Lettre d'une inconnue
« C’est à toi seul que je veux m’adresser ; c’est à toi que, pour la première fois, je dirai tout ; tu connaîtras toute ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su. Mais tu ne connaîtras mon secret que lorsque je serai morte, quand tu n’auras plus à me répondre, quand ce qui maintenant fait passer dans mes membres à la fois tant de glace et tant de feu m’aura définitivement emportée... » Extrait de Lettre d'une inconnue (Brief einer Unbekannten) de Stefan Zweig publié en 1922.
Créant souvent l'événement concernant les ressorties des films classiques en salles, le distributeur et éditeur Carlotta propose en cette fin du mois de février 2014 de (re)découvrir au cinéma le chef-d'oeuvre américain du grand Max Ophuls. Lettre d'une inconnue, à la fois woman's picture revisité et mélodrame d'une élégance et d'une exigence rares, est l'un des plus grands films du cinéma hollywoodien des années 1940 dont la beauté formelle, l'intelligence, la sensibilité et le style narratif singulier pour l'époque conservent encore aujourd'hui toute leur puissance. Carlotta présente à cette occasion une version restaurée 2K apte à rendre justice à la splendeur visuelle déployée par l'un des maîtres du cinéma international du XXème siècle.

Lettre d'une inconnue
un film de MAx ophuls (ETATS-UNIS - 1948)
DISTRIBUTEUR : CARLOTTA
DATE DE SORTIE : 19 FEVRIER 2014
EN VERSION RESTAUREE INEDITE (DCP NUMERIQUE)
A propos du film :
En cette matinée de l’an 1900, Stefan Brand s’apprête à fuir Vienne. Il doit se battre en duel contre un mari trompé et ne place pas assez haut son honneur pour risquer ainsi sa vie. C’est alors qu’il reçoit une lettre d’une inconnue, une certaine Lisa Berndle qui lui explique l’avoir aimé d’un amour absolu, n'avoir vécu que dans son ombre. Lettre d’une inconnue est le deuxième film américain de Max Ophuls qui a quitté l’Europe au début de la guerre. Après The Exile, un film de cape et d’épée de bonne facture, ce nouveau film montre un réalisateur parfaitement intégré au système des studios, signant même pour l'occasion son premier véritable chef-d’œuvre. Le directeur de la photographie, Franz Planer, vient lui aussi d’Allemagne et il a déjà collaboré avec Ophuls sur Liebelei et deux autres courts films allemands ainsi que sur The Exile. Futur directeur de la photographie des 5 000 doigts du Dr. T, de 20 000 lieues sous les mers ou encore du Vent de la plaine, il sublime les déjà merveilleux décors de studio conçus par le grand Alexander Golitzen, et fait de cette Vienne artificielle un personnage à part entière du film. Grâce aux moyens des studios hollywoodien, Ophuls a l'opportunité de mettre en place ces complexes mouvements de caméra dont il a le secret, nous promenant dans la ville, le long des rues et des quais de gare, nous faisant pénétrer dans les intérieurs, les couloirs et les salons, remontant le long de ces vastes escaliers qu’il aime tant, orchestrant une savant ballet entre les acteurs et leur environnement.
D’une incroyable fluidité, ces mouvements, qui suivent au plus près les personnages, confèrent par leur rythme une impression de rêve, de flottement, de douceur mais aussi de profonde mélancolie au film. C'est Howard Koch qui signe l’adaptation de cette nouvelle de Stephen Zweig et, comme souvent chez cet admirable auteur qui a collaboré entre autre à L’Aigle des mers, Sergent York et Casablanca, le scénario s’intéresse avant tout à la psychologie des personnages. Mais il propose également une construction savante qui imbrique avec brio les temporalités, le film prenant la forme d’un long flashback sur la vie de Lisa Berndle. Lisa vit une histoire d’amour impossible, toujours reportée puis, à peine entamée, déjà enfuie. Stefan, de son côté, à toutes les apparences du Don Juan frivole, du coureur de jupons invétéré. Mais Koch découvre peu à peu son visage, et Stefan dévoile une vérité profonde qui dépasse sa simple apparence de dandy un brin décadent. Comme toujours chez Ophuls, il faut enlever les masques pour entrapercevoir les hommes. Magnifiquement interprété par Joan Fontaine et Louis Jourdan, magistralement écrit, porté par la mise en scène constamment inspirée de Max Ophuls, Lettre d’une inconnue est l’un des plus beaux et des plus bouleversants mélodrames du cinéma hollywoodien.