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Critique de film
Le film

Les Rivaux du rail

(Denver and Rio Grande)

L'histoire

Dans les années 1870, la compagnie ferroviaire "Denver & Rio Grande" a obtenu l’autorisation de construire une nouvelle ligne de chemin de fer qui doit traverser les Montagnes Rocheuses. Cette entreprise est dirigée par le Général Palmer (Dean Jagger) ; son directeur de travaux est Jim Vesser (Edmond O’Brien) et son principal ingénieur se nomme Gil Harkness (J. Carrol Naish). Alors qu’ils arrivent dans la seule gorge praticable pour y faire passer le rail, ils se heurtent à une compagnie adverse, la "Canyon City & San Juan Railroad". Au cours d’une altercation entre Jim Vesser et Bob Nelson, ex-compagnon d’armes durant la Guerre de Sécession et ingénieur de la compagnie "ennemie" dirigée par McCabe (Sterling Hayden), un drame survient. Bob Nelson reçoit une balle que McCabe destinait à Jim. N’ayant pour témoins que ses propres hommes, McCabe n’hésite pas à accuser Jim du meurtre. Ce dernier est déclaré innocent mais refuse de réintégrer la compagnie. Poussé par le général Palmer, il finit par accepter de reprendre son poste de chef de travaux le jour où un éboulement provoqué par une charge de dynamite fait dérailler le train de la "Denver & Rio Grande". Comprenant le danger que fait peser sur ses hommes la compagnie dirigée par McCabe, Jim décide de prendre les devants et de combattre jusqu’à la mort s’il le faut...

Analyse et critique

Denver & Rio Grande est le nom d'une compagnie de chemin de fer dont les trains sillonnent toujours, de Denver à Salt Lake City, les Montagnes Rocheuses du Colorado. Pour l'anecdote, c'est un des trains de cette ligne que Joel McCrea et ses complices attaquaient dans La Fille du désert (Colorado Territory) de Raoul Walsh. Les Rivaux du rail, comme son titre français l'indique, fait partie de cette vague de westerns (assez peu nombreux finalement jusqu'à présent) narrant la construction tumultueuse de voies ferrées à travers les étendues sauvages de l'Ouest et parfois, comme ici, les rivalités qui eurent lieu entre plusieurs compagnies ferroviaires pour poser leurs rails les premiers. Avant le film de Byron Haskin, il y eut évidemment Le Cheval de fer (Iron Horse) de John Ford puis Pacific Express (Union Pacific) de Cecil B. DeMille, deux films spectaculaires à très gros budget, puis plus grand-chose avant La Bagarre de Santa Fe (Santa Fe) d'Irving Pichel sorti en 1951 avec Randolph Scott dans le rôle principal. Les Rivaux du rail ressemble assez à ce dernier dans son intrigue mais son scénario est si indigent, étonnamment aussi prévisible qu'invraisemblable que, malgré des moyens plus considérables, il ne possède pas, loin de là, la même aura de sympathie.


Pour les amoureux de trains vintage colorés et rutilants, ainsi que pour ceux tombant facilement en admiration devant de beaux et verdoyants paysages montagneux et forestiers, ce Denver & Rio Grande procurera quelques agréables moments comme ce fut le cas me concernant. Car le réalisateur Byron Haskin (jusqu’à présent surtout célèbre pour sa version de L’Île au trésor avec Robert Newton produite par les studios Disney) semble n’avoir prêté attention et ne s’être intéressé qu’à ces deux éléments, et parce que le Technicolor Paramount est toujours aussi lumineux (rappelez-vous, déjà avec moult trains et chemises à carreaux, de la magnifique photo de Whispering Smith). De ce point de vue, c’est un régal pour les yeux, Ray Rennahan nous ayant déjà montré à de multiples reprises son immense talent de chef-opérateur. On peut aussi comprendre que Haskin ait délaissé tout le reste au vu de l’inanité du scénario et de l’inconsistance de l’ensemble de ses personnages. Frank Gruber avait déjà écrit l’un des plus mauvais westerns de Gordon Douglas l’année précédente, The Great Missouri Raid (Les rebelles du Missouri) ; il ne fait guère mieux ici. Si avec notre âme d’enfant, le film fait illusion au début et si l'on commence à marcher à fond devant ce film d’aventure plein de couleurs, d’air pur et de rebondissements, on finit vite par s’en lasser.


Les amateurs de bagarres, de coups de poings et d’émotions fortes pourront peut-être aussi y trouver leur compte à quelques reprises mais il leur sera difficile de se passionner pour les protagonistes de cette histoire on ne peut plus conventionnelle, vite répétitive et ennuyeuse. Bref, plutôt que de s’extasier devant les piètres performances d'Edmond O’Brien - L’Enfer est à lui (White Heat) de Raoul Walsh) - de Sterling Hayden - qui a beaucoup de mal à retrouver un rôle de la trempe de celui qu’il tenait dans Quand la ville dort (Asphalt Jungle) de John Huston -, de Dean Jagger (il s’en sort néanmoins assez bien) du fadasse Laura Elliott ou des navrants faire-valoir humoristiques que sont Paul Fix et Zasu Pitts, on prendra quelques miettes de plaisir ici et là devant un éboulement de rochers provoqué par un dynamitage, le vol de la paye des ouvriers du rail à travers un hold-up ferroviaire, la "prise d’otages" des différentes gares et bien évidemment la scène clé du film, celle qui a dû entamer le budget d'une bonne partie (elle a couté 165 000 dollars), à savoir celle de la collision frontale entre deux trains qui a nécessité cinq caméras et cinq jours de tournage.


L’action avant tout, OK ! Cela a déjà donné à plusieurs reprises des œuvres très sympathiques mais à condition que la réalisation soit à la hauteur et que nous nous trouvions devant des personnages de chair et d’os et non des pantins dénués d’intérêt. Reste de superbes vues sur les Montagnes Rocheuses et de très nombreux trains flamboyants qui les sillonnent. Malheureusement, il n'y a pas grand-chose à dire de plus à propos de ce western qui pourra éventuellement plaire à nos chères et jeunes têtes blondes.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 29 décembre 2018