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Critique de film
Le film
Affiche du film

Zatoichi 11 : Zatoichi and the Doomed Man

(Zatoichi sakate giri)

L'histoire

Zatoichi and the Doomed Man : Ichi est jeté dans la prison de Shimokura pour vagabondage et y fait la rencontre de Shimazo Katase, le bras droit du boss Junbei Araiso. Shimazo essaie de convaincre Ichi de plaider sa cause, affirmant être faussement accusé d’un meurtre. Il supplie Ichi d’aller voir son boss ainsi que Senpaichi Kurouma, un autre chef Yakuza capable de le faire échapper à la peine de mort. Ichi, peu convaincu de la diatribe de l’homme et de sa bonne foi, veut d’abord penser à lui mais le destin va une nouvelle fois l’obliger à intervenir dans une sombre histoire de traîtrise et de complots pour le pouvoir.

Analyse et critique

Le film s’ouvre sur Ichi subissant une série de coups de fouet, parvenant à oublier ces sévices en pensant à l’homme qui l’a appréhendé durant sa nuit en prison. Ichi ne peut s’empêcher de penser aux autres avant de penser à sa condition. Cela se vérifiera plus tard quand, décidant de passer son chemin et de penser d’abord à sa vie, il s’embarque malgré lui dans des aventures périlleuses, rattrapé par son destin de justicier et de bienfaiteur. Car qui est le doomed man du titre? Shimazo ou Ichi ?

Tous les événements conduisent irrémédiablement Ichi à s’occuper de cette affaire. C’est d’abord sa rencontre avec un homme poursuivi par trois tueurs qui ramène ses pas vers la ville d’Oarai, demeure du boss Senpaichi qu’il voulait absolument éviter. C’est ensuite la rencontre avec un enfant qui l’amène à un faux restaurant, repère de ce Senpaichi auquel il refuse d’avoir à faire. Le destin se charge d’Ichi et le pousse à intervenir. Il n’y a pas d’autre voie, et Ichi est condamné à vivre sa vie de justicier.

Le masseur aveugle est devenu une véritable légende. Dès qu’il sort son sabre, tout le monde s’écrie « Zatoichi ! ». Quand deux yakuzas se moquent d’un aveugle, d’un coup ils prennent peur lorsque celui-ci se moque deux… et si c’était Zatoichi ? Les parias sont vengés par un seul nom. Et de la légende naît la rumeur : Zatoichi serait un buveur, un joueur, un amateur de femmes… et il fuirait dès que les choses se gâtent. Trop lumineuse, la figure se doit d’avoir sa part d’ombre. Et de la légende naissent les usurpateurs. Un faux moine, dont la spécialité est le mensonge, se fait passer pour Ichi afin de se voir offrir alcool et femmes, nourrissant par ses actes les calomnies à l’encore d’Ichi. Et de la légende naissent les profiteurs. Une femme, retenue prisonnière de Senpaichi, s’évade en se faisant passer pour la fiancée du célèbre bretteur.

Durant cet onzième épisode, on dirait qu’Ichi n’arrive plus à contrôler la légende qu’il est devenu. Elle lui échappe et prend une vie propre. Qui est le doomed man ? Ichi ne peut plus se cacher ou ruser grâce à son handicap. Il affiche même ses prouesses lors d’une scène de tir à l’arc où il fait une démonstration inutile de ses talents dans le seul but d’ébahir l’assistance, ce qui va l’amener à rencontrer l’usurpateur et l’obliger à prendre part au récit. Quoique fasse Ichi, tout le ramène à son aventure et à son destin, mais cette scène montre également qu’il n’est pas complètement dupe et participe pleinement à l’édification de sa légende.

Kazuo Mori nous offre un épisode splendide, très classique dans sa facture, mais qui ne se refuse pas au lyrisme comme cette scène splendide où Ichi découvre pour la première fois la mer. La comédie est très présente également avec un sidekick, ce faux moine menteur et enjôleur qui se fait passer pour Ichi dans des scènes irrésistibles, où l’acteur caricature à la perfection le style de jeu de Katsu. Mori se distingue des opéras tragiques de Misumi par ce désir d’insuffler de la comédie dans le drame. Le film passe avec brio de ces scènes burlesques à un ton noir et dramatique. Même le sidekick s’avère être une personnage trouble et dépressif, bien plus profond qu’il ne le laissait soupçonner. La tristesse s’empare du récit, et l’on ressent de plein fouet la lassitude qui étreint Ichi.

Kazuo Mori filme des combats d’une brièveté sidérante. Quelques gestes, un plan fixe, et le combat s’achève. La maestria du réalisateur éclate dans un combat final parmi les plus réussis de la saga. Au milieu des filets de pêche et des bateaux, dans une brume nimbant la scène, les combattants se regroupent autour d’Ichi qui se livre alors à un massacre sans précédent. Dans cette sauvagerie, on ne distingue plus que le visage d’Ichi, ses mouvements, mais les coups portés sont invisibles. Abstraction complète qui renforce la légende par l’invincibilité du bretteur, par la beauté de son art de mort. Succession de plans splendides magnifiant la tuerie. Quand Ichi demande aux combattants d’arrêter de l’obliger à tuer, cette courte phrase donne d’un coup un ton tout particulier au combat qui reflète soudainement la fatigue du justicier et nous met face au plaisir esthétique ressenti jusqu’alors devant ce ballet de mort.

Le combat terminé, Mori achève le film sur une séquence apaisée, où tous les bruits s’effacent pour laisser la place à celui des vagues et du vent. On ressent pleinement la paix qui envahit Ichi devant la beauté du paysage. Pour son unique participation à la saga, le compositeur Seitaro Omori crée une très belle variation musicale sur le Deguello. Hommage au western, cet air emprunt de tristesse, obsédant, nous enfonce dans un sentiment de nostalgie mêlé d’une sourde inquiétude. Le Deguello, qui à l’origine signifie l’acte de trancher une gorge, est devenu dans la culture hispanique l’appel à l’annihilation complète de l’ennemi. Sur un mode mineur encore renforcé, il symbolise bien les deux versants d’Ichi, personnage légendaire de justicier sans merci et homme écrasé par cette même légende qui le condamne à vivre hors du monde et à arpenter un chemin de sang.

Zatoichi and the Doomed Man, après le passage à vide des deux précédents opus, renoue avec le côté sombre de la saga. Mori plonge Ichi dans un monde corrompu où toute lumière et humanité semblent avoir disparu. Cette vision tourmentée va se poursuivre dans un douzième épisode marquant le grand retour de Kenji Misumi.

Introduction et sommaire des épisodes

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 22 novembre 2005