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Critique de film
Le film
Affiche du film

Truly, Madly, Deeply

L'histoire

Nina, à quarante ans, est inconsolable depuis la mort de Jamie, son mari violoncelliste. Un jour pourtant, celui-ci réapparaît, comme si de rien n'était.

Analyse et critique

Avec ce premier film à l'émotion feutrée, Anthony Minghella est loin de l'emphase romanesque qui caractérisera la suite de sa carrière - Le Patient anglais (1996), Retour à Cold Mountain (2003)... Au choix, Truly, Madly, Deeply peut être vu comme le versant plus adulte de Ghost (1990) sorti l'année précédente, voire une variante sobre de L'Aventure de Madame Muir (1947). L'histoire dépeint le chagrin inconsolable de Nina (Juliet Stevenson), qui ne se remet pas de la disparition de son mari Jamie (Alan Rickman). Le début du film s'attarde longuement sur cette douleur, le vide laissé par le défunt se ressentant sous diverses formes.

Les moments légers s'assombrissent dès qu'un détail vient rappeler l'absent (Nina se braquant lorsque sa sœur propose de prêter le violoncelle de Jamie à son fils), l'isolement de Nina et son rapport fuyant face à son entourage amical ou potentiellement amoureux (avec un truculent personnage d'ouvrier polonais) et symboliquement un appartement tombant en décrépitude en reflet de son existence terne. Juliet Stevenson suscite l'empathie immédiate par ses différentes attitudes face au manque, son visage pourtant jovial semblant constamment traversé d'une mélancolie latente et son mal-être s'exprime autant par la neutralité distante que par l'expression démonstrative et impudique de sa détresse (magnifique scène chez sa psychanalyste où elle craque véritablement).

Soudainement l'atmosphère dépressive et mortifère s'estompe avec l'impensable, le retour spectral de Jamie. La scène est magistralement filmée par Minghella, jouant de leur lien musical lorsque Nina entame un air qu'ils avaient l'habitude de jouer au piano. Le violoncelle de Jamie se fait alors entendre, puis sa silhouette apparaît en arrière-plan flouté puis de plus en plus nette sur la gauche de l'image, suggérant ainsi autant une création mentale qu'un véritable fantôme. Ce motif - utilisé tout au long de L'Aventure de Madame Muir justement - se déleste pourtant de toute imagerie éthérée ou immaculée fréquemment adoptée dans ces cas-là. Les amoureux se retrouvent comme si rien n'avait changé dans leurs plaisanteries, leur complicité amoureuse (dont le fameux concours d'adverbes aimants qui donne son titre au film), et Alan Rickman excelle dans un registre léger où la nature de son personnage se révèle sans le fatras habituel (traversée de pièces ou d'objets à la Ghost justement) mais plutôt par des détails subtils comme le froid qu'il ressent constamment. Le bonheur des retrouvailles s'estompe progressivement, Minghella accentuant le décalage relationnel de Nina à son entourage par un jeu sur la temporalité (ce qui semble une journée passée avec Jamie représente une semaine d'absence au travail) et un fossé plus grand encore avec les "vivants". L'introspection douloureuse et solitaire du début du film est remplacée par les tête-à-tête avec le fantôme de Jamie pour un même résultat : un deuil qui ne se fait pas.

Minghella, en abandonnant toute esthétique surnaturelle, rend le passé envahissant par des choix plus triviaux et comiques mais qui fonctionnent tout autant. Jamie attire ainsi avec lui d'autres acolytes fantômes qui occupent l'appartement et se délectent de classiques en vidéo, prétexte à placer judicieusement un extrait de Brève rencontre (1945), là aussi œuvre où pèse le poids du souvenir. Le foyer devient un mausolée étouffant qui empêche l'épanouissement, ce dont notre héroïne ne prendra conscience que par son attitude incohérente dans la possible romance avec Mark (Michael Maloney tout en vulnérabilité, très bon). Le finale, par sa sentimentalité sobre, résout avec une grande délicatesse le dilemme dans une conclusion osant un lyrisme un peu plus appuyé. Le film au départ destiné à la télévision sortira finalement en salle et rencontrera un succès inattendu en Grande-Bretagne (BAFTA du meilleur scénario original pour Anthony Minghella, nomination à celui du meilleur acteur pour Alan Rickman) et aux Etats-Unis, et constitue désormais un film culte.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 5 novembre 2021