Filmer l'histoire (index p. 1)

AlexRow · Message par **AlexRow** » 22 oct. 05, 15:27

L'Histoire, c'est la connaissance du passé des hommes. Mais quelle connaissance ? Celle de la "poussière des évènements" (Henri-Irénée Marrou) - ou histoire-chronique ? Celle de l'anecdote - ou histoire-sentimentalisme ? Celle des historiens : l'histoire-problème ? Comment faire de l'histoire avec un médium qui est lui-même un art ?

La relation entre cinéma et histoire est complexe. Elle est marquée par :
- La nécessité de produire de l'entertainment avec une matière plutôt considérée comme austère.
- Un rapport contaminant des intérêts contemporains sur la représentation du passé.
- la nécessité d'incarner des mouvements de fond (sociaux, économiques, culturels)...

Quels ont été les films qui se sont frottés à l'histoire des hommes et des sociétés et comment se sont-ils accomodés de toutes ces contraintes ?

LES FILMS SUR L'ANTIQUITÉ
Pharaon par LucyMuir

LES FILMS SUR LE MOYEN ÂGE
The Warlord et un autre avis par Max Schreck
Procès de Jeanne d'Arc

LES FILMS SUR LES TEMPS MODERNES
Le Métier des armes
Elizabeth par LucyMuir
Louis enfant roi et un autre avis par Robert McCall
La Prise de pouvoir par Louis XIV
L'Allée du roi par LucyMuir
Marie-Antoinette

LES FILMS SUR L'ÉPOQUE CONTEMPORAINE
Buffalo Bill (William Wellman, 1944)
La Grande illusion
Le Dernier empereur
La Chute
Lili Marleen par John Constantine
Manon par le Commissaire Juve

AlexRow · Message par **AlexRow** » 22 oct. 05, 15:27

Le Métier des armes (Ermanno Olmi, 2001). Les derniers jours de Giovanni delle bande nere de' Medici, neveu du pape Clément VII. Le contexte historique est celui du plus grand traumatisme vécu par les Italiens de l'époque moderne. En hiver 1526, la papauté s'apprête à payer le prix de sa politique duplice qui mit en balance les pouvoirs opposés de François Ier de France et de l'empereur Charles Quint. Une armée de lansquenets allemands envahit la péninsule et se dirige vers Rome. Face à lui, le général Frundsberg ne rencontre pas d'opposition ; seul Jean de Médicis - à la tête de ses Bandes noires - harcèle ses troupes pour en retarder l'avancée. C'est là la trame des évènements qui à eux seuls pourraient fournir la matière à un film d'action/politique. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas du tout l'intention d'Ermanno Olmi. Derrière cet évènement qui concrétise de manière dramatique toute la longue histoire des luttes entre les partisans du pape et ceux de l'empereur, Olmi raconte le moment où la tradition chevaleresque médiévale est éclipsée par le triomphe du mercenariat et de l'artillerie. Il s'agit d'un authentique film d'histoire-problème : celui de la "révolution militaire" du XVIe siècle qui transforma définitivement la nature du pouvoir, des conflits et de la société aristocratique. Avec goût et maîtrise, campant des scènes de tragédie, le réalisateur transforme chaque personnage en archétypes : le chevalier, le bourgeois, le soldat, le courtisan, le seigneur... autant de portraits à la manière des ideal type de Max Weber mais recouverts de chair. la réalisation est austère et artificieuse, mais au meilleur sens du terme : celui d'art qui a conscience de lui même. En ce sens, il peut être considéré comme un très bel exemple de cinéma maniériste - celui de la bella maniera - comme le cinéma de Fellini est souvent qualifié de baroque. Une très grande réussite.

Catégorie : sociologie historique (approche problématisée)

Deux ouvrages admirables pour étudier la "révolution militaire" de l'époque moderne :

Très beau livre de la collection des Atlas des guerres traduite en français chez Autrement. De nombreux documents sont commentés par un texte clair qui présente et évalue les innovations techniques et leurs conséquences sur la société européenne de la Renaissance. C'est particulièrement intéressant car la guerre était omniprésente et a été un élément clef dans l'identité de cette époque, au même titre que l'art.

Un ouvrage-somme sur les diverses interprétations qui ont été faites de la "révolution militaire".

et bien sûr, toujours incontournable :

harry callahan · Message par **harry callahan** » 22 oct. 05, 15:34

Un titre qui me vient à brûle pourpoint :

Spartacus

AlexRow · Message par **AlexRow** » 22 oct. 05, 15:36

harry callahan a écrit :Un titre qui me vient à brûle pourpoint :

Spartacus

Et quel titre ! Rien que pour lui, il faut rajouter une catégorie : l'histoire-exempla - un genre qui, dans la grande tradition des portraits moraux de l'Antiquité, montre les vertus d'un homme et les donne en sujet de méditation et en exemple de conduite de vie.

Holly Golightly · Message par **Holly Golightly** » 22 oct. 05, 15:45

AlexRow a écrit :Le Métier des armes (Ermanno Olmi, 2001).

+1 ! C'est absolument magnifique !

AchaB · Message par **AchaB** » 22 oct. 05, 15:46

ben plusieurs, à mon sens, dont certains s'eloignent justement de ce coté entertainment:

-La Bataille du Rail (1946 René Clement)
-L'Armée des Ombres (1969 Melville)
-Les Sentiers de la Gloire (Kubrick)
...y'en a plein d'autres mais ceux là, a mon sens peuvent meriter le vrai rang de film historique (dans tous les sens du terme, d'ailleurs).

Melmoth · Message par **Melmoth** » 22 oct. 05, 15:52

Andrei Rublev !

harry callahan · Message par **harry callahan** » 22 oct. 05, 15:57

Ben Hur, même s'il dépeint des personnages fictifs, donne un sacré aperçu de l'empire romain dans son ensemble.

Coxwell · Message par **Coxwell** » 22 oct. 05, 16:10

Jack Griffin · Message par **Jack Griffin** » 22 oct. 05, 16:14

Récemment Kingdom of Heaven décrivait un parrallèle explicite entre les évenements décrits dans le film et les conflits actuels au proche et moyen orient.

Sinon je ne pense pas qu'il soit bon qu'un cinéaste fasse dans l'exhaustivité et la stricte objectivité un but à atteindre, comme le ferait légitimement un historien; il risquerait de tomber dans le trop plein didactique. L'artiste doit avant tout avoir une relation affective aux évenements, ce qui nécessite une vision subjective ainsi que l'ommission ou l'amoindrissement de certains évenements.

Bon sinon j'ai une certaine attirance pour les films se passant dans la france du XVII et XVIIIie siecle (Danton, la révolution française, l'anglaise et le duc, la prise de pouvoir par louis XIV, molière etc...)

Et encore un petit mot pour faire de la pub sur Reds

Holly Golightly · Message par **Holly Golightly** » 22 oct. 05, 16:15

La prise du pouvoir par Louis XIV de Rossellini

Jack Griffin · Message par **Jack Griffin** » 22 oct. 05, 16:16

Holly Golightly a écrit :La prise du pouvoir par Louis XIV de Rossellini

trop tard

AlexRow · Message par **AlexRow** » 22 oct. 05, 16:17

Bon vous êtes gentils les enfants mais maintenant il faut rédiger un post sur le film

AlexRow · Message par **AlexRow** » 22 oct. 05, 16:22

Jack Griffin a écrit :Récemment Kingdom of Heaven décrivait un parrallèle explicite entre les évenements décrits dans le film et les conflits actuels au proche et moyen orient.

Certes mais le film, s'il n'est pas rigoureusement exact est historiquement parfaitement juste. Les enjeux, les groupes en situation, les évènements clefs, les portraits des principaux protagonistes sont concordants avec les sources sur la période. Pourtant, il ne s'agit en aucun cas d'un film didactique. En revanche, c'est un film qui par son approche de la politique du Proche-Orient transpire la tradition politique britannique.

Roy Neary · Message par **Roy Neary** » 22 oct. 05, 16:25

Jack Griffin a écrit :Sinon je ne pense pas qu'il soit bon qu'un cinéaste fasse dans l'exhaustivité et la stricte objectivité un but à atteindre, comme le ferait légitimement un historien; il risquerait de tomber dans le trop plein didactique. L'artiste doit avant tout avoir une relation affective aux évenements, ce qui nécessite une vision subjective ainsi que l'ommission ou l'amoindrissement de certains évenements.

Zut, c'est que j'allais dire.

Je préfère une vision personnelle d'un artiste qui circonscrit cette dernière à la destinée d'un personnage. Tenter d'approcher la grande histoire à travers la petite histoire d'un être prius dans la tourmente des événemnents (qu'il soit acteur ou victime de ceux-ci) me semble le plus beau des challenges quand un cinéaste se frotte à l'Histoire.