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Test blu-ray

La Prisonnière du désert

BLU-RAY - Région B
Warner
Parution : 31 janvier 2007

Image

Fin 2006 / début 2007, on était quasiment à la préhistoire du Blu-ray et parmi les quelques rares titres censés impressionner les rétines des cinéphiles figurait en bonne place la version HD de cet énième chef-d'œuvre de John Ford. Beaucoup d'entre nous se souviennent non sans une certaine émotion des premières images de ce Blu-ray, de l'émerveillement qui nous saisissait alors devant ces plans fordiens à la définition acérée et à la colorimétrie précise et nuancée. Ce bref rappel pour dire que si, évidemment, les éditeurs ont progressivement accompli des progrès dans le soin apporté à la haute définition, le rendu de ce disque garde toujours son pouvoir de séduction aujourd'hui, et qu'on se donne le droit de se montrer un peu indulgent même si l'on imagine sans peine qu'une nouvelle édition HD aux standards actuels pourrait sensiblement transcender cette image vidéo - du fait du procédé VistaVision - qui reste néanmoins un sommet dans le genre malgré ses quelques limites (bien plus décelables de nos jours qu'à l'époque de sa sortie). La Prisonnière du désert est donc un film tourné au format VistaVision qui permettait - par sa plus grande surface d'impression et son défilement horizontal - d'apporter à l'œuvre une définition supérieure aux formats concurrents de l'époque et une profondeur de champ impressionnante. Le format Blu-ray s'avère donc à même de restituer les qualités particulières du VistaVision et de sa grande résolution, et c'est bien ce que l'on observe ici avec un excellent rendu de la profondeur de champ, dont l'étendue est confondante, et des couleurs à la définition et à la saturation exemplaires. Comme pour son DVD collector datant de 2006, Warner propose ici la superbe version restaurée du film - malgré les polémiques qui ont couru à l'époque sur la colorimétrie des scènes d'intérieur - dont la qualité première reste le piqué de l'image (l'aspect grossier et délavé des versions télévisées de notre jeunesse n'est plus qu'un lointain souvenir), tant les détails ressortent avec force partout dans le cadre et procurent à l'image une finesse impressionnante. De plus la copie a été nettoyée de façon quasi parfaite, l'image est stable, le grain cinéma est respecté, la luminosité des scènes diurne dans les paysages de Monument Valley se révèle un régal pour nos yeux, la gestion des contrastes est une réussite et la profondeur des noirs offre du détail dans les zones sombres. Du côté des défauts, on relèvera des irrégularités - selon les plans - de la définition, quelques rares altérations de la pellicule, et surtout une compression parfois moyennement gérée (le codec VC1 est utilisé ici). Hormis ces réserves, six ans plus tard on peut affirmer sans hésiter que ce Blu-ray de La Prisonnière du désert reste une splendeur.

Son

Aux débuts du format Blu-ray, le traitement sonore des disques étaient souvent le parent pauvre de la mise à jour en haute définition effectuée par les éditeurs. Pour La Prisonnière du désert, Warner s'était ainsi contenté de reprendre les bande-son mono du DVD précédent, et ce pour les trois langues disponibles (anglais, français, allemand). Inutile de pinailler, l'avantage est très clairement du côté de la version originale avec une piste mono de très bonne facture par sa clarté, sa profondeur, sa dynamique bien appréciable et sa propreté. La musique et les ambiances possèdent une belle présence et le mixage donne la part belle à tous les éléments constituant la piste sonore. Evidemment, une éventuelle bande-son HD (en DTS-HD Master audio par exemple) améliorerait certainement le rendu et mettrait en exergue les aspects positifs déjà présents dans cette piste originale. Etonnamment, la bande-son allemande n'a pas trop à rougir en comparaison, les qualités de sa piste monophonique se rapprochent de celles de la version originale (surtout pour les ambiances et la musique) même si elle reste tout de même en deçà au niveau de la dynamique. Et curieusement, l'acteur qui double John Wayne a une voix proche de celle du Duke. Enfin, hélas trois fois hélas pour les amateurs du doublage français, la bande-son qui nous est réservée frôle la catastrophe... Etouffée, aiguë, souvent saturée, chuintante, caractérisée par un souffle régulier et reléguant la musique et les ambiances dans un arrière-plan sonore étriqué et disgracieux, la piste française est à fuir.

Suppléments

Introduction de Patrick Wayne (1 min 50 - 4/3 - DD mono 2.0 - VOST - 2006)
Le fils du Duke est ici convié pour présenter le film suite à sa restauration en 2006. Patrick Wayne avait 15 ans en 1955 et eut la chance de participer au tournage de La Prisonnière du désert. De façon rapide et très succincte, il parle ici des splendides paysages traversés autour de Monument Valley, des conditions de tournage, de sa sensation de se retrouver en plein Far-West et de la relation étroite entre John Ford et John Wayne basée sur des valeurs communes. De façon évidente, Wayne récite de façon appliquée un texte écrit à l'avance, ampoulé et surtout forcé, ce qui donne pour résultat ce court document très scolaire et un peu insignifiant.

Commentaire audio de Peter Bogdanovich (VO)
Pour de nombreux cinéphiles, ce document pourrait représenter la pièce maîtresse de cette édition vidéo. Le réalisateur de La Dernière séance et de La Barbe à papa est un grand connaisseur de l'oeuvre de John Ford. Après avoir écrit de nombreux textes biographiques et analytiques, il réalisa même en 1971 un fameux et émouvant documentaire sur le cinéaste, Directed by John Ford. Il était donc l'artiste tout indiqué pour assurer ce genre d'exercice. Peter Bogdanovich a le bagage nécessaire et l'élocution lente qui convient pour apporter une vision intéressante de La Prisonnière du désert et du cinéma du maître. Malgré les nombreux trous dans la piste sonore (on revient à ce moment-là à la bande-son du film), les informations et les analyses qu'il propose sont très instructives et couvrent tout les champs du film, de la mise en oeuvre du projet au thèmes développés, en passant par l'étude de la mise en scène de John Ford. Hélas, ce supplément sera probablement réservé aux anglophiles, compte tenu du fait que Warner - comme à son habitude... - ne sous-titre jamais les commentaires audio.

The Searchers : an appreciation (31 min - 1.85 - DD mono 2.0 - VOST - 2006)
Ce documentaire réunit les réalisateurs Curtis Hanson, John Milius et Martin Scorsese, filmés séparément, qui donnent chacun leur analyse de La Prisonnière du désert et renseignent sur leur rapport personnel à ce western. Ils évoquent leur souvenir de salles respectif au moment de sa sortie ainsi que leurs premières impressions, commentent certaines séquences précises, évoquent le sens visuel de du cinéaste, l'avantage du format VistaVision, abordent les thèmes traités et les sous-textes, la violence particulière du film, le racisme et la question indienne, l'évolution de John Ford, son rapport au personnage d'Ethan Edwards et son regard sur l'Amérique en construction, les relations entre Edwards et le jeune métis Martin Pawley, l'interprétation fébrile de John Wayne (tous les trois réhabilitent fort à propos ses talents de comédien), l'humanité des films de Ford et sa direction d'acteurs méticuleuse. Ce documentaire réalisé de façon très fluide, et illustré par de nombreuses photos et d'extraits du film, se laisse très agréablement suivre. Il est - presque - toujours instructif d'écouter des réalisateurs s'exprimer sur leurs films favoris en particulier, et sur le cinéma en général, surtout quand à leur vision professionnelle s'ajoute une cinéphilie dévorante (ce qui est bien sûr le cas pour Martin Scorsese et John Milius, très à l'aise dans cet exercice) ; comme ici, leur commentaire mélange habilement précision technique et investissement émotionnel.


A turning of the Earth : John Ford, John Wayne and the Searchers (33 min - 1.33 - DD mono 2.0 - VOST - 1998)
Réalisé par Nick Redman, et dédié à John Ford ainsi qu'à John Wayne, ce documentaire est une sorte de making of un peu bizarre, qui aborde le tournage du film à travers des images d'époque tout en proposant une analyse de certains thèmes via les interventions de quelques personnalités en voix off. Son absence de structure et de cohérence thématique en fait un objet assez insaisissable ; pour le coup, il n'y a certes rien de scolaire ici mais la forme "arty" de ce making of ne lui rend pas nécessairement service. Heureusement, le bon point est qu'il nous livre de très nombreuses images du tournage de La Prisonnière du désert, que le montage met plutôt habilement en relation avec les extraits correspondants. On y entend les voix de Patrick Wayne, John Milius, Pippa Scott, Lana Wood, Dan Ford et Harry Carey Jr. (en fait un tiers lisant un témoignage écrit de l'acteur. On traite ici des dures conditions de tournage, de la construction des décors et de la structure de production en plein désert, de l'amour de Ford pour les paysages de l'Ouest américain, de la direction d'acteurs du cinéaste et de sa relation aux Indiens, des personnages du film, de la forte complicité liant Ford et John Wayne, de l'interprétation intense de ce dernier dans la peau d'Ethan Edwards. Si les images d'archives nous procurent souvent de l'émotion, le manque de fil directeur et de construction dramatique de l'ensemble risque de laisser beaucoup de spectateurs sur le carreau.


Behind the Cameras : episodes from the 1956 TV series "Warner Bros. presents" (4/3 - DD mono 2.0 - noir et blanc)
Ces modules sont issus d'une émission télévisée de l'époque qui assurait la promotion de La Prisonnière du désert sur le petit écran. Cette édition vidéo nous en propose quatre : Meet Jeffrey Hunter (4 min), Monument Valley (6 min), Meet Natalie Wood (5 min 50) et Setting up production (5 min 55). On y voit l'acteur Gig Young assurer à chaque fois la présentation des épisodes et l'on se rend compte que les images du tournage présentes dans le making of viennent de cette série Warner qui constitue une sorte de journal de production ; on pourra ici les apprécier plus tranquillement dans leur contexte. Si l'on met de côté le caractère pompeusement promotionnel de ces courts documents, on pourra trouver son plaisir à entrevoir quelques aspects du tournage de l'un des plus grands films du cinéma américain.


Enfin, la liste des suppléments s'achève par deux bandes-annonces (en version originale non sous-titrée), celles de La Prisonnière du désert (2 min 47) et de L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (1 min 13).

Par Ronny Chester - le 21 décembre 2013