Critique de film
Le film
Affiche du film

Rancho Bravo

(The Rare Breed)

L'histoire

1880. Son époux étant décédé durant la traversée qui le conduisait d’Angleterre aux États-Unis, Martha (Maureen O’Hara), accompagnée de sa fille Hilary (Juliet Mills), décide de poursuivre l’idée du défunt : implanter la race bovine européenne Hereford dans l’Ouest américain. Pour ce faire, les deux femmes ont amené avec elles le jeune veau "Vindicator" qu’elles espèrent faire croiser avec des Longhorns. Le plus difficile est de faire accepter cette idée aux éleveurs texans qui ne jurent que par les longues cornes, les Hereford sans cornes leur paraissant trop fragiles pour résister aux hivers rigoureux de leur contrée. Le taureau est néanmoins acheté au prix fort par un enchérisseur d’origine anglaise - qui souhaitait ainsi faire ses avances à Martha - pour le compte d’Alexander Bowen (Brian Keith), un riche cattle baron. Pour le conduire jusqu’à Dodge City, Martha loue les services de Sam Burnett (James Stewart) qui, après avoir tenté de la flouer en essayant de revendre la bête pour son compte, se laisse convaincre du bon choix de sa "cliente". Quelques mésaventures plus tard, les voici arrivés à bon port ; reste à savoir si Vindicator va réussir à se débrouiller seul et à passer la saison hivernale, si Martha va succomber aux charmes du rustre Bowen et sa fille à ceux du fils de ce dernier...

Analyse et critique


Quatrième western du fils du comédien Victor McLaglen, qui fut également un prestigieux assistant réalisateur durant les années 50 - non moins que celui de Budd Boetticher (La Dame et le toréador), John Ford (L’Homme tranquille) ou William Wellman (Track of the Cat) - Rancho Bravo est dans le genre le premier ratage d’Andrew V. McLaglen après le sympathique Gun the Man Down, le bon enfant McLintock ! puis enfin le naïf mais fortement attachant Les Prairies de l’honneur (Shenandoah), alors à l’époque son film le plus réussi. Certes, Le Grand McLintock n’était pas d'une grande subtilité, et pourtant il se suivait avec un constant sourire aux lèvres tellement l’entourage de John Wayne et l'équipe dans son ensemble paraissaient s'être pris au jeu, les acteurs semblant s'être amusés comme des petits fous, leur bonne humeur s'étant avéré vite communicative. Quant au cinéaste, il filmait le tout avec efficacité et vitalité. Ce n’est plus du tout le cas concernant Rancho Bravo, le divertissement ne se révélant plus vraiment amusant mais au contraire assez sinistre, à l’image du runing gag consistant à ce que le taureau Vindicator n'accepte d'avancer qu'à la seule condition d'entendre l'air du God Save the Queen ! Ce deuxième western humoristique de McLaglen ne s’avère guère plus drôle que ce que je viens de vous raconter. Il faut dire que Ric Hardman - à cette exception près, il n'a travaillé que pour la télévision - ne possède pas le dixième du talent du scénariste de McLintock !, l’excellent James Edward Grant. Et c’est avant tout le choix des scénaristes qui fait la grande différence qualitative entre ces deux films.


Là où l'on s’amusait, emportés par la vitalité de l’ensemble, on se prend au contraire ici à s’ennuyer fermement, les comédiens et le réalisateur ne semblant guère plus convaincus que les spectateurs par le postulat du film qui ne repose en gros que sur l‘introduction d’une nouvelle race bovine en provenance de Grande-Bretagne dans les plaines du Middle West. Les auteurs évacuent tous les éléments historiques et sociologiques qui auraient pu être intéressants pour ne finir par faire de cette intrigue de départ qu’un simple prétexte à un triple marivaudage laborieux, un triangle amoureux constitué de James Stewart, Brian Keith et Maureen O’Hara, ainsi qu’une bluette bénigne entre Juliet Mills et le fadasse Don Galloway. De tous ces grands noms, seul Juliet Mills apporte un peu de sa fraicheur à l’ensemble, Brian Keith ne sachant pas cabotiner (grimé qu'il est sous une barbe de 30 ans et une improbable perruque rousse) alors que le duo formé par James Stewart et Maureen O’Hara ne fonctionne pas vraiment, les deux stars paraissant juste avoir fait acte de présence sur le tournage dans le simple but d'empocher leur cachet.


Malgré la médiocrité de l’ensemble, on pourra néanmoins trouver du plaisir à quelques reprises grâce à une sympathique musique de John Williams (oui, le John Williams que tout le monde connait, le compositeur attitré de Steven Spielberg entre autres) et surtout au talent du chef opérateur William H. Clothier qui utilise les superbes décors naturels avec génie. Si l’on excepte les transparences parmi les plus ridicules vues durant les années 60 (il est loin le temps où Universal pouvait se féliciter de ne presque jamais y avoir recours, contrairement aux autres majors), on pourra ainsi se régaler de plans d’ensemble d’une étonnante beauté lors de la scène de stampede au milieu d’un étroit canyon ou durant le dernier quart d’heure alors que James Stewart part à la recherche du veau qui a été laissé livré à lui-même durant un hiver texan rigoureux. Même l'émotion arrive à poindre en fin de parcours, ce qui nous rend encore plus dépités d'avoir dû attendre la fin du film pour commencer à l'apprécier.


Un pitch de départ bien trop inconsistant pour faire illusion durant tout un long métrage et au final une comédie westernienne assez poussive qui ne parvient même pas à réussir ses rares scènes d’action, la bagarre générale du début s’avérant d'ailleurs bien moins jubilatoire et maîtrisée que celle homérique mise en scène dans McLintock ! Que ce soit les amateurs de comédie ou de western, tous peuvent facilement faire l’impasse sur cet insignifiant Rancho Bravo, qui ne contentera probablement ni les uns ni les autres du fait aussi de ne jamais vraiment savoir sur quel pied danser.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 14 mai 2016