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Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Joyeux débuts de Butch Cassidy et le Kid

(Butch and Sundance : The Early Days)

L'histoire

Butch Cassidy (Tom Berenger) est libéré de prison après avoir promis au gouverneur et au shérif de ne plus commettre de larcins dans leur État. Dans un saloon, il fait la connaissance de Sundance Kid (William Katt) qu’il aide à échapper aux hommes de loi qui le poursuivent pour avoir volé l’argent d’une partie de poker. Les deux outlaws finissent par se lier d’amitié et décident de s’associer pour dévaliser des banques. Blessé lors d’une rencontre avec un ex-coéquipier de Butch qui pense que ce dernier l’a dénoncé à la police, Sundance est soigné dans la famille de son ami qui se révèle être marié et père de deux jeunes garçons. Une fois sur pieds et après quelques douces et heureuses semaines de convalescence, Butch et Sundance décident de repartir sur les routes. Leur rêve : s’attaquer à un train... ce qu’ils parviendront à mettre en œuvre en toute fin de ce récit... volant vers de nouvelles aventures qui les conduiront jusqu’à... un film de George Roy Hill.

Analyse et critique

Le film de George Roy Hill dont il est question à la fin du pitch ci-dessus a en fait déjà dix ans d’âge lors de la sortie de la préquelle de Richard Lester puisqu’il date de 1969. Il s’agit bien évidemment du célèbre Butch Cassidy et le Kid avec dans les rôles titres Paul Newman et Robert Redford, un western au ton léger voire décontracté qui cartonnera au box-office, tout autant que la chanson de Burt Bacharach qui accompagne l’une des premières séquences du film, Raindrops keep falling on my head, qui obtiendra d’ailleurs l'un des quatre Oscars remportés par ce long métrage. Ce dernier étant devenu un grand classique du cinéma américain, il était d’autant plus risqué pour les gros pontes de la 20th Century Fox de produire cet "antépisode" narrant les débuts de carrière de ces sympathiques bandits que, d’une part le réalisateur se plaisait à pérorer qu’il n’avait aucune affinité avec le western voire même qu’il n’en avait jamais vu, de l’autre que les comédiens choisis pour interpréter ces personnages véridiques dans leur jeunesse étaient encore à l’époque de parfaits inconnus. William Katt le restera même par la suite malgré une imposante filmographie. Tom Berenger fut, quant à lui, distingué par les producteurs suite à sa prestation dans À la recherche de Mr. Goodbar (Looking for Mr. Goodbar) de Richard Brooks.


Quoi qu’il en soit, et même si toutes les craintes étaient permises, les deux comédiens au générique de ces joyeux débuts ne déméritent pas face à leurs aînés, le cinéaste parvenant même de temps à autre à les faire ressembler à Newman et Redford à tel point qu'on pense parfois avoir affaire à ces derniers. Surtout en ce qui concerne Tom Berenger, qui eut le rôle suite à une désaffection de Harrison Ford qui avait peur de devoir subir la comparaison avec Paul Newman. Quant à l’iconoclaste Richard Lester, et contre toute attente, il nous délivre une petite pépite de la comédie westernienne qui fonctionne d'ailleurs tout aussi bien en tant que chronique humoristique qu’en tant que film d'action ; il décrivait d'ailleurs lui-même son film non pas comme un western mais comme une "victorian adventure". Jeune homme surdoué, Lester débute à la télévision dans les années 50 et devient réalisateur avant ses 20 ans. Américain d’origine, il décide néanmoins d’aller vivre à Londres et se spécialise dans l’humour anglais, notamment avec Peter Sellers. Sa gloire, il l’acquiert grâce aux Beatles qui le choisissent pour filmer A Hard Day's Night et Help ! avant de remporter pas moins que la Palme d’or à Cannes avec Le Knack... et comment l'avoir (The Knack... and How to Get It), immense succès commercial. Lester est alors l’un des artistes les plus en vue de la période du Swinging London. Il aura d’autres gros hits ou (et) réussites artistiques à son actif dont un dytique fantaisiste adapté d’Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires (The Three Musketeers) et On l'appelait Milady (The Four Muskeeters), une version touchante de la vieillesse de Robin des bois, La Rose et la flèche (Robin and Marian) avec le duo Sean Connery / Audrey Hepburn - sans oublier un score mémorable de John Barry - ou encore un film catastrophe au ton assez unique, Terreur sur le Britannic (Juggernaut).


Après le méconnu et pourtant passionnant Cuba sur la révolution cubaine de 1959 - à nouveau avec Sean Connery -, Lester met donc en scène cette suite/préquel du film de George Roy Hill. Il sera ensuite à nouveau en haut de l’affiche avec les deux premières suites du Superman de Richard Donner. Un cinéaste à la filmographie aussi éclectique que captivante dont ce mésestimé Les Joyeux débuts de Butch Cassidy et le Kid (Butch and Sundance : the Early Days) pourrait être l’une de ses plus attachantes réussites. Le film débute alors que Butch sort de prison et qu’il rencontre dans un saloon celui qui va devenir son coéquipier de rapine : ils s’associent et continuent à commettre leurs méfaits malgré les menaces des hommes de loi, dont le shérif Blesdoe interprété par Jeff Corey qui tenait déjà ce rôle dans le film précédent. On assiste ainsi aux prémices de leurs délits commis ensemble, les deux hors-la-loi évitant néanmoins au maximum violences et tueries, mais nous les verrons également délivrer à ski un vaccin à des mineurs coupés du monde, s’arrêter quelques temps dans la famille de Butch le temps que Sundance se relève d’une blessure, devoir se défendre contre un ex de la bande à Butch croyant dur comme fer que ce dernier l’a dénoncé et préparer enfin le coup de leur rêve, l’attaque d’un train. Le tout somptueusement photographié, filmé au sein de décors naturels assez impressionnants ou d’intérieurs victoriens luxuriants comme celui du saloon d’une richesse peut-être jamais vue dans un western.


Un western aussi drôle - voire hilarant - que mélancolique (on a parfois les larmes aux yeux, notamment lors des adieux de Butch à son épouse et à ses enfants), aussi remuant qu'esthétiquement sublime, aussi étonnant dans ses situations et l’utilisation de ses décors naturels que classique dans sa mise en scène d'une extrême efficacité (cf. le duel en centre ville les pieds dans l’eau entre William Katt et l’excellent Brian Dennehy). La galerie de seconds rôles s'avère savoureuse - notamment donc Brian Dennehy, mais également Peter Robocop Weller ou Christopher Back to the Future Lloyd -, la photo splendide et le scénario bien moins "anedoctico-chaotique" qu'on a bien voulu le dire. Le film se termine sur une scène d'anthologie de la comédie et de l'action, une inoubliable attaque de train aussi drôle que dynamique. L'humour de ce western est réjouissant de bout en bout, et ce dès la première scène de l'harmonica dans la chambre de prison et surtout dès la seconde de la délivrance au cours de laquelle Butch Cassidy, trop honnête pour mentir, ne parvient pas à se décider à promettre au gouverneur de ne plus être un hors-la-loi mais finissant par obtenir gain de cause à condition qu’il aille commettre ses pillages dans d’autres États éloignés. On se souviendra également longtemps de ce bivouac totalement improbable au sommet d’un promontoire rocheux... que l’on ne découvre qu’au tout dernier plan de la scène, ou encore de cette séquence surréaliste qui suit immédiatement du croisement insolite en pleine région désertique de deux amis en fond de canyon dans un étroit couloir de gorges.


Sans provocation aucune, et même si le western de Lester semble assez peu apprécié par les aficionados du genre, il n’est absolument pas interdit de prendre autrement plus de plaisir à sa vision qu’à celle du célèbre film de George Roy Hill, à mon avis bien moins subtil dans ses situations et son humour. L'étonnant sens du pittoresque du second peut sembler bien plus digeste que les "clowneries" de l’original. Ecrit et réalisé avec une souveraine et jubilatoire désinvolture mais paradoxalement rythmé à la perfection, dynamique, enjoué et plein de verve, voici un film aussi drôle que palpitant, aussi doux que vif, une comédie westernienne au mélange des tons assez unique dans l’histoire du cinéma, entre réalisme et fantaisie, ne sombrant jamais dans la bouffonnerie malgré quelques situations quasi loufoques, grâce aussi à une jolie science du dialogue et à des répliques assez réjouissantes. A réhabiliter de toute urgence pour faire oublier ce cuisant échec au box-office international !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 8 juin 2018