Jenny de Marcel Carné (1936) – Françoise Rosay, Albert Préjean, Lisette Lanvin, Jean-Louis Barrault, Robert Le Vigan, Charles Vanel. ♪ Joseph Kosma – Scénario et Dialogues Jacques Prévert, Jacques Constant.
Danielle, quitte Londres pour Paris après une déception amoureuse. Elle y retrouve sa mère qui lui cache ses activités. tenancière d’une boite de nuit fréquentée par des clients friands de jolies femmes.
En 1936, après avoir été critique de cinéma et l’assistant de Jacques Feyder, Marcel Carné se lance dans la réalisation. Cette période est celle de l’effervescence et de la prospérité artistique et il participe de cet élan. Il choisit de porter à l’écran, un mélo de peu d’envergure :
Prison de velours de Pierre Rocher et convainc Jacques Prévert d’en assurer l’adaptation. Charge à lui de malmener le matériau original, d’y ajouter des personnages hauts en couleur, d’y greffer des répliques gouailleuses, de convoquer une faune interlope.
Charles Vanel, Jean-Louis Barrault, Robert Le Vigan enfilent des costumes taillés sur mesure, s’approprient des dialogues percutants et nouveaux qui déstabilisent un peu la critique de l’époque.
Carné ne s’arrête pas là, il tire le spectateur par la manche pour le sortir des intérieurs Art déco où évoluent Jenny (Françoise Rosay) et ses clients. Il insuffle de la vie et de la vérité saisies en extérieur – La gare du Nord, le canal de l’Ourcq, le trottoir au pied d’un immeuble où chante le jeune Mouloudji. Il nous balade dans Paris, où il tournera régulièrement. La réalité parait plus palpable. Dès son premier film, Carné abolit les distances, son regard balayant les diverses strates de la société, du comptoir des petits bistrots aux riches messieurs libidineux, du chanteur des rues au gigolo et consort.
On l’aura compris, ce n’est pas la ligne mélodramatique du film qui en fait son intérêt : Jenny s’efforçant de cacher ses activités à sa fille et son amour pour un gigolo dont Danielle s’éprendra à son tour. Ce qui est passionnant, c’est d’observer la naissance de l’univers d’un jeune cinéaste. Pour exemple, les dialogues, les intonations, le jeu d’Albert Préjean et de Lisette Lanvin sur le pont du canal de l’Ourcq font écho à une scène du Quai des brumes entre Gabin et Morgan. Les rôles du Dromadaire, de l’Albinos, de Florence esquissent une galerie de personnages atypiques et formidablement croqués.
Pour en savoir plus notamment sur la genèse du film et des thématiques récurrentes dans l’œuvre de Carné, je vous renvoie au bonus de l’édition Gaumont :
Marcel Carné, la chance du débutant » (25’) : Documentaire inédit avec les participations de Philippe Morisson, journaliste, et de Didier Griselain, auteur de Françoise Rosay : une grande dame du cinéma français.
J’ai parcouru rapidement à la médiathèque l’ouvrage de David Chanteranne :
Marcel carne, le môme du cinéma français qui m’a paru très documenté.