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Critique de film
Le film
Affiche du film

Tournez la clef doucement

(Turn the Key Softly)

L'histoire

Le film suit trois femmes lors des premières 24 heures après leur sortie de prison.

Analyse et critique

Turn the Key Softly est un beau mélodrame dont on se souvient surtout pour être l'un des premiers rôles importants de Joan Collins, un des rares qu'elle tint dans son Angleterre natale avant le début de son ascension hollywoodienne entamée avec La Terre des Pharaons de Howard Hawks. Elle n'est d'ailleurs pas ici au centre de ce portrait croisé de trois figures féminines. Le film s'ouvre sur la sortie de prison de trois femmes d'âges et d'horizons fort différents : la jeune beauté Stella (Joan Collins), la plus mûre et élégante Monica (Yvonne Mitchell) et l'âgée et fragile Mrs. Quilliam (Kathleen Harrison). Avant même de dévoiler les raisons de leur incarcération, Jack Lee nous en donne déjà quelques clés à travers leur attitude face à cette future libération et leurs premiers pas en dehors de la prison. Stella est la frivolité incarnée, ne cessant de se repoudrer pour son homme qui l'attend dehors et qu'elle doit épouser.

Monica semble plus pensive quant à ce qui l'attend à l'extérieur tandis que Mrs Quilliam semble, elle, bien apeurée par cette sortie (où elle aura le sentiment que chaque passant l'observe), laissant deviner une criminalité guère prononcée. Le récit passe ainsi de l'une à l'autre dans une unité de temps sur cette première journée de liberté où elles seront confrontées aux vieux démons qui ont fait basculer leur destin, à d'anciennes connaissances peu recommandables mais aussi à l'impasse et à la solitude qui les attendent dans cette liberté retrouvée. Lee révèle subtilement, et dans le fil de sa narration, les motifs qui ont conduit chacune en prison. C'est au détour d'un dialogue qu'on découvrira que Monica a endossé le crime de l'homme qu'elle aimait (Terence Morgan), ce dernier l’ayant entrainée dans un cambriolage puis fuie en l'abandonnant à la police. Ce sera plus subtil pour Stella, dont le gout du clinquant (elle ira dépenser en boucles d'oreilles criardes l'argent que son fiancé lui a confié pour chercher un logement) et une rencontre avec d'anciennes amies un peu trop fardées laisseront deviner son passé de prostituée. Le plus pathétique et touchant viendra cependant avec Mrs Quilliam, vieille veuve sans ressources qui n'a réellement que son Johnny pour l'attendre dehors.

Johnny n'est autre que son fidèle chien, seul à lui témoigner de l'affection, et elle s'avère des plus pathétiques dans les attentions maternelles qu'elle lui témoigne, palliant ainsi l'indifférence de sa vraie famille lors d'une rencontre aussi brève que glaciale avec sa fille et sa petite-fille. C'est un vol à l'étalage qui lui a valu l'épreuve de la prison ; là encore, le script ne le dit pas explicitement mais le laisse deviner lors d'un moment où elle est sur le point de récidiver. En passant de l'une à l'autre des femmes et de leur parcours durant cette journée, le script habilement varie les genres et parvient à surprendre constamment dans son déroulement. Monica va ainsi recroiser et tomber à nouveau dans les bras de celui qui lui a causé tant de tort et qui malgré les apparences n'a pas changé. On bascule ainsi dans le Film noir nocturne et tendu qui se conclue par une haletante course poursuite sur les toits, et le vrai sordide est tout juste évité lorsque Stella se trouve un nouveau "client" pour la renflouer de l'argent gaspillé de son fiancé.

L'émotion reste pourtant véhiculée par Mrs Quilliam dont la relation avec son chien n'est pas loin d'émouvoir autant qu'un Umberto D, notamment lorsqu'elle le cherche désespérée dans la nuit londonienne. Le script confronte le trio à la toujours difficile réinsertion au monde réel à travers différentes situations (la recherche de travail de Monica devant laquelle les portes se ferment à l'évocation de son passé) mais aussi par la mise en scène de Jack Lee qui capture cet extérieur inquisiteur (cette plongée lourde de sens lors de la sortie de prison) et désormais inconnu avec une caméra incertaine face au fourmillement urbain, des cadrages qui isolent les silhouettes des héroïnes dans l'immensité des rues de Londres. Toutes ne finiront pas cette journée sous les meilleurs auspices, et si la chute s'avère cruelle pour certaines (Mrs Quilliam avec une conclusion assez terrible), on peut aussi douter des bonnes résolutions d'autres (Stella et ses goûts de luxe), même si le retour à la sérénité reste possible (Monica sortie de l'emprise de son amant malfaisant).

Le trio d'actrices est remarquable, en particulier la très touchante Kathleen Harrison (qui à 60 ans fait croire au grand âge et à la fragilité de son personnage magnifiquement) et Yvonne Mitchell se montre superbe en femme résistant non sans mal à un désir qui pourrait la perdre à nouveau. Joan Collins est un peu plus en retrait, se repose déjà un peu trop sur son pouvoir de séduction, même s’il est vrai que son personnage n'est pas le plus fouillé. Un belle œuvre sensible et à la thématique originale.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 26 mai 2023