J'ai dévoré l'oeuvre d'avant guerre de Duvivier dans ma jeunesse et cela faisait quelque temps déjà que l'envie de la revisiter me titillait. J'ai donc attaquéle coffret Criterion "Duvivier in the thirties".
David Golder (1930)
A Paris, David Golder, homme d'affaire d'une soixantaine d'années, a des revers de fortune, pendant que son épouse dépense sans compter dans une villa à Biarritz. Il doit aussi faire face à la pression de sa fille, jeune femme insouciante habituée au luxe.
Dès les premières minutes ce qui fait toute le prix et la singularité du cinéma de Duvivier saute aux yeux.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Le début oú Golder "exécute" en quelques mots un ancien partenaire est extraordinaire.
Il faut dire ici l'incroyable acteur qu'est Harry Baur jouant aussi bien de son physique imposant que de sa voix doucereuse. Duvivier en tire le meilleur et il feront 7 films ensemble.
La mise en scène est extrêmement tendue, avec une alternance de gros plans et de mouvement très dynamiques. Dans le court texte d'accompagnement Criterion , le commentateur dit que la caméra de Duvivier rode dans l'espace comme une panthère à l'affût. Que dire de plus ...
Duvivier invente constamment avec une suite de plans surprenants, elliptiques, toujours porteurs d'un propos et d'un force étonnante (la fille dormant sur le canapé du casino, le visage du domestique servant le vin, la promenade captée au niveau des chaussures, le découpage de la scène d'affrontement entre Golder alité et son épouse...). Chaque fois que le film pourrait risquer de tomber dans la facilité ou la caricature, sa mise en scène transcende (je pense ici par exemple à la confrontation finale entre Golder et sa fille, par exemple). Duvivier m' impressionne aussi toujours dans les scènes de groupe: ici lors de la description de la fête à la villa ou lors de la négociation avec les soviets en fin de film.
Enfin il ne faut oublier qu il s'agit du premier film parlant de Duvivier et que visiblement il a parfaitement saisi le potentiel du nouveau média : bruitage, utilisation de voix hors champs, ...
Le film est très noir et misogyne Sur ce dernier point, le personnage de la fille est intéressant car Duvivier en préserve l'ambiguïté jusqu'a la fin. A noter que Duvivier est crédité aussi pour le scénario et les dialogues ( adaptation).
La fin du film est finalement l'élément le plus faible. Non pas que son traitement soit inférieur au reste mais elle est artificielle et trop démonstrative.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Ce passage de flambeau avec le jeune migrant juif, reprise de ce que fut Golder dans sa jeunesse, est invraisemblable et n'ajoute rien au propos.
Une fin plus sèche aurait été plus dans la continuité logique.
En résumé, Sur un sujet de mélodrame assez convenu, Duvivier propose un très bon film d'une grande modernité.
C'est peut dire que je suis de nouveau accroché et me délecte par avance de voir ou revoir les autres films.
bruce randylan a écrit :David Golder ( 1930 )
...
L'absence de musique aussi date un peu le film mais ce n'est pas si gênant et l'utilisation que fait Duvivier de chœur à la fin dénote qu'il avait déjà bien assimilé les possibilités du cinéma parlant.
...
Je n ai pas trouvé que l'absence de musique soit une faiblesse du film, au contraire. Ceci ajoute au côté naturaliste.
bruce randylan a écrit :David Golder ( 1930 )
Toujours est-il que sur le fond sa mise en scène ne subit pas en revanche les contraintes dû à la prise de son. C'est bien moins mobile qu'avant mais le film ne manque pas travelling et d'idée de mise en scène. ....
On sent tout de même que la caméra de Duvivier s'est alourdi et on devine que 5 Gentleman maudit, son film suivant, est une réponse à ces contraintes avec son tournage intégralement en extérieur et au Maroc.
...
Si le cinéma muet de Duvivier est encore plus agile, il faut que le découvre rapidement : "au bonheur des dames" sur la liste. A part ce titre et Poil de carotte première version, d autres titres sont visibles ?