Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Monstres de l'espace

(Quatermass and the Pit)

L'histoire

Lors de travaux de prolongation de la ligne « Hobbs Lane » du métro londonien, les ouvriers font la découverte d'ossements fossiles emprisonnés dans la glaise ; les squelettes sont ceux d'humanoïdes de petite taille et au crâne développé. Par la suite, on découvre également un engin de grandes dimensions, fait d'un matériau extrêmement résistant et qui ne semble pas être du métal. L'armée pense qu'il s'agit d'un missile et fait évacuer la station de métro qui est devenue le centre de toutes les curiosités. Le professeur Quatermass, physicien réputé, est appelé à la rescousse pour étudier la question...

Analyse et critique

Le troisième volet des aventures surnaturelles du professeur Quatermass arrivait tardivement, près de dix ans après le second volet La Marque qui remporta pourtant un grand succès à sa sortie. Nigel Kneale avait pourtant dans la foulée écrit un troisième épisode avec Quatermass and the Pit, qui comme les précédents fut produit sous forme de serial à la BBC en 1958. La Hammer en acquiert bien évidemment les droits et lance la préproduction du film pour lequel Val Guest et Brian Donlevy doivent rempiler pour une sortie prévue en 1963 sur un script de Nigel Kneale. Malheureusement, la Hammer a conclu un deal de distribution avec le studio américain Columbia qui n'a que faire de Quatermass et préfère continuer à exploiter le filon de l'épouvante gothique.

Anthony Hinds (producteur des deux premiers films pour la Hammer) et Nigel Kneale soumettent un script à l'ambition plus modeste en 1964 mais la Columbia mettra à nouveau son veto. En 1966, la Hammer change de partenaire et signe un contrat de distribution avec Seven Arts et la Twentieth Century Fox, rendant enfin possible la production de Quatermass and the Pit. Nouveau maître du fantastique au sein du studio, Roy Ward Baker remplace Val Guest et Andrew Keir prend le relais de Brian Donlevy dans le rôle de Bernard Quatermass. Tous ces atermoiements n'auront pas d'effet sur la norme qualitative de la série puisqu'il s'agit du meilleur des trois épisodes. Lors des travaux de prolongation de la ligne de métro Hobbs Lane, de mystérieux ossements ainsi qu'un engin d'un métal inconnu sont découverts. Quatermass, dépêché sur place, va aller de surprise en surprise en cherchant les origines de ces objets. Contrairement aux autres épisodes où des tunnels de dialogues scientifiques constituaient de vrais creux dans la montée du suspense, ici Roy Ward Baker nous tient près d'une heure en haleine autour de discussions théoriques. Les ossements passent un temps pour des fossiles préhistoriques, avant que la reconstitution ne révèle des êtres humanoïdes disparus et l'engin d'abord pris pour une bombe allemande sa nature extraterrestre. Le ton oscille habillement entre la rigueur scientifique et un irrationnel plus indicible. Le scénario développe ainsi une théorie éculée depuis, mais alors novatrice quant au passage d'aliens venus envahir la Terre sans s'adapter à son atmosphère tout en provoquant les mutations qui conduiront à la naissance de l'Homme.

Parallèlement cette idée prend un tour plus teinté de fantastique, Quatermass and the Pit étant le volet penchant le plus ouvertement vers Lovecraft. La menace ne vient plus du ciel mais des entrailles de la Terre et de la nuit des temps tels les fameux "Grands Anciens" de Lovecraft, les visions de "l'Autre" évoquent les illustrations moyenâgeuses du Malin et la station de métro délestée d’une lettre donne Hobs soit démon en anglais. On retrouve même la nature d'horreur indescriptible dont le contact conduit à la folie, toutes les apparitions restant hors-champ (hormis sous formes de visions mentales, de reproduction ou de créatures éteintes, on ne verra jamais l'extraterrestre/démon en action à l'image) et laissant les témoins aux confins de la folie. L'angoisse naîtra donc autant des théories scientifiques, dont les conclusions conduiront à une thèse glaçante, que du côté rituel et ancestral de la menace puisque cette zone aura été témoin de phénomènes étranges à travers les siècles dès qu'on approchait ce tunnel. Même quand arrive l'heure des explications concrètes, le mélange de science et d'occultisme domine et l'on devine où John Carpenter (qui n'a jamais caché son admiration pour le film) a pioché son inspiration pour son terrifiant Prince des ténèbres (1987). Les racines de l'invasion se révèleront ancrées en l'homme de manière inattendue et très originale, se déployant pleinement dans un finale spectaculaire et cauchemardesque où enfin nous verrons la silhouette du mal absolu.

Loin de la prestation antipathique et rigide (mais pas inintéressante) de Brian Donlevy, Andrew Keir campe un Quatermass bien plus attachant (et proche de la vision de Nigel Kneale), humaniste et vulnérable, constituant la meilleure incarnation du personnage. On tremble en voyant sa raison vaciller lors du climax, et les seconds rôles s'avèrent remarquables : Julian Glover en militaire obtus niant l'évidence, l'anthropologiste flegmatique joué par James Donald et son assistante sensible aux forces occultes jouée par la belle Barbara Shelley. Fascinant, original et terrifiant, le meilleur Quatermass et un grand classique Hammer.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 22 octobre 2021