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Critique de film
Le film

Out of the Clouds

L'histoire

Film choral sur une journée à l'aéroport de Londres.

Analyse et critique

Out of Clouds constitue pour Basil Dearden une variation de son approche dans ses grands polars au sein de la Ealing, et plus particulièrement l'excellent Pool of London (1951). Out of Clouds se déleste de l'argument criminel (encore qu'à la toute fin un élément nous y ramène tout de même) mais reprend l'idée du récit choral décrivant le quotidien d'un lieu de convergence, de ses travailleurs et de leurs problématiques. Après le port et les marins esseulés de Pool of London, Dearden nous fait partager la journée d'un aéroport londonien. Le film adapte le roman The Springboard de John Fores et constituera à l'époque l'un des plus gros budgets du Studio Ealing, qui bénéficie de la collaboration du ministère du Transport et de l'Aviation civile ainsi que de la compagnie aérienne anglaise BOAC et de l'américaine Pan-Am.

Le tournage se partagera entre le Heathrow Airport et le studio pour ce qui sera l'un des plateaux les plus impressionnants construits par Ealing avec la reconstitution à l'identique du terminal de l'aéroport. Cette débauche de moyens se ressent dans la facture visuelle fouillée et l'approche documentaire du film, la rigueur des manœuvres des pilotes se conjuguant aux séquences aériennes où les stock-shots alternent avec un usage habile de maquettes. C'est bien évidemment dans la description de l'humain que ce réalisme joue à plein. Le scénario s'attarde autant sur les destins des professionnels (employés d'aéroport, pilote et hôtesse de l'air) que des voyageurs. Pour les premiers on aura le dépit de Nick Millbourne (Robert Beatty), un pilote que des problèmes de santé immobilisent au sol où il officie en tant que chef d'escale dans l'aéroport. Le spleen et les tentations néfastes pèsent également sur le séduisant pilote Gus Randall (Anthony Steel), fuyant son mal-être dans le jeu et les amours furtives au cours de ses différentes escales. Dearden révèle les fêlures de chacun sans forcer, toujours dans la frénésie et l'urgence des lieux où pullulent les imprévus en tous genres. Cela joue aussi de la superstition et de la rigueur qu'amène le métier, avec notamment le personnage de James Robertson Justice, méfiant quant à une carlingue ayant le mauvais œil.

Les quidams ordinaires font de ce microcosme un reflet du monde contemporain à travers Leah (Margo Lorenz) et Bill (David Knight), deux voyageurs en transit qui vont tomber amoureux. Le passé politique douloureux se dévoile à travers leur destination, lui se rendant en Israël en tant qu'ingénieur et elle à New York pour rejoindre et épouser un GI américain. Cette rencontre bouleverse leurs attentes, l'ambition professionnelle pour Bill et la quête de sécurité matérielle pour Leah ayant perdu sa famille dans les camps de concentration - le moment où elle pense que la limitation du transit est destinée à isoler les juifs révèle de manière frappante cette fêlure. L'ensemble de ces éléments narratifs préfigure tout de même un peu le soap opera mais le traitement formel inspiré de Basil Dearden rend l'ensemble plus profond.

Comme souvent avec le réalisateur, l'équilibre entre réalisme et stylisation est ténu. Parallèlement au réalisme ambiant, la photo de Paul Beeson capture merveilleusement le fog londonien et en fait un personnage à part entière. Il forme le cocon au monde extérieur pour les protagonistes, donne un contour féérique à une balade nocturne et exprimera le danger latent lors d'une périlleuse scène d'atterrissage. Les vignettes figées alternent avec une caméra très mobile qui explore l'aéroport de fond en comble, avec en point d'orgue un travelling final qui accompagne dans un beau mouvement les différentes nationalités et les compagnies s'agitant devant les comptoirs. Une nouvelle belle réussite pour Basil Dearden.

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La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 18 juin 2021