
L'histoire
Massachusetts durant la Guerre de Sécession. Alors que leur père est parti au front, les quatre sœurs March survivent tant bien que mal aux côtés de leur mère (Mary Astor), femme charitable et d’une grande honnêteté qui inculque à ses filles les meilleures manières. L’aînée, Meg (Janet Leigh), la plus posée et la plus mature, veille sur la bonne entente du ‘groupe’ surtout qu’il faut arriver à gérer à la fois l’impulsive Jo (June Allyson), garçon manqué qui songe à devenir romancière pour pouvoir s’émanciper, et l’égoïste et superficielle Amy (Elizabeth Taylor) qui ne rêve que de richesse mais n’en possède pas moins un cœur d’or. Quant à la douce Beth (Margaret O’Brien), la cadette, on ne l’entend guère car foncièrement timide mais d’une exquise bonté d’âme. Leur quotidien fait de rires et de larmes va être ‘bouleversé’ par l’arrivée dans la maison d’â côté d’un homme âgé et taciturne et de son petit fils Laurie (Peter Lawford) qui trouve comme seul distraction de regarder vivre la famille March…
Analyse et critique

Ne donc pas rechercher une quelconque vraisemblance dans les costumes, les coiffures et les décors, la pauvreté de la firme du lion se déclinant dans une ambiance plutôt cossue et propre sur elle ; pour le plus grand plaisir du spectateur amateur de ‘sucreries’, qui est à cet instant précis plus conditionnée pour rêver que pour s’apitoyer malgré un script qui réserve de nombreux moments dramatiquement assez forts et qui soulève en filigrane les problèmes du dénuement de certaines familles touchées par la guerre. Tout ceci écrit et filmé avec une grande délicatesse, le spectateur passant d’une séquence à l’autre du rire aux larmes, tour à tour touché par la poignante Margaret O’Brien, amusé par une June Allyson revigorante, étonné par une Liz Taylor piquante et drôle dans le rôle ingrat d’Amy, fille égoïste et qui se rend ridicule à force de vouloir sortir de grands mots qu’elle écorche la plupart du temps, séduit par la beauté discrète et ‘l’under-playing’ très cohérent de Janet Leigh dans le rôle de l’aînée mature et sérieuse. Les yeux écarquillés devant un vibrant Technicolor et les oreilles ravies par un agréable score d’Adolph Deutsch, il n’a pas le temps de se rendre compte qu’il est en train de contempler une jolie suite de tableaux plutôt qu’une histoire bien charpentée. C’est là que l’on peut affirmer que LeRoy a réussi son coup : à partir d’un scénario peu audacieux et peu original brassant tous les clichés sans même les transcender, à l’aide d’un casting hors pair et d’une direction artistique exceptionnelle, il réussit à faire passer ce sentimentalisme romantique sans jamais nous écœurer,

Pour en revenir à ce qui tire principalement le film vers le haut en faisant un très honnête drame familial, à savoir le casting, aux côtés des quatre actrices, nous avons le plaisir de rencontrer non moins que Peter Lawford, Rossano Brazzi, Mary Astor, Lucile Watson, C. Aubrey Smith, Leon Ames, and Harry Davenport, etc., tous des noms qui ne disent pas obligatoirement grand chose mais dont les visages connus apparaissent dans d’innombrables films de la MGM. Retenons surtout Mary Astor très digne dans le rôle de la mère qui, malgré le dénuement de sa famille, continue à aller aider les plus pauvres qu’eux, entraînant dans ses actes de charité ses filles qu’elle souhaite faire suivre son exemple. Le personnage de Jo (délicieuse June Allyson) permet d’aborder le sujet de l’émancipation de la femme et de la création artistique, le jeune auteur livrant sa plus belle œuvre en écrivant avec sincérité un livre sur sa sœur disparue alors que de prime abord, elle se destinait à la littérature policière pour laquelle elle n’était apparemment pas douée. Celui d’Amy apporte la touche d’humour frivole nécessaire à faire passer cette succession de petits drames ; Liz Taylor nous livre à cette occasion une facette assez méconnue de ses aptitudes. Celui de la vulnérable Beth, souffrant noblement, permet à la touchante Margaret O’Brien, déjà inoubliable dans Le Chant du Missouri, de nous montrer son talent trop peu exploité ; elle y est une nouvelle fois bouleversante. La délicatesse de LeRoy est une nouvelle fois décelable dans la manière d’inclure une ellipse pour la scène de sa mort. Enfin, dans la peau de Meg, Janet Leigh, sans trop en faire, laisse un souvenir exquis pour une de ses premières apparitions à l’écran. Tous trop âgées pour leur rôle, les quatre actrices arrivent pourtant à nous le faire oublier. Comme elles arrivent à nous faire oublier durant deux heures nos petits soucis quotidiens. Un film à réévaluer qui sera suivi la même année par un autre superbe drame, celui-ci noir et sans concessions, le méconnu Ville haute, ville basse (East Side West Side) qui prouvait l’éclectisme du réalisateur.