Louis King (1898-1962)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Louis King (1898-1962)

Message par Jeremy Fox »

Je profite de la mise en ligne ce jour de la critique de Frenchie pour avoir d'autres avis sur ce réalisateur, le frère cadet du grand Henry King. Je me dis qu'il pourrait y avoir d'autres découvertes à faire au sein de sa filmographie.

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Une Femme sans loi (Frenchie, 1950) de Louis King
UNIVERSAL


Avec Joel McCrea, Shelley Winters, Paul Kelly, Elsa Lanchester, Marie Windsor, John Russell, John Emery
Scénario : Oscar Brodney
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Maury Gertsman (Technicolor 1.37)
Un film produit par Michael Kraike pour la Universal


Sortie USA : 25 décembre 1950

Beau cadeau de Noël pour les spectateurs américains que cette excellente comédie westernienne ! Bertrand Tavernier, dans sa présentation du film que l'on peut entendre dans les suppléments du DVD, s'étonne que tout le monde (tout au moins le peu de personnes ayant eu la chance de le voir) parle à propos de Frenchie d'un remake inavoué ou non-officiel de Femme ou démon (Destry Rides Again). Mais, même si l'intrigue est effectivement différente, on ne peut s'empêcher de penser tout du long au film de George Marshall tellement les ressemblances sont innombrables. Le véritable remake de cette histoire écrite Max Brand, maintes fois adaptée au cinéma comme à la télévision, sera réalisé en 1954 par George Marshall lui-même ; le film aura pour titre Destry (Le Nettoyeur), Audie Murphy remplaçant James Stewart, Mari Blanchard se coulant dans le personnage précédemment interprété par Marlène Dietrich. Malgré ce duo nettement moins prestigieux, le résultat était loin d'être déshonorant mais il est vrai aussi, loin de valoir l'original. En revanche, la surprise est de taille concernant Frenchie puisque ce western de Louis King peut se targuer d'être au contraire aussi délicieux que son notoire prédécesseur. Les westerns humoristiques réussis étant tellement peu nombreux, il faut se ruer sur ce genre de perles rares d'autant que cette dernière est relativement méconnue à tel point que le film est relégué dans le catalogue exhaustif de Phil Hardy dans les listes de titres en fin d'ouvrages ne bénéficiant d'aucune notules.

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Près de Bottleneck, Frank Dawson est tué par deux de ses acolytes. Sa fille, alors âgée d'une douzaine d'année, a assisté au crime puisqu'elle se trouvait en selle avec son père quand ce dernier a reçu la balle mortelle. 15 ans plus tard, sous le nom de Frenchie Fontaine (Shelley Winters), elle revient au pays espérant le venger. Durant ce laps de temps, elle s'était établie à la Nouvelle Orléans où elle était vite devenue célèbre en tant que propriétaire de salle de jeu. Sa réputation 'd'immoralité' étant parvenue jusqu'à Bottleneck, ses habitants voient son arrivée d'un mauvais œil d'autant qu'ils vivaient en paix depuis que le sheriff Tom Banning (Joel McCrea) avait nettoyé la ville avant de la quitter pour cause de peine de cœur. Et en effet, à peine le temps d'avoir mis les pieds dans la ville que Frenchie vient racheter le saloon moribond pour le transformer en véritable palais du jeu avec un personnel exclusivement féminin. Il va de soi que malgré la pudibonderie d'une partie de la population, une majorité s'y rue en foule, privée de plaisir depuis trop longtemps. Frenchie réussit même à ravir la clientèle du casino de Chuckaluck, la ville voisine, dont le propriétaire n'est autre que Pete Lambert (Paul Kelly), l'un des assassins de son père. Avant de le tuer, elle voudrait essayer de lui soutirer le nom de l'autre coupable afin de faire d'une pierre deux coups. Entre temps, les notables de Bottleneck ont demandé à ce que Tom Banning revienne mettre de l'ordre dans leur bourgade. L'homme de loi non-violent va essayer de faire en sorte que Frenchie quitte la ville jusqu'à ce qu'il apprenne sa véritable identité ; à partir de ce moment il va l'aider à mener son enquête tout en l'empêchant de mettre sa vengeance à exécution d'autant qu'il est tombé sous son charme...

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Si l'on peut donc réfuter l'expression de "Remake inavoué", on ne peut que constater les troublantes similitudes entre Femme ou démon et La Femme sans loi à commencer par Bottleneck, le nom de la ville imaginaire dans laquelle se déroule leurs intrigues ; ça ne s'invente pas ! Comme Tom Destry (le personnage interprété par James Stewart dans Femme ou démon), Tom (encore) Banning que joue Joel McCrea, est fils d'un célèbre Marshall. Comme Destry, il vient prendre sa succession en tant qu'homme de loi dans la ville même où son paternel s'était fait une réputation d'homme à poigne n'hésitant pas à jouer du pistolet ; comme Destry, il passe pour un 'Tenderfoot' ne portant pas même d'armes ; comme Destry, son passe temps favori est de jouer à sculpter des petits bouts de bois avec un canif ; comme Destry, il se met à raconter des histoires à tour de bras pour exprimer ses pensées, faire des 'sermons' ou pour 'botter en touche' ("J'ai connu un homme qui...") ; et comme Destry il s'avèrera être en fait un véritable tireur d'élite. Comme dans Femme ou démon, on assistera à un crêpage de chignon homérique entre deux furies devant un parterre d'habitués du saloon, hilares, poussant à ce que le combat se poursuive sans intervenir pour le seul plaisir du spectacle ; comme dans le film de George Marshall, on aura droit à un très beau plan en plongée sur un immense et luxueux comptoir de bar ; comme dans le précédent, on assistera aux diverses descentes d'escalier de la patronne dominant son petit monde : la patronne qui se fait appeler Frenchie alors que Marlène Dietrich avait pour nom Frenchy... Je pense qu'il n'est pas besoin de continuer ce petit jeu des analogies (aussi bien scénaristiques que stylistiques) pour comprendre que tout ceci n'est pas que le fruit du hasard ! Il faudrait être de très mauvaise foi pour avouer le contraire.

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S'il ne s'agit pas d'un remake, c'est à un véritable hommage au film de George Marshall que nous convie le scénariste Oscar Brodney qui avait certainement du le visionner à de nombreuses reprises. Travaillant quasi exclusivement pour le studio Universal, il n'a pas une filmographie mirobolante mais on verra son nom au générique de deux formidables réussites : Romance inachevée (The Glenn Miller Story) d'Anthony Mann et Capitaine mystère (Captain Lightfoot) de Douglas Sirk. Il signera aussi quelques autres scripts assez amusants et bien menés, comme celui de La belle aventurière (The Gal who Took the West) dans le domaine une fois encore du western humoristique ou Double Crossbones de Charles Barton avec Donald O'Connor embarqué dans un joyeux film de pirates. Son travail sur Frenchie est assez similaire que sur ces deux derniers exemples tout en étant bien plus satisfaisant. Oscar Brodney offre à ses interprètes de pétillants et spirituels dialogues : on se souviendra du "Hello Pidgeon" lancé par Shelley Winters à ses clients ou de son « Vous parlez à une femme prête à tout », montrant d'emblée son aplomb et sa détermination à ceux qui voudraient lui mettre des bâtons dans les roues. Une Shelley Winters qui s'en donne à cœur joie et qui semble s'être beaucoup amusée sur le tournage, très convaincante du coup dans ce rôle de femme forte qui mène les hommes par le bout du nez. Beaucoup de piquants et grivois sous-entendus ainsi que d'innombrables situations cocasses comme cette séquence au cours de laquelle Joel McCrea vient 'emprunter' le revolver que Shelley Winters cache dans un fourreau qui lui entoure la cuisse ou bien cette autre où il pique les fesses de Frenchie avec son étoile de shérif. Il faut aussi avoir vu la manière qu'à Joel McCrea de désarmer Paul Kelly lors de leur première confrontation, en levant la jambe très haut, donnant un coup de pied dans l’arme pour la faire sauter des mains de son adversaire tout en lui disant « j’ai appris ça d’une amie dansant le French Cancan.»

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Un film constamment amusant mais tout en retenue, sans jamais sombrer dans la lourdeur ni dans la vulgarité comme c'était le cas des westerns Warner dont le style d'humour était totalement opposé. Mais comme Femme ou démon, il s'agit plus d'un western avec énormément d'humour que d'une véritable comédie. Point d'éclats de rire d'ailleurs mais un sourire constamment vissé aux lèvres. Point de gag plus ou moins réussis mais une suite de situations toutes plus divertissantes les unes que les autres. D'ailleurs, tous les autres participants semblent avoir pris autant de plaisir que le scénariste à tourner ce film. Ce qui donne à ce western ne se prenant jamais vraiment au sérieux un ton bon enfant qui lui sied à merveille. La musique de Hans J. Salter est plaisante, le technicolor est rutilant, permettant aux costumes portés par Shelley Winters de briller de mille feux et à Maury Gerstman de nous délivrer une très belle photographie, chaude et colorée à souhait. Les décors sont d'ailleurs délicieux que ce soit ceux des abords de la ville ou ceux des paysages montagneux aux cimes enneigées, du cimetière sous la colline dominée par l'église ou de ce paisible bord de lac où Joel McCrea et Shelley Winters se retrouvent et où le premier fait un noble 'sermon' à la seconde sur "la haine est un poison". Tout ça pour dire que niveau 'background', les spectateurs en ont pour leur argent.

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Pour en revenir à l'interprétation, s'il s'agit avant tout d'un véritable festival Shelley Winters qui semble s'être pris au jeu avec jubilation, s'amusant même à imiter Mae West, ses partenaires ne sont pas en reste à commencer par Joel McCrea dont c'était le deuxième des trois westerns qu'il devait tourner par contrat pour la Universal (après Saddle Tramp signé Hugo Fregonese). Leurs succès au box-office fut tel que le comédien signa à nouveau pour une salve de trois autres films pour le studio. Joel McCrea avait déjà prouvé son talent dans la comédie ; il le confirme ici. Nonchalant, pince sans rire, il arrive à nous faire oublier le Tom Destry de James Stewart d'autant que son personnage est rendu attachant par son petit côté 'fleur-bleue', ayant quitté la ville suite à une déception amoureuse. A ses côtés, un casting tout à fait réjouissant à commencer par Elsa Lanchester que l'on appelle 'comtesse', proche amie de notre héroïne et dont on doute un peu de la 'noblesse' : une comtesse des courtisanes plus probablement ! Saluons aussi Marie Windsor, comédienne adulée par les amateurs de films noir et qui joue ici la femme qui a abandonnée Joel McCrea par amour du luxe et qui le regrette désormais amèrement lorsqu'elle retombe nez à nez avec son ex-amant pour qui elle éprouve toujours des sentiments. Son pugilat avec Shelley Winters vaut son pesant d'or, rivalisant sans problème avec celui qui opposait Marlene Dietrich à Una Merkel dans le western de George Marshall.

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Il faut dire que Louis King nous a lui aussi agréablement surpris, menant son film avec rythme et efficacité alors que c'est George Sherman qui avait été pressenti pour réaliser le film. Illustre inconnu pour nombre d'entre nous si ce n'est pour ses films 'animaliers' tel Le Fils de Flicka ou Green Grass of Wyoming que les quarantenaires avaient pu voir lors de leurs diffusions le mardi soir à la télévision à le fin des années 70, le frère cadet de l'illustre Henry King n'a certes pas marqué l'histoire du cinéma mais a pu cacher au sein de son imposante filmographie quelques autres petites pépites de cet acabit. Débutant sa carrière en 1919, il fut d'abord comédien avant de tourner des westerns muets à tout petits budgets aux titres assez 'exotiques' : The Bantam Cowboy ,The Fightin' Redhead, The Pinto Kid, The Little Buckaroo, The Slingshot Kid... puis moult films de séries B ou C pour plusieurs studios dont quelques Charlie Chan, Bulldog Drummond ou autres Tom Sawyer. Frenchie se situe vers la fin de sa carrière cinématographique avant qu'il ne se tourne vers le petit écran, réalisant plusieurs épisodes de séries comme Gunsmoke. Curieux que les éditeurs DVD puissent donner leur chance à d'autres de ses films afin de savoir ou non si Frenchie était un 'One Shot'.

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Pour ceux qui aiment le style de western représenté par Femme ou démon (Destry Rides Again), sachez que le film de Louis King se situe vraiment dans la même veine. Western bon enfant, drôle, mouvementé, très bien écrit, très bien interprété, très correctement réalisé, piquant et amusant, il se laisse regarder avec un immense plaisir tout du long d'autant que Shelley Winters s'en donne à cœur joie, s'amusant comme une folle à interpréter ce rôle pittoresque. Je ne me permettrais pas de le conseiller à d'autres qu'aux aficionados du genre mais pour ma part, ce fut une excellente surprise d'autant que, comme dit précédemment, la photographie est superbe, les décors et costumes sont somptueux et que les scènes d'actions sont parfaitement bien troussés (comme souvent à la Universal entre 1948 et 1952, l'âge d'or du studio concernant le western). Il n'y a pas grand chose à en dire de plus ; ce n'est pas pour autant que ça n'en fait pas un film hautement divertissant !

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La Rivière de la poudre (Powder River – 1953) de Louis King
20TH CENTURY FOX


Avec Rory Calhoun, Cameron Mitchell, Corinne Calvet, John Dehner, Penny Edwards
Scénario : Sam Hellman, Stuart N. Lake & Daniel Mainwaring
Musique : Lionel Newman
Photographie : Edward Cronjager (Technicolor 1.37)
Un film produit par André Akim pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 08 juin 1953

En allant voir ce film à sa sortie en 1953, les amateurs de westerns ont du se dire pendant toute la séance que beaucoup d'éléments de l'intrigue ne leur étaient pas inconnus. Un ancien shérif souhaitant ne plus exercer, mais reprenant son métier à contrecœur après qu'un de ses amis se soit fait tuer ; un médecin déchu, atteint d'une maladie mortelle et, n'ayant plus rien à perdre, se mettant du côté de la loi en espérant se faire tuer dans le feu de l'action plutôt que d'être détruit par sa maladie ; le shérif s'éprenant de la fiancée de son nouvel associé qui tombe quant à lui dans les bras d'un Saloon Gal ; le conflit entre les hommes de loi et des frères peu recommandables... Si l'on accole respectivement aux personnages se trouvant dans les situations décrites ci-dessus les noms de Wyatt Earp, Doc Holliday, Clementine, Chihuahua et les frères Clanton, il est évident que ça devient immédiatement plus limpide. Et effectivement, Daniel Mainwairing, sous un nom d'emprunt, a signé une sorte d'adaptation fantaisiste du roman Frontier Marshall de Stuart Lake déjà précédemment porté à l'écran par Lewis Seiler en 1934 avec George O'Brien, puis par Allan Dwan en 1939 (Frontier Marshall – L'Aigle des frontières) avec Randolh Scott, avant que John Ford ne s'en empare à son tour pour signer son prestigieux My Darling Clementine (La Poursuite infernale) avec cette fois-ci Henry Fonda dans le rôle du fameux shérif de Tombstone.

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1875. Chino Bull (Rory Calhoun), ancien marshall célèbre pour son habileté au tir, fatigué de ce métier dans lequel violence et bains de sang rythmaient son quotidien, préfère désormais se consacrer à la prospection de l'or dans la région de Powder River. Parti se ravitailler en ville, lors de son retour au campement Chino découvre son partenaire assassiné, son or volatilisé. De retour en ville, il accepte l'offre (dans un premier temps refusée) que le maire lui avait faite lors de sa halte précédente après qu'il ait réussi à mettre fin à un conflit meurtrier faisant pour victime le shérif ; il accepte donc d'endosser la fonction de nouvel homme de loi de la ville le temps de mener son enquête. Il commence par fréquenter le Saloon Bella Union tenu par la pétillante Frenchie Dumont (Corinne Calvet) et dont l'un des troupiers, Harvey Logan (John Dehner), n'est autre que le frère d'un des hommes qu'il soupçonne d'avoir assassiné son ami. Il en est de plus en plus persuadé lorsqu'Harvey se met à ouvrir un établissement concurrent à celui de Frenchie alors qu'il semblait évident que son salaire n'était pas assez conséquent pour pouvoir se lancer dans une telle affaire. Au cours de son enquête, Chino va trouver de l'aide en la personne du 'garde du corps' de Frenchie, Mitch Hardin (Cameron Mitchell), ancien médecin qui, gangréné par une tumeur au cerveau, sait qu'il n'en a plus pour longtemps à vivre et qui choisit de se lancer à corps perdu dans la lutte contre le crime, préférant mourir en pleine action que terrassé par sa maladie. Sachant sa mort prochaine, il avait abandonné sa fiancée Debbie (Penny Edwards) qui, non au courant du drame à venir, vient d'arriver en ville pour le décider à l'épouser ; elle le trouve dans les bras de Frenchie mais Chino ne va pas tarder à la consoler....

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Si l'on cherche à comparer le film de Louis King avec son illustre prédécesseur, il n'aura aucune chance de s'en sortir au sein de ce combat perdu d'avance. Mais le scénariste ayant bien déguisé ses emprunts, il n'est pas nécessaire de chercher à y voir à tout prix un remake. On peut tout à fait l'apprécier pour ce qu'il est sans tenter de le confronter à ses aînés. Malgré tout, même si assez plaisant, le film n'est pas, loin s'en faut, une très grande réussite. Nous en sommes autant surpris qu'attristé puisque le précédent western de Louis King s'était au contraire révélé tout à fait jubilatoire. Il s'agissait déjà d'une sorte de remake d'un célèbre western, Femme ou démon (Destry Rides Again) de George Marshall avec Marlène Dietrich et James Stewart, et pouvait se targuer d'être aussi délicieux que son prédécesseur notoire. Son titre original était Frenchie (personnage superbement interprétée par une Shelley Winters survoltée), surnom que reprend l'un des protagonistes principaux de La Rivière de la poudre, cette fois sous les traits de Corinne Calvet, la jeune et naïve française au bonnet qui tournait autour de James Stewart dans le sublime The Far Country (Je suis un aventurier) d'Anthony Mann. L'actrice est d'ailleurs assez pétillante dans ce western de Louis King ; sa partenaire, Penny Richards, s'avère quant à elle douce et charmante, la séquence la plus mémorable du film bénéficiant de sa présence. Il s'agit de celle de la balade bucolique au bord d'un lac paradisiaque, se terminant par le recueillement du 'couple' auprès de la tombe de l'ami assassiné du shérif joué par Rory Calhoun. Une pause champêtre inoubliable par les paysages dans lesquels elle se déroule, par le seul très bon thème musical du film, celui consacrée à Debbie, par son rythme apaisé, la douceur de ses dialogues et la sensibilité des sentiments qui s'y expriment. Un instantané qui n'est pas sans rappeler les plus beaux moments des films du frère du cinéaste, l'illustre Henry King ; une scène qui nous fait enfin regretter que le film ne soit pas constamment de ce niveau, celui des plus belles chroniques villageoises du cinéma américain, ce que l'on a tendance à nommer 'les tranches d'Americana' : pour donner une idée plus précise de ce 'genre', Stars in my Crown de Jacques Tourneur est l'un des de ses meilleurs représentants.

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A la lecture du sujet, on se rend compte que le scénario est un mélange d'intrigue policière en milieu westernien, de drame romanesque à quatre personnages et même de tragédie par l'intermédiaire de cet élément concernant la maladie incurable d'un des principaux protagonistes. Et pourtant, au vu du titre français, nous nous serions plutôt attendus à tomber sur un film d'aventure mouvementé ; la traduction littérale du titre original 'Powder River' est ici tout à fait inappropriée puisqu'en anglais il s'agissait du nom de la région dans laquelle se déroule l'histoire et non d'un quelconque cours d'eau. Il n'est en effet question ici ni de poudre ni de rivière (bien que celle-ci soit présente en tout début de film, le campement de nos deux prospecteurs étant implanté sur un de ses bords) mais d'un western au ¾ 'urbain', les seules séquences se déroulant hors de la ville étant celle du prologue, celle de la promenade au bord du lac décrite ci-avant, puis plus tard celle du passage tumultueux de la rivière sur un bac alors que des hors-la-loi tentent de tuer les passagers qui ont pris place à bord. Et puis pour continuer et en finir avec le titre français, il est d'autant plus trompeur que les rares séquences d'action sont bien pauvrement réalisées, sans rythme ni aucune vigueur, le monteur ne sachant pas non plus comment les rendre plus dynamiques : le 'gunfight' final qui aurait du faire pendant à celui d'OK Corral est à ce titre une sacrée déception, expédié en deux temps trois mouvements, probablement par le fait de ne pas savoir comment le filmer correctement. Amateurs d'actions, soyez donc prévenus : non seulement le film n'en comporte pas trop (ce qui en soi n'est pas forcément un mal) mais les quelques scènes agitées sont totalement dépourvues d'efficacité, à l'exemple de celle interminable évoquée juste avant de la traversée de la rivière sur le bac attaqué de la berge par les hors-la-loi : de simples champs/contrechamps avec coups de fusils à droite et à gauche sans aucune puissance dramatique, sans aucun point de vue, sans aucune dynamique.

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Par le manque de rigueur du scénario et surtout par l'absence d'épaisseur dans l'écriture des personnages (il y avait pourtant de quoi faire), le film n'est jamais non plus captivant durant le reste de l'intrigue. Ceci dit, ce n'est pas la faute des comédiens puisque, outre les deux actrices dont on a déjà parlé et qui s'avèrent plutôt convaincantes, Rory Calhoun se révèle excellent dans le rôle du shérif à la force tranquille qui préfère ne pas porter d'armes ; l'acteur aura rarement été aussi charismatique : il faut l'avoir vu prendre avec sang froid l'arme de son adversaire par son barillet pour empêcher ce dernier de pouvoir tourner et ainsi faire partir le coup de feu ; il faut l'avoir vu lors d'une autre séquence extrêmement tendue (dont je vous laisse découvrir les tenants et aboutissants) pointer sans sourciller son fusil sur son associé et le menacer de tirer s'il ne tire pas le premier... Son acolyte qui est revanche assez mal joué par un Cameron Mitchell très peu à l'aise avec ce rôle, cabotinant d'une manière assez déplaisante et rendant ainsi son personnage très peu crédible, notamment lors de sa dernière apparition qui aurait pourtant due, émotionnellement parlant, être le clou du film . Mais hormis cette fausse note dans l'interprétation, le casting est l'une des raisons qui font que Powder River arrive à être plaisant à visionner avec aussi quelques amusantes phrases de dialogues, certains coups de théâtres assez inattendus, un ton parfois attachant, quelques belles séquences élégiaques et certains détails assez cocasses comme celui des pêches en conserve en tout début. Dommage que les deux chansons indiquées lors du générique de début (et probablement interprétées par Corinne Calvet) aient été coupées au montage !

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J'écrivais à l'occasion de la sortie de Femme sans loi : "Illustre inconnu pour nombre d'entre nous, si ce n'est pour ses films 'animaliers' tel Le Fils de Flicka ou Green Grass of Wyoming , le frère cadet de l'illustre Henry King n'a certes pas marqué l'histoire du cinéma mais a pu cacher au sein de son imposante filmographie quelques autres petites pépites de cet acabit. Il serait intéressant que les éditeurs de DVD puissent donner leur chance à d'autres de ses films afin de savoir si Frenchie était un 'one shot' ou non." Merci à Sidonis d'avoir exaucé ce souhait même s'il s'avère encore pour l'instant que Frenchie ait bien été une réussite isolée. Espérons que de futures sorties puisse nous détromper : Massacre par exemple, son dernier film réalisé l'année suivante ?! La Rivière de la poudre n'est pas un mauvais western ; il faut juste ne pas en attendre monts et merveilles et surtout ne pas le visionner pour ses scènes d'action assez minables. Il pourra peut-être dans ces conditions faire passer un agréable moment mais, comme ¾ des westerns produits, il n'est encore une fois à ne conseiller qu'aux amateurs purs et durs du genre !

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manuma
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par manuma »

Je garde un très bon souvenir de son Dangerous mission, petit film noir en couleurs avec Victor Mature, Piper Laurie et Vincent Price. Rien vu d'autre de lui ...
Lord Henry
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Lord Henry »

J'ai failli apporter mon grain de sel et avant de m'apercevoir que je le confondais avec George King, un réalisateur anglais dont j'ai vu Sweeney Todd avec l'incroyable Tod Slaughter.
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Jeremy Fox
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Jeremy Fox »

manuma a écrit :Je garde un très bon souvenir de son Dangerous mission, petit film noir en couleurs avec Victor Mature, Piper Laurie et Vincent Price. Rien vu d'autre de lui ...
Ben pareil en fait ; souvenir agréable de celui-ci. J'ai du voir aussi Son of Flicka mais je serais incapable de dire ce que ça vaut.
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Filiba »

Semi hors sujet
Louis King a publé en 1958 un roman policier ("Cornered"), traduit l'année suivante dans la série noire (n° 532 sous le titre "Coincé!")
Je l'ai...(je ne l'ai pas lu)
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Jeremy Fox
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Jeremy Fox »

HS, pas vraiment ; c'est bon à savoir :wink:
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Rick Blaine
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Rick Blaine »

Son travail sur Frenchie est, à défaut d'être génial, assez reussi. C'est vrai qu'on se dit qu'il a du réussir d'autres titres dans sa longue filmo. Je serais particulièrement curieux de voir ses films de gangster de la fin des années trente. (D'ailleurs je ne savais pas que la Paramount avait oeuvré dans le genre à l'époque, j'aimerais bien voir également les Florey.)
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Jeremy Fox
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Re: Louis King (1898-1962)

Message par Jeremy Fox »

La Rivière de la poudre vient de sortir chez Sidonis
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