
Endless Night - Night of the Eagle
BLU-RAY - Région B
Studiocanal
Parution : 29 mai 2024
Image
Endless Night
Inédit sous support numérique en France (où il avait été exploité, en salles, sous le titre La Nuit ne finit pas), Endless Night était sorti en 2020 successivement chez les Britanniques de Powerhouse Films puis Américains de Kino Lorber, annonçant "une nouvelle restauration à partir d'un scan 4K" (sans que l'on sache la nature des sources utilisées ou la date du scan). Ces éditions étaient extrêmement similaires, à de menues nuances près, et c'est manifestement la même source qui est ici utilisée.
Le rendu est plutôt homogène, avec une restitution fidèle de cette photographie typique du cinéma britannique des années 70, et un grain argentique préservé assez naturel - pas de retouches numériques abusives de ce côté là. Le rendu est plutôt doux, avec quelques touches chromatiques appuyées de-ci de-là (sur les rouges notamment). Quelques plans furtifs moins bien définis (voir le photographe sur la capture n°16) et d'assez régulières stries blanches verticales (voir captures 8 et 11). Le rendu est moins fin en basses luminosités (voir capture 21), mais les scènes nocturnes sont rares.
Night of the eagle
On en sait guère plus sur l'origine du master utilisé ici (si ce n'est que Kino Lorber avait, là encore, sorti un bluray US en 2015 et qu'un comparatif sur captures laisse percevoir de grandes similitudes), mais le résultat est très satisfaisant.
L'ensemble est propre (moins de scories, indéniablement, que pour Endless night ci-dessus), stable et d'une bonne homogénéité. La belle photographie contrastée est joliment restituée, et les gros plans (voire les très gros plans, assez nombreux dans le film - voir captures 38 et 46 dans la galerie ci-contre à droite) permettent d'apprécier la très bonne définition (aux quelques défauts de mise au point lors de la prise de vue, mais cela n'est pas spécialement pertinent ici). La qualité de détail est telle que certains effets s'en trouvent malencontreusement révélés (reflet de l'équipe, fil à la patte de l'aigle...). Les séquences nocturnes, en particulier, permettent d'apprécier une belle profondeur. Le grain est discret mais préservé, et offre un rendu naturel en mouvement.
Son
Endless night
Le mixage de la version DTS-HD Master Audio 2.0 est peut-être un peu bas, et il faut parfois tendre l'oreille (ou monter le volume) pour bien saisir tous les dialogues. L'ensemble (voix, musique, ambiance) navigue plus globalement sur un spectre assez restreint, qui manque ainsi de nuance ou de dynamisme. Cela n'empêche toutefois pas de suivre le film avec un confort d'écoute honorable.
Night of the eagle
Là aussi, le mixage est peut-être un peu bas, même si tous les dialogues sont perceptibles et l'équilibre global est maintenu, avec une présence plutôt harmonieuse de la partition de William Alwyn. Le relief est modeste, si ce n'est pour quelques stridences qui peuvent faire sursauter.
Suppléments
ENDLESS NIGHT
Préface de Jean-Baptiste Thoret (8 min - HD)
Comme le veut la tradition (et on aurait bien du mal à faire sans), le maître d'oeuvre de la collection Make my day propose une présentation du film (visible avant ou après, ici, ça n'a que peu d'importance, dans la mesure où les plus grosses révélations restent passées sous silence), qui évoque dans un premier temps le roman d'Agatha Christie, paru en 1967, un "roman tardif" qui marque d'une certaine manière pour l'auteure, alors âgée de 77 ans, "un désir d'entrer dans la modernité". Deux lectures s'imposent, dans ce film "assez subtil" : celle de la "machination diabolique", mais aussi une "vision critique de la lutte des classes", comme Jean-Baptiste Thoret l'explicite ensuite. Après avoir brièvement parlé du casting (avec le débit hallucinant qui est le sien, Thoret concède parfois des lapsus, on a ainsi été surpris, évoquant Britt Ekland, de l'entendre attribuer The Wicker Man à Peter Sasdy plutôt qu'à Robin Hardy), il lie le succès du film, notamment en Italie, avec l'émergence du giallo (une de ses marottes), avec lequel le film peut entretenir certains liens, et souligne, dans la réussite de ce "film étrange, par moments malaisant", le double lien avec Alfred Hitchcock, à travers les contributions de Sidney Gilliat (scénariste notamment d'Une femme disparait) et de l'incontournable Bernard Herrmann.
Night of the eagle
L'introduction de Jean-Baptiste Thoret (8' - HD) est cette fois complétée d'un plus long module d'analyse signé Philippe Rouyer (33' - HD), et on peut préciser qu'il y a pas mal de redondances d'une intervention à l'autre : on peut, avant le film, avoir les éléments les plus succincts avec l'efficace tenancier de la baraque Make my day (qui évite d'en révéler trop), puis le cas échéant approfondir les choses, de façon plus libre et délayée, avec son énergique et jovial comparse.
Jean-Baptiste Thoret parle de ce "film un peu oublié" de Sidney Hayers (dont la seule autre oeuvre fantastique, Circus of Horrors, avait déjà fait l'objet d'une édition antérieure dans la collection Make my day) en le situant parmi les "trois joyaux du cinéma britannique des années 60 traitant de la sorcellerie, de l'occultisme et de la magie noire" (avec Night of the Demon de Tourneur et The Devil rides out de Terence Fisher), et - au sein du contexte général lié à l'adaptation du roman de Fritz Leiber, des analogies avec le chef d'oeuvre de Jacques Tourneur, du casting ou de ce "gimmick" lié au prologue américain du film (voir plus bas) - vante notamment ses qualités esthétiques, "entre film fantastique et film noir", ne manquant pas, à la toute fin, l'occasion de citer Dario Argento.
Philippe Rouyer commence en évoquant l'envie de Charles Beaumont et Richard Matheson, les maîtres d'oeuvre, notamment, de la Quatrième dimension, de "faire un truc ensemble", et évoque donc plus précisément leur adaptation du roman de Fritz Leiber, daté de 1943, déjà passé à l'écran en 1944 dans un film avec Lon Chaney Jr. Il insiste sur la singularité du film, qui situe la sorcellerie dans un cadre "universitaire", avec des protagonistes "éduqués" et "cartésiens", et fait ressortir cet instant particulier dans le cinéma fantastique, au début des années 60, qui "actualise" le genre "dans le concret". Au sein d'une prise de parole enthousiaste mais un peu décousue, il mentionne la plupart des idées formelles du film (le travail sur les figures archétypales comme le chat noir, l'utilisation du son...), mais situe une modernité du film dans sa description des personnages féminins, "des femmes sans enfants", "qui agissent" et "se présentent comme autre chose que des potiches". Si on a un peu l'impression, dans les dernières minutes, qu'il avait regardé le film un peu distraitement la première fois (il insiste plusieurs fois sur des éléments qu'il estime difficile à percevoir lors d'une première vision), ses réserves les plus marquées se situent dans la comparaison (inégale, il est vraie) avec La Nuit du démon, de Jacques Tourneur : selon lui, Hayers "a du mal à faire plus que quelque chose qui fonctionne bien et qui est beau", et "ses personnages restent des véhicules du scénario", là où le film de Tourneur possédait une "dimension métaphysique", une "vision du monde" particulière.
Le dernier supplément est le prologue américain (2'26'') du film, constitué d'un écran noir et d'une voix-off annonçant au public la nécessité de le désenvoûter avant d'entamer le visionnage du film. Le timbre solennel du narrateur, après quelques généralités sur la sorcellerie à travers les âges, se livre alors à de spectaculaires incantations, au terme desquels le film peut enfin démarrer. Exemple amusant (et typique de l'époque) d'une attraction périphérique à l'oeuvre, venant enrichir l'expérience du spectateur dans la salle.