle : il présente ainsi la nature-même de cet "objet inouï", "accordéon temporel" conçu par Guitry, qu'il décrit comme un "pétainiste de la première et de la dernière heure". Etablissant un lien avec Ceux de chez nous (1915), il insiste surtout sur la dimension "fétichiste" de ce film-ci, qui révèle le côté "collectionneur" maladif de Guitry. Il décrit ainsi cette "adaptation littérale", avec sa "musique sépulcrale" et la "voix solennelle" de l'auteur, qui procède à une "mise au tombeau de la France" : voilà, selon ses mots, "un film où la phobie du visible est poussée au plus loin". S'il reconnaît l'aspect "terriblement réactionnaire" du film, il insiste sur son côté "incroyable novateur" sur le plan de la forme cinématographique, décrivant un film qui "invente Youtube" en même temps qu'il annonce les "expériences radicales de Marker, Straub ou Resnais". 

On découvre également une fin alternative (2'), qui montre Talleyrand sur son lit de mort, et l'ultime hommage qui lui est alors accordé, ainsi qu'une bande-annonce d'époque (3'), qui introduit ce personnage "diabolique" et présente la quasi-intégralité du casting.

En savoir plus

Taille du Disque : 33 467 725 824 bytes
Taille du Film : 32 985 378 816 bytes
Durée : 2:10:14
Total Bitrate: 33.77 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 30001 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Français / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1786 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio : Français / Dolby Digital Audio / 192 kbps / 2.0 / 48 kHz / 192 kbps
Subtitles : Français

Par Antoine Royer - le 8 avril 2024