Critique de film
Le film
Affiche du film

Peine capitale

(Yield to the Nigh)

L'histoire

Mary Price Hilton (Diana Dors) attend son exécution dans le couloir de la mort. Alors qu’elle espère toujours un report de dernière minute, elle n’arrive pas à regretter son geste, un crime de vengeance.

Analyse et critique

Trop souvent réduite à son sex-appeal ravageur qui en faisait le pendant anglais de Marilyn Monroe, Diana Dors prouva pourtant plus d'une fois son réel talent dramatique comme dans le film noir The Unholy Wife (1957) ou ce Yield to the Night. Elle y retrouve Jack Lee Thompson qui l'avait déjà dirigée à deux reprises dans The Weak and the Wicked (1954) et An Alligator Named Daisy (1955). Yield to the Night adapte le roman éponyme de Joan Henry (déjà adaptée justement par Jack Lee Thomson et Diana Dors avec The Weak and the Wicked) paru en 1954, mais le film eut un écho particulier tant sa trame se rapprochait d'un fait divers récent. En 1955, la star des nuits londoniennes Ruth Ellis tua son amant David Blakely par balles avant de se rendre à la police et, après jugement, elle fut la dernière femme condamnée à mort en Angleterre après une longue controverse médiatique.

On peut penser au départ voir dans Yield to the Night un plaidoyer contre la peine de mort et équivalent au beau film de Robert Wise, Je veux vivre (1958). Rien de tout cela, en fait, mais plutôt un superbe portrait de femme. Le film s'ouvre sur une séquence brutale où l'on découvre Mary Price Hilton (Diana Dors) arpenter la ville d'un pas déterminé jusqu'à arriver devant une maison où elle guette la sortie d'une femme qu'elle va abattre froidement de plusieurs coups de feu rageurs. Alors qu'elle était jusque-là réduite à une simple silhouette, la caméra daigne enfin nous révéler son visage arborant les traits magnifiques de Diane Dors, cependant altéré par un regard de démente. Nous retrouverons notre meurtrière quelques mois plus tard, en prison et en attente de sa date d'exécution ou de possible grâce. Toute la tension du film repose sur cette échéance, et le récit se partage entre cette attente angoissée et une narration en flash-back où l'on découvre les circonstances qui ont conduit Mary au crime.

La première rencontre avec l'homme qui causera sa perte est déjà placée sous un jour funeste, puisqu'il se rend à la boutique de luxe où elle travaille afin d'acheter un parfum pour une autre. Tombée folle amoureuse de ce Jim (Michael Craig), elle va quitter son mari pour vivre pleinement cette passion. Pourtant, celle qui se sera placée entre eux dès le premier jour ne cesse de hanter Jim qui malmène Mary tout comme il l'est lui-même par Lucy, l'amante richissime qui l'éconduit. On assiste ainsi à un triangle amoureux tragique où l'obsession amoureuse est décalée. Un terrible rebondissement attisera une haine meurtrière chez Mary, qui va donc froidement tuer sa rivale et en payer le prix. Après avoir montré les tourments de cette passion amoureuse et son issue tragique, on s'attardera donc sur le quotidien de la prison. Jack Lee Thomson filme la répétition de ce quotidien dans lequel, en isolement, Mary voit défiler les journées au fil de ses repas, de ses promenades et des visites de sa famille. Ces angoisses et sa peur de mourir constituent également une monotonie glaçante entre ses crises de colère et les pas de la directrice approchant de sa cellule pour possiblement lui donner la décision fébrilement attendue. Jack Lee Thomson fait de la cellule un véritable espace mental dont chaque recoin est désormais connu par cœur par Mary, et notamment cette porte sans poignée menant à la pièce où elle sera peut-être exécutée. Diane Dors offre une prestation puissante, les scènes en flash-back offrant d'elle l'image sexy et glamour que l'on connaît mais dans une veine plus trouble tandis que les séquences en prison constituent une vraie mise à nu.

Presque sans maquillage (ou alors forcé pour l'enlaidir), son visage alterne les attitudes mornes, absentes et résignées avec la pure démence où en nage elle hurle au monde sa peur de mourir. Cette rage ne semble pas pouvoir trouver d'apaisement, cet amour passionnel encore vivace ne lui faisant pas regretter son geste. Ni la douleur de ses proches, ni les visiteurs bienveillants, ni la gardienne avec laquelle elle se liera (excellente Yvonne Mitchell) et pas même la religion ne sauront donner un semblant de paix intérieure à cette âme tourmentée. Cette approche donne donc au film un aspect à la fois froid et clinique face à l'issue inéluctable, mais aussi profondément mélodramatique grâce à la prestation habitée de Diane Dors pour laquelle on éprouve malgré tout de la compassion. La conclusion est à l'image de ce double langage, la répétitivité et l'aspect mécanique n'étouffant pas l'émotion qui nous gagne durant les dernières images implacables.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 23 décembre 2022