Réalisateur que j'aime beaucoup aussi, habile dans tous les registres ! Je remets quelques avis ici
Highly Dangerous de Roy Ward Baker (1950)
Un film d'espionnage aussi fantaisiste qu'efficace que ce Highly Dangerous . Margaret Lockwood est ici une entomologiste que les services secrets britanniques envoient dans un pays de l'est pour étudier les insectes d'un laboratoire local soupçonnés d'être modifié génétiquement pour une attaque biologique. A partir de ce pitch nous sommes partis pour 85 minutes trépidantes, inventives et bourrées de rebondissements inventifs. Au départ avec cette scientifique sérieuse on a le sentiment que Margaret Lockwood délaisse les rôles piquant qui ont fait sa renommée mais quelques indices laissent poindre que ce ne sera pas tout à fait le cas. Elle refuse la mission qui lui est proposée dans un premier temps mais le script révèle les lubies de cette femme rangée lorsqu'on nous la montre surexcitée au volant par un serial radio d'espionnage qu'elle écoute pour le narrer à son neveu avec moult détails.
On ne s'embarrasse pas trop de réalisme (pas de formation au terrain, un rapide briefing et elle est dans l'avion) et on se trouve déjà dans cette république totalitaire hostile. Roy Ward Baker instaure d'emblée une atmosphère oppressante notamment lors de l'arrivée de Margaret Lockwood (dont le jeu anxieux fait merveille) à la gare où la photo de Reginald H. Wyer joue superbement sur les ombres pour y rendre la moindre silhouette menaçante. Autre atout de taille, Marius Goring grimé et bien vieilli qui campe un mémorable méchant avec ce chef de police à la bonhomie de façade et assez redoutable et perspicace. Le début voit le piège se refermer sur Margaret Lockwood dont le contact est rapidement tué et qui se retrouve aux mains de la police locale. On aura droit à une éprouvante scène d'interrogatoire (ou le montage percutant d'Alfred Roome fait merveille pour traduire la confusion de l'héroïne) avant qu'un étonnant rebondissement nous emmène dans une direction inattendue. Soumise à un sérum de vérité, Margaret Lockwood pour ne rien révéler se réfugie dans son inconscient et fusionne sa personnalité avec celle du héros radio qu'elle écoutait au début (ce qui est annoncé subtilement précédemment lorsqu'elle choisit Frances "Conway" comme couverture soit le même nom que le personnage radio). Stupéfaction alors notre frêle et fragile héroïne se métamorphose pendant près d'une demi-heure en quasi barbouze totalement casse-cou laissant son seul allié le journaliste Bill Casey (Dane Clarke) complètement dépassé.
Totalement fantaisiste sur le papier, l'argument fonctionne parfaitement à l'image grâce à l'efficacité et au rythme soutenu qu'instaure Baker ne nous laissant pas réfléchir à l'improbabilité de la chose. Margaret Lockwood est excellente pour exprimer ce basculement passant de la fébrilité apeurée à la détermination sans faille et comiquement on a parfois l'impression que c'est Dane Clarke qui remplit le cliché de figure "féminine" peinant à suivre le héros énergique (même si les choses rentrent un peu plus dans l'ordre sur la toute fin). Le suspense est redoutable et les péripéties variées notamment une traque finale en forêt des plus palpitante et une fuite finale des plus fine. On sentait déjà le savoir-faire de Roy Ward Baker dont c'est un des premiers films et qui serait un touche à tous des plus doué du cinéma britannique notamment au sein de la Hammer. Excellent et très enlevé divertissement en tout cas. 4,5/6
Troublez moi ce soir (1950)
Des clients fortunés d’un grand hôtel, appelés à se rendre à une soirée, font appel à une baby-sitter pour garder leur fille. Leur choix se porte sur Nell, la nièce du garçon d’ascenseur, une jeune femme gentille et discrète d’apparence. Mais Nell se révèle vite être une personne psychologiquement instable. Ce que va découvrir un voisin de chambre, d’abord attiré par sa beauté et son mystère.
Après une série de second rôles remarqués où elle sut faire apprécier ses talents d'ingénue au sex-appeal ravageur (Quand la ville dort de John Huston en 1950,
All About Eve de Mankiewicz (1950),
Chérie, je me sens rajeunir de Howard Hawks (1952))
Don't Bother to Knock était donc pour la Fox un véhicule idéal pour mettre en valeur la star montante qu'était Marilyn Monroe. Celle-ci saura exploiter son physique avantageux vers une noirceur surprenante l'année suivante en jouant la vénéneuse femme fatale de
Niagara (Henry Hathaway, 1953) et annonce déjà son penchant pour les personnages troubles en jouant cette fois de sa vulnérabilité dans
Troublez-moi ce soir. Elle est d'ailleurs le principal atout de ce petit thriller à l'intrigue simple. Elle campe ici Nell, une jeune femme appelée pour faire la baby-sitter des riches clients d'un hôtel par à l'entremise de son oncle garçon d'ascenseur. Dès sa première apparition, une sourde angoisse et un certain malaise semble se dissimuler derrière ses manières douces, ce qui va dangereusement se vérifier. D'une gentillesse forcée avec la fillette qu'elle garde, elle va d'abord arborer tenues et bijoux de ses patrons et prolonger son fantasme en séduisant le voisin d'en face, Jed (Richard Widmark) en froid avec sa petite amie.
Il faut toute la conviction de Richard Widmark et Anne Bancroft (dans son premier rôle) pour s'intéresser au sort du couple au second plan dans ce récit en huis-clos alors que l'on est captivé dès que Marilyn est à l'écran. De son visage triste et allure fragile peuvent surgir en un instant le regard et le geste le plus menaçant (glaçant moment où la petite fille est suspendue à la fenêtre) et quand elle fait son numéro de vamp séductrice parait constamment ailleurs, extérieure aux évènements dans une quête indistincte d'affection.Il en faudrait peu pour que le film s'aventure dans des territoires plus inquiétants mais la mise en scène trop sage d'un Roy Ward Baker qu'on a vu plus inspiré (malgré quelques moments réussis comme la silhouette de Nell formant une ombre terrifiante pour la petite fille recroquevillée dans son lit) et le script unidimensionnel atténue tout ce potentiel. Reste donc une Marilyn fébrile qui déjà brille à susciter la compassion et l'empathie malgré les actions néfastes de son personnage, plus victime que criminelle. Il est vraiment dommage qu'elle n'ait pas eu l'occasion creuser ce registre par la suite mais à elle seule elle assure la postérité de ce
Troublez-moi ce soir. 4/6
L'évadé du camp 1 (1957)
Seconde Guerre mondiale, 5 septembre 1940, lors des opérations de la Bataille d'Angleterre. L'aviateur allemand Franz von Werra, abattu au-dessus de l'Angleterre, est fait prisonnier. Il ne fournit aucun renseignement aux officiers qui l'interrogent et, de surcroît, parie avec l'un d'eux qu'il s'évadera bientôt et regagnera l'Allemagne. Interné au 'camp n° 1' de Grizedale Hall (Lancashire), il s'enfuit effectivement peu après puis, repris et transféré dans un autre camp, il s'évade à nouveau...
Durant les années 50 et hors du contexte propagandiste qu’incluait la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma se plut à offrir des biopics des grandes figures militaire allemandes du conflit. Parmi les plus fameux on pense à l’excellent
Le Renard du désert (1951) d’Henry Hathaway, captivant portrait de Rommel joué par James Mason.
L’évadé du camp 1 s’attarde sur une icône oubliée, l’aviateur Franz Von Werra resté célèbre pour avoir été le seul prisonnier de guerre allemand qui réussit à s’évader des geôles britannique et à rentrer au pays au terme de mémorables aventures. Avant même ces exploits, Von Werra est un personnage romanesque en diable dont le parcours explique déjà les hauts faits à venir.Descendant d’une noble lignée allemande remontant au XIIIe siècle, Von Werra ne découvrira cette parenté qu’à l’adolescence, sa famille ruinée ayant dû le placer en adoption avec sa sœur Emma alors qu’il est bébé. Cette découverte le bouleverse et renforce son côté rebelle, le voyant fuir à la Nouvelle Orléans alors qu’il n’a que 18 ans, reprendre son patronyme de Von Werra puis s’engager dans la Luftwaffe en 1936. Là encore il se distinguera par son côté flamboyant, s’imposant comme un pilote chevronné, prenant un lionceau comme emblème et gonflant ses statistiques ce qui lui vaudra une certaine notoriété dans l’opinion publique allemande. Ce sont cependant ses spectaculaires évasions qui façonneront sa légende.
Le film de Roy Ward Baker élude en partie ce passif tout en parvenant à exprimer cette dimension excentrique et romanesque du personnage. Dès son crash en terre anglaise et son attitude hautaine face à ses geôliers, on comprend que l’on a affaire à un vrai personnage. Les anglais lui renverront d’ailleurs ce côté vantard en quête de lumière durant son interrogatoire et c’est véritablement par l’audace de ses évasions que le personnage devient progressivement une légende. Production anglaise, le film rivé à son héros est totalement dépolitisé, le parcours de Von Werra ne disant pas grand-chose de l’Allemagne d’alors (si ce n’est leur confiance et sentiment de toute puissance) et dénué de toute allusion au nazisme (les soldats allemands semble ainsi plus des troufions ordinaire que des fanatiques) contrairement par exemple au
Caporal épinglé (1961) de Jean Renoir, saisissant portrait de la déconfiture française.On est ainsi captivé par les aventures de Von Werra sans pour autant ressentir de l’empathie grâce à l’interprétation magnifiquement opaque de Hardy Krüger le rendant aussi charmeur qu’insaisissable, ainsi obsédé par la fuite (le devoir d'un prisonnier de guerre est de s'évader tel est son leitmotiv annoncé d'entrée).. Les évasions iront en crescendo spectaculaire, témoignant à chaque fois d’une facette de la personnalité singulière de Von Werra. Ayant parié une caisse de champagne au chef de camp qu’il s’évaderait, il s’exécute durant une promenade mais les rigueurs de la météo anglaise et la traque en campagne de l’armée et de la population anglaise auront raison de lui mais sa capture sera pleine de panache. Un panache qui se retrouve dans le meilleur moment du film, cette seconde évasion où il dupe son monde en se faisant passer pour un pilote hollandais et accède à l’aérodrome lui donnant accès au avion de chasse anglais. Le charme, le bagout et l’audace de Von Werra épate dans une longue séquence toute en duperie.
Après le sens du défi et l’audace, c’est la profonde détermination de Von Werra qui sera à saluer avec l’ultime évasion. Déporté au Canada, son ultime fuite, la plus improvisée, le verra traverser les paysages enneigés pour gagner les Etats-Unis alors encore pays neutre. Aucune traque ni ennemi duquel se cacher cette fois, l’échappée consistera à aller au bout de lui-même dans ce territoire hostile et glacial. Le personnage gagne enfin son statut héroïque nous faisant oublier son camp pour seulement voir un homme seul et déterminé face à la nature tel ce moment où il traîne une barque sur une interminable lande neigeuse. Epuisé, il trouvera tout de même la force pour un ultime bon mot et pied de nez lancé avec le plus beau des sourire. Une œuvre surprenante et un portrait finalement très original. Un des meilleurs rôles d’Hardy Kruger. 4,5/6