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Critique de film
Le film
Affiche du film

Xanadu

L'histoire

Début des 80’s sur la côte californienne. Sonny Malone (Michael Beck) travaille dans l’industrie musicale en reproduisant en grand des pochettes de 33 tours pour les devantures des magasins de disques. Cet emploi est pour lui purement alimentaire ; en effet, il aimerait que son talent artistique soit enfin reconnu pour pouvoir s’épanouir pleinement en tant que peintre. Une rencontre va bouleverser sa vie, celle d’une belle jeune femme en rollers, Kira (Olivia Newton-John). Ce dont il ne se doute pas - et pourtant ce ne sont pas les signes qui manquent - est que Kira dont il est tombé amoureux n’est pas une mortelle mais non moins que Terpsichore, la muse de la danse. Cette fille de Zeus - excusez du peu - était autrefois déjà venue en aide au clarinettiste Danny McGuire (Gene Kelly), aujourd’hui âgé et millionnaire. Kira redonne confiance à Sonny et l’incite à s’associer à Danny afin qu’ils ouvrent une boite de nuit roller-disco dans le bâtiment "Art déco" qui se trouvait sur la dernière pochette de disque qu'il a reproduite, et sur laquelle cette "femme" était magiquement apparue au milieu de son dessin...

Analyse et critique


Souhaitant surfer sur la vague du succès inespéré remporté par Grease - en remettant en haut de l’affiche le couple vedette constitué par John Travolta et l’Australienne Olivia Newton-John - tout en profitant du vent en poupe qu’avaient alors le disco et le roller aux USA, les producteurs Lawrence Gordon et Joel Silver mirent le paquet en terme de budget (20 millions de dollars) pour ce Xanadu qu’ils décidèrent de confier à un débutant derrière la caméra, Robert Greenwald (qui s’illustrera par la suite avant tout dans un style de cinéma totalement opposé, le documentaire). John Travolta ne donnant pas suite, c’est Michael Beck qui le remplacera et qui dira par la suite que Xanadu aura été sa plus grosse erreur, celle qui aura mis fin à sa carrière à peine balbutiante. Xanadu se voulait représenter une sorte de trait d’union entre la comédie musicale de l’âge d’or - celle des grands studios dans les années 40/50-  et le disco qui faisait alors les beaux jours du clip vidéo. Énormément d’ambition (rehaussée par le fait d’utiliser des muses et des dieux au sein de l’intrigue) aboutissant à un résultat connu... pour son ridicule achevé. Et il faut bien se rendre à l'évidence, le film de Greenwald est un ratage quasi total au point d’avoir été le film qui aura inspiré la création des tristement célèbres Razzie Awards dont il fut le premier à faire les frais. Le public ne fut pas dupe non plus, faisant de Xanadu un bide monumental. Les critiques, de leur côté, ne se gênèrent pas pour finir de l’achever. Seule la BO du film (pourtant guère meilleure) cartonnera dans les charts américains.


Car il est effectivement assez difficile de sauver grand-chose de cette comédie musicale non seulement kitsch, niaise et ringarde mais également scénarisée et réalisée sans la moindre rigueur, sans brio ni style. Nous ne nous appesantirons pas longtemps sur l’intrigue parait-il - et on veut bien le croire- écrite au jour le jour et qui laisse apparaitre des trous plus que béants, des transitions et des situations guère cohérentes. Pourquoi Sonny ne semble-t-il jamais intrigué par les apparitions/disparitions de Kira, par ses transformations en traits de lumière fluorescente, continuant à la prendre pour une femme ordinaire (sic !) ? Quid de ce cartoon (certes pas déplaisant et signé Don - Fievel - Bluth) qui arrive comme un cheveu sur la soupe (il y en a certes eu préalablement dans quelques classiques de la comédie musicale mais plus logiquement intégrés) ? D’où sortent ces répliques récurrentes a priori censées être drôles mais en fait totalement incompréhensibles (provenant sans doute du premier jet du scénario mais qui échouent ici lamentablement faute à un élément manquant), etc. On sait que la majorité des comédies musicales n’ont pas spécialement brillé par l’intelligence de leur intrigue mais beaucoup étaient rattrapées par leur charme, une mise en scène talentueuse et (ou) rythmée, des numéros parfaitement réglés et (ou) chorégraphiés, une utilisation astucieuse du tournage en studio, des chansons signées par des grands noms tels Cole Porter, Richard Rodgers ou George Gershwin...


Ici rien de tel pour sauver les meubles, l’indigence étant présente à tous les niveaux. Les chorégraphies de Kenny Ortega sont peut-être recherchées mais, filmées et montées n'importe comment (une véritable bouillie), difficile de pouvoir les juger en l'état ; elles seront autrement mieux servies dans le plaisant Dirty Dancing d’Emile Ardolino. On aimerait pouvoir effacer le sourire benêt et béat dont ne se départit pas une seule seconde la charmante mais insupportable Olivia Newton-John. On est effaré devant la laideur et le ridicule des effets spéciaux lorsque l’on sait le prix qu’ils ont coûté (le pire étant la reconstitution "abstracto-futuristo-flashy" de l’Olympe) ; tout autant à l’écoute de la soupe composée par ELO, le groupe de Jeff Lyne, qui s’est pourtant par ailleurs illustré à de nombreuses reprises avec talent durant les années 70/80 ; encore plus au vu de l’inanité absolue du scénario et de l’incompétence totale du réalisateur qui semble à l’occasion avoir découvert le split-screen (pauvre Gene Kelly qui en fait les frais !). Reste quelques scènes pas trop désagréables grâce au semblant de sincérité et de croyance en leur histoire que paraissent avoir eu les deux comédiens masculins principaux (Gene Kelly et un Michael Beck pas antipathique), celles se déroulant au sein de la société de pochettes de disques, une ou deux mélodies écoutables (dont celle de la chanson-titre), ou encore l’essai de révérence au Xanadu de Citizen Kane à la fin du film de Welles avec la reconstitution de cette immense pièce-fantôme où sont entreposées et parsemées d'innombrables caisses... Et puis quand Greenwald cherche à rendre discrètement hommage à la comédie musicale des années 40 (Whenever You're Away From Me, le morceau chorégraphié par Kelly pour son duo de claquettes avec Newton-John), il nous octroie quelques beaux panoramiques et travellings ascendants qui nous laissaient présager une œuvre au moins empreinte d’une touchante nostalgie.


Grand admirateur de Gene Kelly et de la comédie musicale dans son ensemble, pas spécialement dérangé par le kitsch ou la mièvrerie, adorateur du groupe Electric Light Orchestra à l’adolescence... je partais confiant malgré le fait de connaître la terrible réputation de cette production. Malheureusement, Xanadu est bel et bien un très mauvais film. Il pourra aujourd’hui faire sourire mais à mon humble avis difficilement contenter grand monde si ce n’est pour de mauvaises raisons, celles de s’en moquer ouvertement. Une vraie catastrophe qui nuira à la carrière de quasiment tous ses participants, faisant également terminer celle de Gene Kelly sur une note pas très glorieuse. Mais, plutôt que de continuer à discourir d'un film déjà démodé l’année de sa sortie, mieux vaut le recouvrir d'un voile pudique !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 13 septembre 2016