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Critique de film
Le film
Affiche du film

Sailor & Lula

(Wild at Heart)

Analyse et critique

Tiré d’un roman de Barry Gifford (qui, par la suite, a écrit avec David Lynch Lost Highway et deux épisodes de Hotel Room), Sailor et Lula est le film le plus sulfureux, le plus rock’n'roll du maître. Sur la trame d’un conte de fée (sorcière maléfique, autre côté du miroir, pied de l’arc en ciel, gentille marraine…) Lynch livre une œuvre hystérique, extrême, qui s’embrase dès les premières images. Fracas d’une tête qu’on écrase, démembrements, rites vaudou côtoient la romance fleur bleue de deux tourtereaux qui tracent la route pour échapper à leur famille et à leur passé. Road movie extrêmement classique dans le fond, Sailor et Lula n’étant qu’une énième variation sur Romeo et Juliette, le film frappe par le lyrisme qui accompagne la fuite des deux amants. C’est lorsque Lynch se laisse complètement aller à son poème d’amour fou que Sailor et Lula prend toute sa dimension. Les scènes chocs, les personnages hauts en couleur portés par des acteurs qui visiblement s’éclatent dans l’excès (Willem Dafoe, Grace Zabriskie ou Isabella Rossellini) passent alors en second plan, comme des artefacts un peu vidés de sens de l’univers immédiatement identifiable de Lynch.

Bien sûr on prend un énorme plaisir à voir Nicolas Cage écraser une tête sur du marbre alors que la BO passe brutalement d’un jazz entraînant aux riffs de Slaughterhouse, ou encore à l’entendre chanter Love Me Tender après avoir mis une raclée à un jeune présomptueux, on jubile lorsque Bobby Peru (Willem Dafoe) se lance dans une étonnante scène de séduction / répulsion avec Lula. Lynch a le génie des images chocs, des confrontations violentes, des irruptions incongrues, mais le vertige de la griserie est là et il s’en faut de peu que le cinéaste ne se livre à un grand huit tournant rapidement à vide. Heureusement dans Sailor et Lula, dans Twin Peaks, dans Mulholland Drive, Lynch se repose sur autre chose qu’il sait tout aussi bien faire : rendre palpable l’amour fou et ses dérives, donner à ressentir les lambeaux déchirés de rêves qui se heurtent à la réalité. Alors Sailor et Lula peut décevoir certains, le film penchant plus vers cet aspect "classique" que vers celui de ce cinéma de la pure sensorialité érigé en horizon indépassable d’une nouvelle forme de septième art. Mais qu’il soit permis à l’auteur de ses lignes de préférer cette formule aux dérives autistes d’INLAND EMPIRE et d’opiner du chef quand David Lynch déclarait à la sortie de Sailor et Lula : « Les surréalistes ne s’intéressaient qu’au support, à sa texture. Au cinéma, j’ai appris en plus à raconter une histoire, une vraie continuité… du cinéma sans narration, ce n’est pas ce qui m’intéresse. » Dont acte.

Dans les salles

Film réédité par Mission DIstribution

Date de sortie : 25 mai 2011

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Le Dossier de presse du film

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Par Olivier Bitoun - le 2 mai 2011